Fête du Canada

par Hayday, Matthew

Festivités de la fête du Canada. © 2008, Commission de la capitale nationale.

Célébrée le 1er juillet, la fête du Canada (ou fête du Dominion telle qu’elle fut officiellement connue jusqu’en 1982) commémore la confédération canadienne de 1867. En 1958, le gouvernement fédéral de John Diefenbaker instaura la tradition de tenir des célébrations officielles à Ottawa, en y associant des éléments à caractère officiel et festif, afin de souligner la date de fondation du pays. La nature des célébrations tenues dans la région de la Capitale nationale s’est transformée au fil des ans afin de refléter de nouvelles conceptions en matière d’identité nationale au Canada. Regroupant des artistes de la scène de partout au pays, ces célébrations, dans l’ensemble, présentent une évolution des concepts liés au patrimoine linguistique et culturel du Canada.


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Créer une tradition axée sur la célébration

Le prince de Galles, lors de la clôture des fêtes du 60e anniversaire de la Confédération, 1927. BAnQ

Le 1er juillet 1867, l’union fédérale du Canada prit officiellement naissance. En guise de célébration, un congé férié soulignant la fête du Dominion à l’échelle nationale fut proclamé et célébré partout au pays à l’occasion de pique-niques, de parades, d’événements sportifs, de feux d’artifices et de feux de joie. Au cours du premier siècle d’existence du Canada, la date anniversaire de la fondation du pays fut célébrée dans les communautés locales. Cependant, le gouvernement fédéral du Canada n’organisa aucune célébration d’envergure officielle. La seule exception notoire à cette règle fut la célébration du jubilé de diamant de 1927 qui souligna le 60e anniversaire de la Confédération sur la Colline du Parlement et diffusa d’un océan à l’autre une émission radiophonique dédiée à la musique patriotique et à des reconstitutions historiques (des événements prévus pour le 50e anniversaire de la confédération furent annulés en raison de la Première Guerre mondiale). Dans les années qui suivirent immédiatement la Deuxième Guerre mondiale, d’importantes activités publiques furent organisées par la communauté canadienne française à Ottawa afin de célébrer le 24 juin, jour férié en hommage à Jean le Baptiste, le saint patron du Canada français (la fête de la Saint-Jean). Le gouvernement fédéral ne fit alors rien pour souligner la fête du Dominion. En fait, le Parlement fédéral mena ses affaires habituelles le 1er juillet et le gouvernement libéral de Louis Saint-Laurent résista aux demandes de l’opposition conservatrice d’ajourner le Parlement en raison d’événements associés à la fête du Dominion.

Préoccupé par ce qu’il considérait comme une érosion du patrimoine légué par la Grande-Bretagne au Canada, le premier ministre John Diefenbaker prit la décision d’organiser des célébrations financées par le fédéral pour souligner la fête du Dominion. Selon lui, cette érosion était marquée par la réticence du gouvernement libéral de Louis Saint-Laurent à défendre l’action menée par la Grande-Bretagne durant la crise de Suez de 1956 et par la volonté de ce même gouvernement d’éliminer le terme « Dominion » des institutions fédérales, dans un effort pour rétablir un modèle d’identité canadienne moins ouvertement lié à la Grande-Bretagne et plus ouvert à l’égard des Francophones. La première de ce qui allait devenir une célébration annuelle de la fête du Dominion sur la Colline du Parlement fut organisée en 1958 par Ellen Fairclough, secrétaire d’État de John Diefenbaker, qui voyait en ces célébrations un moyen de commémorer le patrimoine légué par la Grande-Bretagne au Canada. Au programme : apparat militaire, allocutions du gouverneur-général et de hauts fonctionnaires gouvernementaux et concert de carillon. Les seuls éléments rappelant le patrimoine du Canada français furent quelques compositions canadiennes-françaises incluses dans le concert de carillon et une série de pièces interprétées par les orchestres militaires. Le programme distribué aux invités était bilingue.

Des groupes ethniques provenant de diverses régions du Canada lors de la Fête du Canada et du Centenaire de la Confédération, 1967 (détail). BAC

Au début des années 1960, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration en collaboration avec le ministère du Secrétariat d’État planifia la programmation de la fête du Dominion. Des fonctionnaires du ministère crurent que l’ajout au programme d’un élément lié à la danse et à la musique folklorique permettrait de populariser l’événement, particulièrement auprès d’immigrants nouvellement arrivés au Canada. Les activités de la fête du Dominion tenues sur la Colline du Parlement commencèrent alors à inclure des prestations présentées par des interprètes canadiens populaires et amateurs. À compter de 1960, les sociétés CBC et Radio-Canada diffusèrent au moins une partie de ces spectacles. De 1961 à 1964, les Feux-Follets, troupe de danse folklorique de Montréal, furent sélectionnés pour représenter la culture canadienne-française. Chaque année, ils interprétèrent plusieurs danses, dont au moins une danse traditionnelle canadienne-française et un choix de danses folkloriques d’autres pays.

Bilinguisme et biculturalisme au centenaire du Canada

Conférence de presse de L.B. Pearson dévoilant le drapeau. Duncan Cameron, BAC

En 1963, en réponse aux appels d’André Laurendeau, rédacteur en chef du Devoir, le gouvernement libéral nouvellement élu de Lester B. Pearson créa la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Les efforts visant à réviser les conceptions officielles en matière d’identité canadienne afin de la rendre plus ouverte à l’égard du Canada français et moins liée aux anciens modèles centrés sur la Grande-Bretagne constituèrent une des marques caractéristiques du gouvernement Pearson. La manifestation la plus évidente de cette politique fut l’adoption du drapeau à la feuille d’érable comme emblème officiel du Canada, remplaçant l’Union Jack britannique et la Red Ensign (qui arborait l’Union Jack en miniature). Les Canadiens anglais manifestèrent de la résistance à ce changement, bien qu’une majorité finit par se rallier derrière le nouveau drapeau, à l’exception notoire de John Diefenbaker, chef du Parti conservateur, qui se battit farouchement au Parlement contre l’adoption de ce nouvel emblème.

Le gouvernement Pearson fut responsable de l’organisation des célébrations du Centenaire de 1967. Dans ses efforts pour soulever l’enthousiasme des Canadiens à l’égard du centenaire, le gouvernement fédéral augmenta le financement des célébrations de la fête du Dominion à Ottawa, ce qui permit aux organisateurs de faire venir des artistes de partout au pays, et non pas uniquement de l’Ontario et du Québec, comme cela avait été le cas avant 1964. Lors de la sélection des artistes, le gouvernement fédéral insista pour que soient représentés les trois premiers groupes à s’être établis au Canada, « à savoir les Amérindiens, les Français et les Britanniques ».

Cette hausse de fonds fit que l’image projetée lors d’émissions télévisées des sociétés CBC et Radio-Canada devint plus représentative du patrimoine canadien-français du Canada. Les artistes présentés au cours des années 1960 comptaient de nombreux interprètes acadiens, dont Édith Butler, une chorale acadienne dirigée par mère Sainte-Thérèse-du-Carmel et Les chanteurs du Mascaret. Les Canadiens français de l’Ouest canadien furent aussi bien représentés. En 1966, Diane Landry, une Franco-Manitobaine bilingue élue Miss Canada et hôte des festivités, chanta en hommage à son ancêtre Jean-Baptiste Lagimonière, coureur des bois. La même année, le Saskatchewanais Geoff Howard interpréta la pièce qu’il avait composée en hommage au chef métis Louis Riel. Le Québec fut bien représenté par de nombreuses chorales et troupes de danse de jeunes amateurs.

Unité nationale et festivité

Cérémonie de l'Anniversaire du Canada durant l'Expo 67. BAC

Durant les années qui suivirent le centenaire, Ottawa continua d’organiser les spectacles entourant la fête annuelle du Dominion, mais à plus petite échelle et sans qu’ils soient toujours télévisés, et ce, jusqu’en 1975. En 1976, les célébrations furent annulées en raison de restrictions budgétaires. Au même moment, alors que les célébrations d’Ottawa s’essoufflaient, le gouvernement québécois injectait à nouveau des fonds et de l’énergie dans les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste, qui furent rebaptisées la Fête nationale du Québec. Certains événements organisés pour Montréal en particulier attirèrent des foules de plus d’un million de spectateurs au mont Royal au cours d’une semaine d’activités. L’élection tenue en novembre 1976 par le gouvernement du Parti québécois, qui s’était engagé à tenir un référendum sur la souveraineté-association, choqua le gouvernement fédéral, qui prit la résolution de faire un effort plus concerté pour promouvoir l’unité nationale.

Les célébrations du 1er juillet – appelées célébrations de la fête du Canada, plutôt que fête du Dominion, parce que moins populaire au Québec – faisaient partie de la stratégie pour l’unité nationale du gouvernement fédéral. Plus de trois millions de dollars furent alloués aux célébrations de 1977, et un peu moins à celles de 1978 et de 1979. Des artistes de grande renommée furent sollicités pour participer en direct à une émission de trois heures présentée à travers le pays par satellite et diffusée simultanément sur 842 des 844 chaînes de radio et de télévision nationales.

Conçues tel un projet voué à l’unité nationale, les festivités du 1er juillet eurent plus que jamais d’énormes difficultés à y intégrer le Canada français. Alors que la chanteuse disco Patsy Gallant d’origine acadienne était en tête d’affiche, de même que le chanteur de Moncton Calixte Duguay, il s’avéra très difficile pour les organisateurs d’obtenir l’appui d’artistes québécois de renom. Beaucoup se plièrent à la décision décrétée par l’Union des artistes du Québec, qui désapprouvait l’idée que des artistes de la scène acceptent de travailler pour le gouvernement fédéral. D’autres ayant affiché ouvertement leur sympathie pour la cause séparatiste, comme Robert Charlebois et Diane Dufresne, préférèrent présenter un spectacle lors de la Fête nationale du Québec. La presse montréalaise reprocha à des artistes très en vue comme Ginette Reno et René Simard, qui avaient accepté de présenter un spectacle, d’être des « vendus »; les chroniqueurs observant amèrement que, de toute façon, ces derniers faisaient leur argent surtout aux États-Unis. Bien que ces festivités aient attiré un vaste auditoire de Canadiens (plus de 11,7 millions de téléspectateurs canadiens avaient regardé les émissions diffusées en 1977), les sondages d’opinion et les médias du Québec ne firent pas mention du succès spectaculaire qu’elles avaient remporté dans cette province.

Dépolitiser la fête

© Commission de la capitale nationale.

Après la défaite du référendum de 1980, le gouvernement fédéral accorda à nouveau moins d’importance aux célébrations du 1er juillet tenues à Ottawa. L’appellation officielle désignant cette fête fut changée en 1982 et devint la fête du Canada, à la suite d’un projet de loi d’initiative parlementaire proposé par Hal Herbert, membre du Parlement pour la circonscription de Vaudreuil, Québec. Les célébrations à caractère communautaire reçurent du financement du gouvernement fédéral et des spectacles de petite envergure furent organisés sur la Colline du Parlement, bien qu’ils ne furent pas télédiffusés. Les spectacles à grand déploiement présentés à Ottawa reprirent en 1988 et se sont perpétués jusqu’à aujourd’hui. Les événements associés à la fête du Canada sont normalement centrés autour de deux activités importantes. Des allocutions prononcées par le gouverneur général et le premier ministre ont lieu le midi et offrent habituellement des spectacles de danse et de musique de renom. Les spectacles présentés en soirée ont pour but de créer une atmosphère de rock et de fête et mettent en vedette des artistes de la relève et de haut niveau de partout au pays.

Alors que le processus de sélection avait toujours misé sur des artistes d’envergure qui plairaient tant aux téléspectateurs qu’aux amateurs de spectacles en direct, les organisateurs s’étaient assurés que le choix des artistes retenus tiendrait compte équitablement des régions et des groupes culturels et linguistiques. On pourrait aussi y déceler une tentative délibérée pour s’assurer que les artistes francophones sélectionnés proviennent de partout au pays et non seulement du Québec. Par conséquent, en plus d’artistes québécois comme Céline Dion, Nanette Workman, Diane Tell, Isabelle Boulay, Les Cowboys Fringants, Luck Mervil et Lara Fabian, on vit sur scène une foule d’interprètes représentant des communautés acadiennes et canadiennes-françaises de partout au pays, y compris le groupe country rock Hart Rouge de la Saskatchewan, la chanteuse pop Patsy Gallant du Nouveau-Brunswick et l’ensemble de jazz franco-ontarien Swing. Des chanteurs acadiens en particulier jouèrent un rôle clé lors de ces célébrations. En 1992, accompagné par le producteur David Foster, Roch Voisine parvint à lancer sa carrière de chanteur bilingue au Canada anglais en interprétant « I’ll Always Be There ». Voisine fit connaître bon nombre de ses tubes en français, dont le succès international « Hélène ». En 2005, à l’occasion du 250e anniversaire commémorant le Grand Dérangement des Acadiens, Wilfrid LeBouthilier, gagnant de Star Académie, défraya la chronique lors d’un spectacle présenté à midi mettant en vedette une brochette d’artistes acadiens.

© Commission de la capitale nationale.

Dans l’ensemble, la fête du Canada tenue sur la Colline du Parlement a permis au gouvernement fédéral canadien de célébrer et de promouvoir la culture et l’identité canadiennes. De telles célébrations ont fait connaître des talents canadiens prometteurs venus de partout au pays. Grâce à elles, le gouvernement fédéral a pu offrir une vision du Canada français qui ne se limite pas à la province de Québec et la présenter au reste du pays par l’entremise des sociétés CBC et Radio-Canada. Ainsi, le gouvernement fédéral peut renforcer ses politiques culturelles et identitaires. Récemment, ces célébrations ont pris de l’ampleur et sont devenues un attrait touristique important pour la Capitale nationale régionale. L’atmosphère qui se répand dans les rues d’Ottawa est à la fois festive et patriotique – il n’est pas inhabituel d’entendre des groupes de fêtards entonner un couplet du Ô Canada! En ce sens, les célébrations de la fête du Canada dans Ottawa-Gatineau offrent aux Canadiens une occasion et un lieu propices à l’expression de leurs sentiments patriotiques qu’ils ne manifestent pas normalement le reste de l’année. Même si le format et le message qu’elles véhiculent ont changé depuis leur première tenue en 1958, cette « tradition inventée » a su trouver sa voie à titre de célébration canadienne culturelle d’importance.


Matthew Hayday

Université de Guelph

 

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Vidéo
  • Fête du Canada Ce film présente les célébrations du 1er juillet à Ottawa lors de deux dates marquantes dans l’histoire du pays. En 1927, à l’occasion du 50e anniversaire de la Confédération, on assiste à l’arrivée du gouverneur général en carrosse d’apparat, au discours du premier ministre Mackenzie King, à la visite du représentant des États-Unis, Charles Lindbergh, à un défilé de chars allégoriques représentant divers moments de l’histoire du pays et à d’autres activités. Une foule considérable est massée devant le Parlement pour assister à ces célébrations. En 1967, on assiste à quelques moments du passage de la Reine d’Angleterre Élisabeth II, à Ottawa, en présence d’une foule nombreuse.
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