Musée du Nouveau Monde de La Rochelle

par Martinière, Guy

Hôtel Fleuriau : le portail, la cour principale et la façade de l'ancien hôtel Regnaud de Beaulieu devenu Musée du Nouveau Monde
Situé dans un magnifique hôtel particulier du XVIIIe siècle, le Musée du Nouveau Monde illustre à travers ses collections les relations que la France entretient avec les Amériques depuis le XVIe siècle à partir de La Rochelle, l’un des principaux ports de commerce et d’émigration vers le Nouveau Monde. Peintures, gravures, cartes anciennes, sculptures, mobilier, objets d’art décoratif, évoquent le Canada, les Antilles ou encore le Brésil avec de nombreux témoignages sur le  commerce triangulaire et l’esclavage. Une section est consacrée au Far-West et aux Amérindiens.


Article available in English : Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, France

L'hôtel Fleuriau, Musée du Nouveau Monde

Hôtel  Fleuriau : façade néo-classique du bâtiment côté jardin que fit construire Aimé-Benjamin Fleuriau vers 1780

Le 14 mai 1982, était inauguré à La Rochelle le Musée du Nouveau Monde. Comme le soulignait le Directeur des Musées de France, Hubert Landais, le jour de son inauguration : « Le Musée du Nouveau Monde n’a pas seulement un beau titre, il a également un programme ambitieux, celui d’évoquer le rapport de la France en général, de La Rochelle en particulier, avec tous les mondes nouveaux que l’Occident avait ignorés durant de longues années. Marins, aventuriers, prêtres, religieux catholiques ou protestants, chercheurs, savants, marchands, originaires le plus souvent de régions côtières de l’Ouest, se sont, au cours des siècles, précipités dans la brèche ouverte par les grandes découvertes » (NOTE 1). Ainsi que l’évoquait Alain Parent, le jeune conservateur à l’origine de ce programme: « Au cœur de La Rochelle, naît un nouveau musée, de la rencontre entre cette mémoire d’une Amérique et un hôtel d’armateurs du  XVIIIe siècle » (NOTE 2).

Hôtel Fleuriau : cour principale

Le bâtiment dans lequel fut installé le Musée du Nouveau Monde était en effet un ancien hôtel particulier  acquis en 1772 par Aimé-Benjamin Fleuriau (1709-1787). La fortune de Fleuriau provenait, comme une grande partie des fortunes rochelaises au Siècle des Lumières, des « isles à sucre » des Antilles, notamment de la plantation de Bellevue à Saint-Domingue (Haïti). À son retour à La Rochelle, Fleuriau acheta l’hôtel Regnaud de Beaulieu construit vers 1740 et fit ajouter à cet édifice, côté jardin, un bâtiment néo-classique vers 1780. La juxtaposition des deux façades témoigne de l’évolution du goût entre 1750 et 1780. L’entrée principale du Musée se situe au numéro 10 de la rue Fleuriau. Un  portail monumental ouvre sur une cour d’honneur fermée : il s’agit de la partie la plus ancienne du bâtiment, composée de deux avant-corps. Le propriétaire et sa famille occupaient au rez-de-chaussée les pièces à vivre et de réception, le salon, la salle à manger et l’antichambre. Là se trouvaient aussi la cuisine, une petite cour, l’écurie et son grenier ainsi que la remise pour le carrosse. Un majestueux escalier de pierre, doté d’une rampe de fer forgé, conduisait aux étages où se situaient différents cabinets et les chambres. La décoration intérieure a été en grande partie conservée avec ses boiseries d’époque. L’aile arrière du bâtiment, construite vers 1780, ouvre sur le jardin et a doublé la superficie du corps principal. Elle donne sur la rue Gargoulleau, L’ensemble du bâtiment, acquis par la Ville de La Rochelle en 1974 dans le cadre d’une politique de préservation du patrimoine fut classé Monument historique en 1978, « Restait à lui donner une destination et une fonction » (NOTE 3). Décision fut prise de le transformer en musée.

 

Le projet muséographique d’Alain Parent

L’homme de cette transformation fut Alain Parent (1944-1986). En 1978, il avait proposé au maire de la Rochelle, Michel Crépeau (1930-1999), de créer dans l’hôtel Fleuriau ce « Musée du Nouveau Monde ». Depuis une dizaine d’années, Alain Parent bénéficiait d’une connaissance exceptionnelle de l’art américain, acquise notamment au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Il était même devenu expert auprès de la commission des biens culturels des Musées Nationaux du Canada. Son projet était de créer à La Rochelle un musée mêlant audacieusement la présentation d’œuvres d’artistes contemporains, originaires du nord du continent (Etats-Unis et Canada) à des représentations thématiques d’histoire et de société du Nouveau Monde. C’est-à-dire  mêler l’art contemporain, renouvelé en France grâce à « l’effet Beaubourg », à l’histoire d’une Amérique Française mémorialisée, où le passé de la ville-port de La Rochelle trouvait une place originale dans l’ouverture de la France au monde.

Québec  lors de l'arrivée du vaisseau de guerre Hastings transportant le comte de Durham, gouverneur général du Canada le 28 mai 1838

En trois ans, l’hôtel Fleuriau fut restauré et transformé en un musée d’une superficie de mille mètres carrés, offrant dix-neuf galeries au public. Pendant ces années, Alain Parent constitua de toutes pièces des collections originales avec l’aide de ses réseaux canadiens et nord-américains, parmi lesquels David Stewart (1920-1984), président de la fondation Macdonald Stewart, fut un des mécènes les plus actifs. Plusieurs expositions ont été présentées dès 1979, avant même l’inauguration officielle du Musée. Trois d’entre elles ont même pu être considérées comme exemplaires du programme d’Alain Parent : les expositions « Mémoire d’une Amérique » en 1980, « Autre Amérique » en 1982, et « Mémoire d’un port. La Rochelle et l’Atlantique XVIe-XIXe siècle » (NOTE 4) en 1985.

Entre temps, en 1984, Alain Parent avait assuré le commissariat artistique de l’exposition « La Renaissance et le Nouveau Monde » qui illustra, au Musée du Québec, l’une des manifestations les plus significatives de la commémoration du quatre cent cinquantième anniversaire de l’arrivée de Jacques Cartier en 1534 (NOTE 5).

Poursuivant le reconnaissance de cette image du Québec et du Canada, en 1992, à l’occasion de la commémoration du cinq centième anniversaire de la découverte de Christophe Colomb, Thierry Lefrançois, qui succéda comme conservateur à Alain Parent, organisa à La Rochelle une exposition sur « La traite des fourrures. Les Français et la découverte de l’Amérique du Nord », avec le concours notamment des chercheurs canadiens Pauline Arseneault, François Trudel et Thomas Wien (NOTE 6).

 

De l’Amérique du Nord à l’Amérique latine

José Conrado Roza, La Mascarade nuptiale, 1788

Pour Alain Parent, le Québec, l’Acadie ou la Louisiane, des Grands Lacs au Mississipi, ne furent pas les seuls territoires de ce Nouveau Monde américain vers lesquels le Musée orientait ses représentations entre fourrures et Amérindiens. Les Antilles, avec évidemment « l’isle à sucre » de Saint-Domingue, occupaient toute leur place dans la mémoire rochelaise.  Et ce Nouveau Monde devait s’étendre au Brésil, intégrant sa dimension « latine » puisqu’Alain Parent avait été chargé de l’exposition inaugurale de la Casa França-Brasil à Rio de Janeiro en octobre 1986 afin d’illustrer les relations entre la France et le Brésil. Il se proposait donc d’ouvrir le Musée du Nouveau Monde à l’art sud-américain lorsqu’il décéda brutalement en juillet 1986. Cette ouverture avait été marquée par l’une des acquisitions les plus spectaculaires du Musée : le tableau de l’école portugaise signé en 1788 par José Conrado Roza, « La mascarade nuptiale », n’était-il pas situé dans l’une des pièces les plus prestigieuses du Musée, l’alcôve de l’ancienne chambre à coucher des comtes de Fleuriau (NOTE 7).

François Haberman, La rue des Récollets vers 1760

Actuellement, le Musée du Nouveau Monde présente au public une remarquable exposition permanente montrant les représentations de l’imaginaire du  continent américain vu par une ville-port française de l’Atlantique qui associa son destin à l’histoire des Amériques. Une salle du musée est entièrement consacrée au Canada. Le visiteur peut notamment y remarquer diverses représentations d’amérindiens : des aquarelles du XVIIIe siècle d’un guerrier et d’une squaw Mohawk, une terre cuite « Indiens du Canada au tombeau de leur enfant » de Joseph Charles Marin (1759-1834), un masque d’indien sculpté et polychromé du XIXe, et une lithographie de Bacquin illustrant le commerce des fourrures. On y découvre également des paysages du Québec comme « La rue des Récollets » vers 1760 de François Haberman (1721-1796), « Les chutes de Montmorency » de Georges Heriot (1759-1839), une vue du port de Québec « lors de l'arrivée du vaisseau de guerre Hastings transportant le comte de Durham, gouverneur général du Canada le 28 mai 1838 », lithographie de Day et Haghe, d’après un dessin du capitaine Digby B. Morton. Une aquarelle de Cornélius Krieghoff (1815-1872) représentant « un traineau tiré par un cheval traversant un lac gelé » attire aussi particulièrement l’attention des visiteurs.

En une trentaine d’années, le musée a présenté environ soixante-dix expositions temporaires, de caractère historique comme d’art contemporain,  illustrant la diversité des représentations des Amériques (NOTE 8). Il s’attache à développer de nouvelles images innovantes dans le temps et l’espace de cet immense continent américain.



Guy Martinière

Professeur émérite à l’Université de La Rochelle.

 

 

NOTES

1. Alain Parent, Une autre Amérique, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musée du Nouveau Monde, 1982, p. 9.

2. Ibid., p. 18.

3. Robert Kalbach, maire-adjoint aux affaires culturelles, dans ibid., p. 11.

4. Alain Parent, Mémoire d’une Amérique : cartographie, topographie et allégories d'une vision française du Nouveau Monde, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musée du Nouveau Monde, 1980, 128 p.; id., Une autre Amérique, 261 p.; id., Mémoire d’un port : La Rochelle et l’Atlantique, XVIe-XIXe siècle, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musées d'art et d'histoire de La Rochelle, 1985, 144 p.

5. Musée du Québec, La Renaissance et le Nouveau Monde, catalogue d'exposition, Québec, Musée du Québec, 1984, 346 p.

6. Thierry Lefrançois, La traite de la fourrure : les Français et la découverte de l’Amérique du Nord, catalogue d'exposition, Thonon-les-Bains (France), Éditions de l'Albaron, 1992, 172 p.

7. Thierry Lefrançois, Musée du Nouveau Monde : manuel du visiteur et de l’amateur, La Rochelle, Éditions des Musées d’art et d’histoire, 1990, 127 p.

8. Guy Martinière, « Les représentations des Amériques à travers les expositions du Musée du Nouveau Monde de La Rochelle », dans Philippe Joutard et Thomas Wien (dir.), avec la collab. de Didier Poton, Mémoires de Nouvelle-France : de France en Nouvelle-France, Rennes, Presses de l'Université de Rennes, 2005, p. 319-332.

 

BIBLIOGRAPHIE

Lefrançois, Thierry, Musée du Nouveau Monde : manuel du visiteur et de l’amateur, La Rochelle, Éditions des Musées d’art et d’histoire, 1990, 127 p.

Lefrançois, Thierry, La traite de la fourrure : les Français et la découverte de l’Amérique du Nord, catalogue d'exposition, Thonon-les-Bains (France), Éditions de l'Albaron, 1992, 172 p.

Martinière, Guy, « Les représentations des Amériques à travers les expositions du Musée du Nouveau Monde de La Rochelle », dans Philippe Joutard et Thomas Wien (dir.), avec la collab. de Didier Poton, Mémoires de Nouvelle-France : de France en Nouvelle-France, Rennes, Presses de l'Université de Rennes, 2005, p. 319-332.

Musée du Québec, La Renaissance et le Nouveau Monde, catalogue d'exposition, Québec, Musée du Québec, 1984, 346 p.

Parent, Alain, Mémoire d’une Amérique : cartographie, topographie et allégories d'une vision française du Nouveau Monde, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musée du Nouveau Monde, 1980, 128 p.

Parent, Alain, Une autre Amérique, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musée du Nouveau Monde, 1982, 261 p.

Parent, Alain, Mémoire d’un port : La Rochelle et l’Atlantique, XVIe-XIXe siècle, catalogue d'exposition, La Rochelle, Musées d'art et d'histoire de La Rochelle, 1985, 144 p.

 

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