Québec, d'hier à aujourd'hui

Paroisse Saint-Roch, Québec

par Renier, Marie

 

Église Notre-Dame-de-Saint-Roch

Le quartier Saint-Roch de Québec est d'abord né de l'activité religieuse, avant de s'imposer par son industrie et son commerce. Première paroisse à se détacher de la paroisse mère de Québec, Saint-Roch a une grande importance dans l'histoire de la ville de Québec et du Québec. Son évolution reflète la vie socio-économique du quartier. Après avoir été des piliers incontournables de la vie locale, les deux églises de Saint-Roch et les pratiques que l'on y retrouve ont survécu en s'adaptant aux transformations du quartier

 

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La paroisse Saint-Roch en un coup d'oeil

Les deux églises de Saint-Roch, Saint-Roch et Notre-Dame de Jacques-Cartier, situées de part et d'autre du centre névralgique de la rue Saint-Joseph, ont longtemps été des lieux incontournables du centre-ville de Québec. Saint-Roch, autrefois le quartier francophone et populaire par excellence à Québec, a également joué un rôle important sur le plan spirituel et par la force politique de son clergé.

Procession, rue de la Couronne, Premier Congrès eucharistique provincial, 1923

Encore aujourd'hui, ce dynamisme se perpétue. Si la pratique religieuse a perdu l'importance qu'elle pouvait avoir aux siècles passés, les églises et la paroisse continuent de contribuer à la vie locale. Par les événements culturels, communautaires et religieux qu'on y retrouve, et par l'implication de la paroisse dans le milieu associatif, elles alimentent le sentiment d'appartenance au quartier. De plus, ces églises entretiennent, comme aucun autre lieu, un lien étroit avec les anciens de ce quartier qui a subi d'importants déplacements et renouvellements de population.

La renommée de l'église Saint-Roch est importante. Bâtie entre 1913 et 1921, dans le but d'en faire la principale église de Québec, elle est l'une des plus fréquentées de la région, et on étudie le projet d'en faire une basilique, haut lieu d'attraction touristique et religieuse. Plus petite et discrète, l'église Notre-Dame de Jacques-Cartier a un avenir plus incertain.

Les fins de semaine, les deux églises accueillent quatre messes (trois à Saint-Roch et une à Notre-Dame de Jacques-Cartier) et regroupent 450 pratiquants. La semaine, deux messes rassemblent une centaine de fidèles.

La pratique religieuse dans la paroisse Saint-Roch est marquée par l'ouverture et la diversité, à l'image de sa population et du dynamisme culturel du quartier. Le samedi, l'église Notre-Dame de Jacques-Cartier accueille la communauté roumaine qui y pratique le culte orthodoxe, ce qui n'est pas sans rappeler l'époque où Saint-Roch était le quartier multiethnique par excellence à Québec. Par ailleurs, des cérémonies religieuses, uniques à Saint-Roch et très populaires, attirent des gens venus d'ailleurs. C'est le cas de l'onction des malades et de la bénédiction des chiens célébrées lors de la fête de Saint-Roch, mais aussi de la cérémonie des anges, au mois d'octobre, destinée à aider les jeunes familles à surmonter une fausse couche ou la perte d'un nouveau-né. 

 

La légende de Saint-Roch, encore vivante et d'actualité

L'attribution du nom de Saint-Roch à ce quartier important de Québec remonte à l'époque de l'arrivée des Récollets en Nouvelle-France. En 1694, lorsque ceux-ci fondent leur petit ermitage, non loin des actuelles bretelles de l'autoroute Dufferin, une épidémie frappe la colonie. Ils dédient pour cette raison leur chapelle à Saint-Roch, patron invoqué pour se protéger des maladies infectieuses.

Roch est né en France à Montpellier vers 1340.  Fils unique d'une famille aisée, il perd ses parents à l'âge de 18 ans et décide de donner ses biens aux pauvres et de partir en pèlerinage à Rome. À l'époque, une vague d'épidémie de peste noire sévit, et il décide de s'occuper des malades exclus qu'il rencontre lors de son voyage. Par sa prière et quelques connaissances en médecine, il gagne la réputation de guérir des malades et même d'éloigner la peste de certains villages. Après avoir lui-même contracté la maladie, il s'isole dans une forêt. Un jour, un chien lui apporte des miches de pain. Le maître de ce chien prend soin de Roch et le guérit. Saint-Roch est devenu un saint d'importance en Europe, représenté avec sa besace, son bâton de pèlerin et son chien.

Saint-Roch, patron des animaux, des malades et des exclus, reste une source d'inspiration pour cette paroisse située en plein centre-ville, où les problèmes sociaux ont longtemps été importants et où se retrouve toujours une grande concentration d'organismes communautaires. Détail intéressant, Saint-Roch est également le protecteur de métiers qui ont marqué l'histoire du quartier (tanneurs, fourreurs, pelletiers, fripiers). Il est aussi celui des boulangers et des vignerons, ce qui est des plus pertinents pour un quartier qui se démarque désormais par son avant-garde gastronomique.  

Associée à ce saint on compte également la fameuse bénédiction des chiens. Celle-ci, courante en Europe dans les paroisses dédiées à Saint-Roch, a lieu le samedi qui précède le jour de la Saint-Roch (16 août). Elle a été initiée par l'abbé Mario Dufour, à l'époque où le quartier était en pleine revitalisation, en raison de l'importance des chiens pour les personnes seules du quartier. Elle se veut également une occasion de promotion locale et touristique.

Une paroisse, deux églises

Église Saint-Roch, vers 1900

Bâtie pour la première fois en 1811, l'Église Saint-Roch, à l'est de Saint-Joseph, est reconstruite suite à deux incendies qui la ravagent en 1816 et en 1845. Plus tard, vers 1913, les paroissiens décident de la rebâtir une nouvelle fois, en lui donnant plus de stature, de manière à ce qu'elle joue mieux son rôle d'église de grande importance à Québec. Car elle se situe à l'époque à la fois dans le coeur francophone, populaire et économique de la ville. D'ailleurs, pendant longtemps les grandes funérailles publiques sont célébrées à l'église Saint-Roch, lorsqu'elles n'ont pas lieu à la Basilique de Québec.

Une crypte y est aménagée au sous-sol, et les corps inhumés dans le cimetière, devant l'église y sont transférés en 1954. Au Québec, il est très rare de trouver une telle crypte encore active. De plus, contrairement à la crypte de la basilique de Québec, la crypte de Saint-Roch n'est plus réservée aux dignitaires : elle est ouverte à tout paroissien.

Dans cette crypte on retrouve, entre autres, une chasse contenant le coeur de monseigneur Plessis, évêque qui a fondé ce qui fut d'abord la desserte Saint-Roch avant de devenir officiellement une paroisse. Reposent aussi les premiers curés de Saint-Roch, qui ont marqué son histoire et son développement. C'est le cas du curé Zéphirin Charest, qui a donné son nom au boulevard Charest. Celui-ci a exercé durant la difficile période 1839-1876, où trois grands incendies ont frappé le quartier. Il est reconnu pour s'être grandement occupé des démunis durant ces tragédies.

Église Jacques-Cartier, vers 1880

L'église Notre-Dame de Jacques-Cartier est, pour sa part, fondée en 1851, pour servir la congrégation des hommes de la basse-ville, qui y pratiquaient une dévotion particulière à la vierge. Elle sera l'église principale de la basse-ville suite à l'incendie de 1866 qui ravage l'église Saint-Roch. En 1901, elle forme à elle seule la paroisse Notre-Dame de Jacques-Cartier, et sera plus tard unifiée à la paroisse Saint-Roch. Depuis 1901, elle n'a jamais subi de transformations ou de restaurations radicales. Elle est un monument historique classé par le gouvernement du Québec.

Espace de revitalisation du quartier et pôle de vie communautaire    

Consécration épiscopale de Mgr Garand, Église Saint-Roch, 29 mai 1949

Le patrimoine religieux est un moteur du dynamisme du quartier. Si les églises sont moins fréquentées, celles-ci restent des hauts lieux culturels et des espaces d'accueil pour des organismes communautaires très actifs. De plus, les acteurs de la revitalisation du quartier et la paroisse collaborent régulièrement. On peut y voir la continuité d'une grande tradition d'implication des curés de Saint-Roch auprès du milieu associatif. Historiquement, ceux-ci se sont, par exemple,  fortement investis dans le milieu ouvrier (grèves et fondations des premiers syndicats catholiques québécois), dans le développement du mouvement québécois des coopératives d'habitations, et dans la défense des intérêts de la population du quartier (protestations contre les grandes expropriations et démolitions des années 1960-1970).

Confronté aux problèmes majeurs de la diminution de la pratique religieuse et de l'appauvrissement social et économique du quartier, l'abbé Dufour (1995-2003), créé le Carrefour communautaire, de manière à faire des deux églises du quartier des pôles d'activités culturelles et sociales. Afin de sauver l'église Notre-Dame de Jacques-Cartier de la vente, on exploite les deux transepts latéraux de l'église sous forme d'espaces de bureaux loués à des associations, telles que l'entraide Saint-Roch, l'Accorderie, la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul. En 1997, la Fondation Saint-Roch est créée et chargée de coordonner les actions de ces associations, mais aussi de revaloriser les églises et de les redonner à la communauté. Par ses actions, l'abbé Dufour consolide la pratique locale de la prêtrise fortement chargée d'action politique et sociale.

La Fondation, apolitique et laïque, met « Savoir-faire et patrimoine au service de la communauté ». Elle possède un mandat très étendu sur le plan social et humanitaire. Sa mission: sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine architectural religieux du centre-ville de Québec; soutenir les organismes et entreprises d'économie sociale du milieu; animer la communauté dans ses efforts de revitalisation; lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale par des activités de sensibilisation et de financement, ainsi que diverses initiatives solidaires.

 

Bénédiction des chiens, église Notre-Dame-de-Saint-Roch

Parmi les activités les plus populaires de la Fondation, on compte la Marche aux pieds (un grand rassemblement de propriétaires de chiens), un Cocktail de levée de fonds qui rend hommage à une personnalité ou une entreprise particulièrement investie dans le milieu local, et un Brunch de Noël. Jusqu'à récemment, elle organisait la Fête annuelle du quartier Saint-Roch, qui a été mise en veille depuis 2010, faute de ressources. Elle est également à l'origine du festival de musiques sacrées qui a lieu chaque année dans l'église Notre-Dame de Saint-Roch. La Fondation tente de soutenir une économie solidaire (microcrédit, regroupement d'achat, organisés par l'Accorderie) basée sur l'autonomie des personnes. Elle se voue également à la protection et à la revalorisation du patrimoine architectural, à la préservation de métiers anciens en perdition, tels que le travail du vitrail, du verre, du marbre.

La Fondation aide également la Fabrique à gérer la location et l'entretien des deux églises. En collaboration avec celle-ci, la Fondation loue l'espace de l'église Notre-Dame de Jacques-Cartier à des organismes culturels pour l'organisation de concerts, de conférences, et d'expositions. Il se peut, d'ailleurs, que l'accueil de tels événements prenne de plus en plus de place dans cette église, de manière à mieux assurer sa sauvegarde.

Comme le souligne la Fondation: « Une communauté est une âme, un principe spirituel qui évolue dans le temps. Le passé témoigne d'un riche legs ancré sur la pierre, le bois, les souvenirs... Et le présent se traduit par un désir de vivre et de grandir ensemble en faisant valoir l'héritage matériel et humain que nous avons reçu. »

Marie Renier

 

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Vidéo
  • Crypte de l'église Notre-Dame de Saint-Roch Il est très rare de voir une crypte encore en activité car, depuis un certain nombre d'années, le droit d'enterrer les défunts dans les églises n'existe plus, puisque le clergé a préféré favoriser les cimetières. La crypte de la basilique de Québec, elle, est réservée aux prêtres et évêques.
    Vidéo haute résolution - Poids : 39284 Ko

    Durée : 3 min 47 sec
Médias 360
  • Eglise Jacques-Cartier
  • Eglise Saint-Roch
Photos

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Ailleurs sur le web

Bibliographie

Morisset Lucie K. et Luc Noppen. Patrimoine du quartier Saint-Roch, Architectures de Saint-Roch, Notes historiques et analytiques. Ville de Québec, Service de l'urbanisme, 1996

Morisset Lucie K. La mémoire du paysage, Histoire de la forme urbaine d'un centre-ville: Saint-Roch. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001

Saint-Roch, un quartier en constante mutation. 1987, Ville de Québec

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