Québec, d'hier à aujourd'hui

Musée national des beaux-arts du Québec: espace, patrimoine et identité

par Alaïs, Sabrina

Vue extérieure du Musée national des beaux-arts de Québec, 2010

Première institution muséologique fondée par le gouvernement du Québec, le Musée national des beaux-arts du Québec est érigé dans le parc des Champs-de-Bataille nationaux, à Québec, dans le premier tiers du XXe siècle. Symbole et lieu de mémoire, il écrit et met en scène sa propre histoire. En étendant ses zones d'exposition aux lieux qu'il annexe, l'ancienne prison et prochainement l'ancien couvent des Dominicains, il requalifie ce patrimoine et lui donne ainsi une valeur ajoutée. Parfaitement intégré à son époque et à la vie culturelle des citoyens, le Musée proposait en 2008, à l'occasion des festivités du 400e anniversaire de la ville de Québec, une programmation artistique en lien avec l'identité québécoise.

 

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Création et vocation d'une institution nationale

Monastère des Ursulines à vol d'oiseau, Québec, vers 1938

Comme le souligne l'historien de l'art Luc Noppen, « L'idée d'ériger un musée national à Québec apparaît à peu près à la même époque que celle de créer le parc des Champs-de-Bataille. Rien d'étonnant donc à ce que ces projets, tous deux destinés au départ à commémorer une histoire nationale, aient été associés au point de s'imbriquer dans un même lieu. » (NOTE 1) Connu d'abord sous le nom de Musée de la province de Québec, il fut institué par décret en 1922 et inauguré en 1933. À ses débuts, il abritait les Archives du Québec, les collections de sciences naturelles et de beaux-arts. Trente ans après sa création, il change de nom et devient « Musée du Québec ». En 1983, la loi sur les musées nationaux transforme le musée en société d'État et dès lors, sa collection est uniquement constituée d'œuvres d'art. En 2002, il est rebaptisé Musée national des beaux-arts du Québec.

Sa mission actuelle est de faire connaître, promouvoir et conserver l'art québécois de toutes les périodes. L'institution possède une collection permanente d'environ 33 000 œuvres essentiellement produites au Québec, ou par des artistes québécois, du XVIIe siècle à aujourd'hui (NOTE 2). En outre, le musée présente chaque année des expositions temporaires de grande envergure et, depuis 1980, une programmation et plusieurs manifestations importantes en art international.

 

Un complexe architectural patrimonial et patrimonialisé

Vue extérieure du Musée national des beaux-arts de Québec, 2010

Le musée comprend trois pavillons de style architectural différent, dont chacun réfère à une période distincte de l'histoire de la ville. Triptyque architectural monumental, ces pavillons matérialisent dans l'espace urbain les étapes de sa biographie, affirmant ainsi son statut d'élément incontournable du patrimoine québécois.

Le musée initial était abrité dans le pavillon principal Gérard-Morisset, un bâtiment de style néoclassique conçu par l'architecte Wilfrid Lacroix inauguré en 1933. Au tournant des années 1990, à la faveur des nouvelles orientations prises par la direction du musée, il fut décidé d'agrandir la surface d'exposition. Le choix se porta sur l'ancienne prison de Québec, conçue par l'architecte ingénieur et arpenteur Charles Baillairgé en 1867 et sise à moins de 100 mètres du musée (NOTE 3). De 1989 à 1991, l'édifice est rénové afin de répondre aux normes muséologiques. On construit en outre le Grand Hall, qui sert de lien entre les deux bâtiments.

Vue extérieure du Musée national des beaux-arts de Québec, 2010

Les rénovations entreprises à l'ancienne prison sont respectueuses de l'histoire de ce lieu patrimonial. Au rez-de-chaussée seront conservés le bloc 6 - anciennement réservé aux criminels dangereux et aux condamnés à mort - ainsi que le bloc 11 - où étaient logés les vagabonds et les prisonniers jugés inoffensifs. Quatre salles d'exposition seront ouvertes dans cet ancien bâtiment carcéral, alors que la tourelle de guet abritera désormais une œuvre monumentale de David Moore, réalisée en 1991. Pendant cette période de travaux, le Musée réalise « Territoires d'artistes : paysages verticaux », un événement international en art actuel qui s'est tenu dans divers lieux de la ville de Québec, comme un écho de son expansion physique.

Par cet agrandissement, le Musée national des beaux-arts du Québec atteint un triple objectif : il réussit son pari architectural en amalgamant des bâtiments de 1867, 1933 et 1991 ; il se dote de l'espace voulu pour proposer une programmation artistique plus riche à l'attention de tous les publics ; enfin il procure une nouvelle raison d'être à un bâtiment patrimonial en perdition, en l'utilisant à des fins muséologiques et pédagogiques. De ce fait, le musée devient l'animateur culturel de l'espace patrimonialisé qu'il a acquis.

 

Le Musée national des beaux-arts du Québec : au cœur du 400e anniversaire de la fondation de la ville

Affiche de l'exposition Le Louvre à Québec. Les arts et la vie (5 juin - 26 octobre 2008)

En 2008, le Musée national des beaux-arts du Québec célébrait le 75e anniversaire de son inauguration en même temps que la ville de Québec fêtait le 400e anniversaire de sa fondation. Il a alors développé une programmation artistique reliée à la question de l'identité culturelle et artistique de Québec :

  • « Québec, une ville et ses artistes » (ANNEXE 1) du 14 février au 27 avril 2008 ; cette rétrospective d'œuvres tirées des collections du Musée réalisées par des artistes de Québec évoque le passé de la ville dans ses dimensions physiques, sociales et culturelles ;
  • « Le Louvre à Québec. Les arts et la vie » du 5 juin au 26 octobre 2008 ; cette exposition phare de l'année commémorative 2008 met en valeur les liens privilégiés qui unissent aujourd'hui le Québec et la France, puisque le plus illustre musée français a déplacé environ 200 de ses trésors nationaux à Québec pour cette première exposition d'œuvres de ses collections en Amérique (NOTE 4) ;
  • « C'est arrivé près de chez vous, L'art actuel » du 4 décembre au 12 avril 2009 ; cette exposition rend compte des mouvances artistiques québécoises actuelles et avant-gardistes ;
  • « Paris 1900, collection du Petit-Palais » (ANNEXE 3) du 4 octobre 2007 au 6 janvier 2008. Cette exposition est un clin de l'œil de la ville de Paris pour célébrer les festivités de Québec. Elle présente les portraits mondain et populaire de la vie sociale parisienne durant les années 1900 ;
  • « Québec et ses photographes 1850-1908, La collection Yves Beauregard » (ANNEXE 4) du 25 septembre 2008 au 4 janvier 2009 ; cette précieuse collection choisie de portraits de la ville, de ses lieux et ses habitants par les premiers photographes venait tout juste d'être cédée au Musée.

De plus, le musée a fait l'acquisition d'une collection de 10 000 cartes postales ayant immortalisé la ville de Québec de 1897 jusqu'à aujourd'hui et il a publié un ouvrage sur le bâtiment d'origine, le pavillon Gérard-Morrisset. Cette effervescence artistique se voulait à l'image des festivités animant la ville et, surtout, une occasion de remettre les beaux-arts au centre des intérêts des Québécois. Ce programme d'expositions et de publications illustre la mission d'acteur social, outrepassant le rôle de témoin, que le Musée national des beaux-arts du Québec veut manifester par sa présence dans la ville.

 

Un espace muséal producteur d'espaces identitaires

Affiche de l'exposition Québec, une ville et ses artistes

En 2008, dans l'avant-propos du catalogue d'exposition Québec, une ville et ses artistes, le maire de Québec Régis Labeaume (NOTE 5) écrit que les artistes présentés contribuent à l'enrichissement du patrimoine collectif. Il réaffirme alors son soutien et son implication dans le projet d'agrandissement futur du Musée, allant jusqu'à comparer la fierté que devraient ressentir les citoyens pour un tel projet à celle que ressentirent les citoyens lors de la construction du nouvel hôtel de ville en 1895. Le message est éminemment fort : cette exposition devient support de la légitimité politique de l'institution muséale dans son ensemble et de son projet d'expansion.

Ce nouveau projet d'agrandissement du MNBAQ consiste à annexer le terrain du couvent des Dominicains, localisé à proximité immédiate du Musée, sur l'avenue Grande-Allée. Le coût du projet d'agrandissement est au départ estimé à 90 millions de dollars canadiens. Il est prévu de conserver le presbytère actuel de la paroisse Saint-Dominique, considéré comme un lieu patrimonial et un espace identitaire (NOTE 6), et d'intégrer la sacristie à un nouveau bâtiment, alors que la majeure partie du couvent sera détruit. Cette annexion permettrait d'accroître la superficie du musée de  quelque 8 000 mètres carrés (NOTE 7), Le musée espère profiter de ce espace supplémentaire pour mettre en valeur une partie de sa collection en dormance et d'en améliorer les conditions de conservation.

L'annexion du terrain des Dominicains permettrait du même coup de désenclaver l'institution, située en retrait par rapport à l'artère principale qu'est la Grande Allée. S'implanter ainsi davantage dans la ville est une manière d'accroître sa visibilité, d'affirmer son statut de musée national et d'attirer plus de publics. Monsieur John R. Porter, ancien directeur du Musée déclarait d'ailleurs à titre de commissaire de ce projet d'agrandissement du musée : « En allant du côté des Dominicains, il s'agit de s'ouvrir sur la ville, c'est le musée qui sort de son enclave, c'est l'occasion de faire un quartier du musée » (NOTE 8).

Vue extérieure du Musée national des beaux-arts de Québec, 2010

Le Musée national des beaux-arts du Québec se déploie donc progressivement dans l'espace urbain, il organise, il écrit, il maîtrise et met en scène sa propre histoire. Reflet de l'histoire urbaine en évolution, il s'intègre dans son temps et dans la vie culturelle des citoyens, devenant ainsi médiateur et espace social. Il se conjugue à l'espace urbain dans la mesure où tous deux sont un espace façonné politiquement, un produit historique et social. En ce sens, il est un musée dans la ville, un espace dans l'espace.

 

Sabrina Alaïs
Doctorante en ethnologie et patrimoine, Université Laval

 

 

NOTES

1. Luc Noppen, Le Musée du Québec : l'architecture du pavillon Gérard-Morisset, Québec, Musée du Québec, 1991, p. 10.

2. Voir Musée national des beaux-arts du Québec, « Mission », À propos du Musée [en ligne], http://www.mnba.qc.ca/mission.aspx, consulté le 2 février 2010.

3. L'établissement carcéral cesse ses opérations en 1970. Momentanément transformé en auberge de jeunesse, il ferme ses portes quatre ans plus tard. Dans l'intervalle, les collections du musée n'ayant cessé de croître, il était devenu impératif d'acquérir de nouveaux locaux pour le musée. L'ancienne prison sembla donc un choix tout désigné.

4. « Le Louvre à Québec. Les arts et la vie » rassembla 270 œuvres en provenance des huit départements du Musée du Louvre, couvrant une période de plus de 5 000 ans et regroupées sous quatre thématiques principales : « Aimer et mourir » (la vie), « Apprendre et œuvrer » (le labeur), « Habiter et embellir » (l'habitat), « Célébrer et se divertir » (la fête et les loisirs). Ce bond dans le temps permettait au visiteur de renouer avec la culture européenne et d'admirer les trésors accumulés par le célèbre musée français. Néanmoins, il ne faut pas oublier que cette exposition fut aussi un instrument politique, comme l'exprima sans ambiguïté François Alabrune, consul général de France à Québec, dans le discours qu'il prononça lors de l'inauguration de l'exposition au MNBAQ, le 4 juin 2008. En effet, Monsieur Alabrune affirma l'amitié franco-québécoise, puis évoqua les partenariats économiques, universitaires et culturels entre les deux pays. Entretenir les relations diplomatiques afin de développer tout type de partenariats et d'échanges est bien la finalité d'une telle exposition, fruit de coopérations et d'efforts collectifs entre deux pays, liés par un passé commun.

5. La lettre rédigée par le maire de Québec, Monsieur Régis Labeaume, est à consulter en annexe 2.

6. À ce sujet, voir Musée national des beaux-arts du Québec, « Le nouveau MNBAQ : un projet pour le XXIe siècle », Agrandissement du MNBAQ [en ligne], http://www.mnba.qc.ca/agrandissement_projet.aspx.

7. Annexe 2, p. 3-5.

8. Marc Gauthier, Entrevue avec John R. Porter sur l'agrandissement du Musée national des beaux-arts du Québec [en ligne], 22 septembre 2009, http://www.marcgauthier.com/blog/2009/09/22/entrevue-avec-john-r-porter-sur-lagrandissement-du-musee-national-des-beaux-arts-du-quebec/, consulté le 2 février 2010.

 

Bibliographie

Béland, Mario, Le Musée du Québec : les expositions des origines à 1990, Québec, Musée du Québec, 1991.

Blois, Nathalie de, avec la collab. de Denis Castonguay, C'est arrivé près de chez vous : l'art actuel à Québec, catalogue d'exposition, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec, 2008.

Castonguay, Denis, et Yves Lacasse (dir.), Québec, une ville et ses artistes, catalogue d'exposition, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec, 2008.

Déry, Louise, Territoires d'artistes : paysages verticaux, catalogue d'exposition, Québec, Musée du Québec, 1989.

Dubé, Philippe, Questions de muséalité : expériences, espaces et publics, Québec, Université Laval, 2009.

Hamelin, Jean, Le Musée du Québec : histoire d'une institution nationale, Québec, Musée du Québec, 1991.

Harvey, Fernand, Le Musée du Québec : son public et son milieu, Québec, Musée du Québec, 1991.

Joseph, Isaac (dir.), L'espace du public, les compétences du citadin : colloque d'Arc-et-Senans, 8-10 novembre 1990, Paris, Plan urbain et D.A.U.-B.R.A., 1991.

Lefebvre, Henri, La production de l'espace, 4e éd., Paris, Anthropos, 2000 [1974].

Ouellet, Line, Le Louvre à Québec : les arts et la vie, catalogue d'exposition, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec; Paris, Hazan et Musée du Louvre, 2008.

 

 

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