Collège Saint-Jean en Alberta

par McMahon, François et Levasseur-Ouimet, France

Le Collège Saint-Jean. Photo: François McMahon.

En 1997, le Collège Saint-Jean situé en Alberta, reçoit le Prix du 3-juillet-1608 du Conseil de la langue française du gouvernement du Québec. Cette distinction vient souligner l’importante contribution du Collège à la promotion de la langue et de la culture françaises en Amérique du Nord, ainsi que le rôle clé que l’institution a joué et joue encore au sein de la communauté franco-albertaine. Depuis bientôt 100 ans, les francophones de l’Alberta profitent de la vitalité et du rayonnement de cette institution, qui est aujourd’hui reconnue partout au Canada pour ses programmes d’éducation post-secondaires et, au plan international, pour ses activités de recherche.

 

Article available in English : College Saint Jean of Alberta

L’édification du Collège Saint-Jean

Pincher Creek – Juniorat St. Jean, 1908. Missionary Oblates, Grandin Archives

L’histoire du Collège Saint-Jean s’étend sur un siècle. En 1908, les Pères oblats fondent à Pincher Creek un juniorat, qui fut d’abord un lieu de formation pour les jeunes hommes se destinant aux ordres religieux. Le Juniorat de Saint-Jean déménage à Edmonton en 1910 et il est implanté à l'endroit où il se trouve actuellement en 1911. Ce sont les Pères oblats qui construisent le pavillon principal, qui sera embelli et agrandi en 1921. Les dirigeants de Saint-Jean ont toujours refusé que le gouvernement déclare ce pavillon bâtiment historique, car cette désignation aurait rendu toute transformation ultérieure très complexe. Ils savaient que la communauté veillerait à ce que le bâtiment soit préservé.

Edmonton – Juniorat St.-Jean, 1910. Missionary Oblates, Grandin Archives

En 1927, par décision de Rome, la province oblate de l’Alberta-Saskatchewan devient exclusivement française. Par conséquent, le Juniorat Saint-Jean, qui était jusque-là bilingue, devient l'année suivante une institution française et est officiellement affiliée à l’Université d’Ottawa. En 1931, tout en maintenant les programmes spécifiques à la formation classique – le programme secondaire qui prédominait alors au Canada français –, Saint-Jean adopte aussi ceux du ministère de l’Éducation de l’Alberta jusqu’en 12e année, afin de faciliter l’accès aux facultés universitaires de la province. En 1941, alors que le Collège des Jésuites d’Edmonton ferme ses portes, la population francophone de l’Alberta se tourne vers Saint-Jean, qui accepte désormais des jeunes n’ayant pas l’intention de devenir des religieux. À partir de cette date, l’institution s’appellera Collège Saint-Jean et sera le centre de formation des jeunes hommes francophones de toute la province d’Alberta.

À partir de 1908, plusieurs nouveaux pavillons s’ajoutent au premier édifice. En 1917, on construit la "Maison blanche"; en 1921, des annexes sont ajoutées au corps principal de la bâtisse originale; le nouveau gymnase et les nouveaux dortoirs sont édifiés en 1950; le nouveau pavillon des classes est implanté en 1960 et, finalement, le pavillon de l’administration est inauguré en 1964. Au début, les constructions sont financées par l’administration provinciale des Oblats de l’Alberta et par la communauté franco-albertaine. À compter de 1964, le Collège Saint-Jean va aussi bénéficier de l’appui des gouvernements québécois et canadien.

En 1961, alors que Saint-Jean célèbre son 50e anniversaire, le nombre des anciens de Saint-Jean s’élève à plus de 2 000. Arthur Lacerte, le supérieur et recteur du Collège depuis 1957, est le dernier d’une longue liste de pères qui ont occupé le poste avant lui, dont André Daridon, Joseph Lebris, Alphonse Simon, Thomas Schnerch, Albert Naessens, Henri Routhier, Amédée Nadeau, Jean Patoine, Valérien Gaudet, Fernand Thibault. En 1967, Lacerte est remplacé par François McMahon qui sera d’abord recteur du Collège Saint-Jean et occupera ensuite le poste de doyen du Collège universitaire et de la Faculté Saint-Jean jusqu’en 1980. Le père Paul Poirier sera le dernier père oblat à être recteur du Collège lorsque François McMahon est nommé doyen.

Le Collège Saint-Jean : le rayonnement d’une université

Edmonton – Collège St.-Jean, Pavillon des classes, 1961. Missionary Oblates, Grandin Archives

La décennie 1960-1970 est une des périodes les plus actives de l’histoire de Saint-Jean. Il y a d’abord l’arrivée des premières étudiantes, car les autorités souhaitent désormais que les jeunes filles aient elles aussi accès à l’éducation post-secondaire en français. Il y aura aussi la création d’une école de pédagogie en partenariat avec l’Université Laval, dont la charte permet l’établissement de succursales partout au Canada. Cependant, un mois après son ouverture en septembre 1961, l’École de pédagogie de Saint-Jean est menacée. Car l’Université de l’Alberta, qui avait jusque-là le monopole provincial de la formation des enseignants, accepte mal qu’une autre université propose le même programme sur le territoire qu’elle dessert. La situation se calme en 1963 lorsque le programme d’éducation de Saint-Jean s’affilie à l’Université de l’Alberta. En 1966, le programme des arts de Saint-Jean est rattaché à son tour à l’Université de l’Alberta, annonçant la fin de l’affiliation de Saint-Jean avec l’Université d’Ottawa.

Le 27 novembre 1970, Saint-Jean devient le Collège universitaire Saint-Jean et il intègre aussitôt un centre de formation des maîtres. La création de ce centre est rendue possible par les changements apportés à loi scolaire albertaine autorisant l’enseignement en français. De 1968 à 1972, en collaboration avec l’Hôpital général d’Edmonton, Saint-Jean offre le seul cours bilingue de sciences infirmières dans l’Ouest et l’unique formation post-secondaire bilingue de deux ans à Edmonton. En 1970, la Commission scolaire catholique décide de construire une école secondaire bilingue, l’école J.H.-Picard, qui regroupe les élèves du secondaire du Collège Saint-Jean et les étudiantes de l’Académie Assomption.

En 1974, les Oblats annoncent leur désir de vendre l’institution à l’Université de l’Alberta, qui prend possession du terrain et des édifices le 1er mai 1976. Saint-Jean devient une faculté de cette université en 1977 et sa mission est désormais de « répondre aux besoins particuliers des francophones de l’Ouest du Canada ». À partir de là, Saint-Jean acquiert la liberté d’offrir ses propres programmes sans demander d’autorisation aux autres secteurs de l’Université, comme le fait chaque faculté de l’Université. Tous ces événements marquent la fin d’une étape et le début d’une autre.

Dans un premier temps, la nouvelle Faculté oriente ses efforts vers trois domaines : un programme général qui comprend des cours de lettres, de sciences humaines et de sciences naturelles, un programme de pédagogie et un programme de français. Ainsi, dès 1982, Saint-Jean offre sept nouveaux programmes de pédagogie créés afin d’offrir des formations professionnelles spécifiques à Saint-Jean. En 1987, le Bureau des gouverneurs de l’Université de l’Alberta approuve deux nouveaux diplômes de perfectionnement en éducation française. Pour répondre aux besoins croissants des écoles francophones, Saint-Jean crée aussi une spécialisation en enseignement en milieu francophone minoritaire, le seul programme du genre au Canada à cette époque. La maîtrise en éducation est approuvée en 1992.

Photo: François McMahon

La Faculté est aussi de plus en plus active sur la scène internationale pendant cette période. Ainsi en 1998-1999, Saint-Jean signe une entente avec l’Institut universitaire pour la formation des maîtres de Toulouse. En 1999, Saint-Jean signe également une entente avec l’Institut de gestion sociale de Paris pour l’échange d’étudiants dans le cadre du programme bilingue en administration des affaires.

Les années 1990 sont marquées par un fleurissement de nouveaux programmes, ainsi que la consolidation des autres. À partir de 1987, Saint-Jean offre un nouveau programme des arts tandis que la nouvelle spécialisation en études canadiennes est ouverte à l’automne 1996. En 1999, Saint-Jean crée le Professorat Louis-Desrochers pour reconnaître l’émergence de la recherche interdisciplinaire en études canadiennes.

Les programmes se diversifient et à partir de 1997, plusieurs nouveaux programmes sont offerts, dont le baccalauréat bilingue en administration des affaires, en collaboration avec la School of Business de l’Université de l’Alberta. En septembre 2000, Saint-Jean établit un partenariat avec la Faculty of Engineering, ce qui lui permet d’encadrer la première année de génie, dispensée en français. En 2001, Saint-Jean met sur pied un centre d’études canadiennes et inaugure les conférences Louis-Desrochers, où la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, interviendra à l’automne 2002. Toujours en 2001, Saint-Jean obtient aussi la Chaire de recherche du Canada en philosophie politique et en études canadiennes. En 2002, la maîtrise en arts et en études canadiennes est approuvée et le baccalauréat bilingue de sciences infirmières débute en septembre 2004.

Entre valorisation des arts et ambition éducative

Entre 1997 et 2001, le campus de Saint-Jean subit plusieurs autres transformations. L’ouverture officielle de la nouvelle bibliothèque, de la salle multimédias et des locaux rénovés a lieu le 17 janvier 1997, et la traditionnelle pelletée de terre marquant le début des travaux du nouveau Centre résidentiel Saint-Jean a lieu le 16 juin 1999. Le 24 mai 2001, on célèbre l’ouverture officielle de l’édifice construit en 1910-1911, qui a été rénové et rebaptisé Centre Saint-Jean. Aujourd’hui, cet édifice est devenu le Pavillon Lacerte et les édifices construits en 1960 et en 1964 sont connus sous le nom de Pavillon McMahon.

Dans le domaine des beaux-arts, Saint-Jean est particulièrement actif au fil des ans. L’investissement de Saint-Jean dans le domaine du théâtre remonte à 1911, date à laquelle les « junioristes » présentent leur première pièce. De 1954 à 1967, l’action de Saint-Jean est remarquée, notamment ses productions de pièces de Molière et ses nouvelles troupes, telles que les Collégiens comédiens (1963) et le Rideau rouge (1967). De plus, pendant de nombreuses années, Saint-Jean abrite les locaux du Théâtre français d’Edmonton et l’auditorium du collège devient le principal centre théâtral de la communauté. En 2007, les trois provinces de l’Ouest se préparent à mettre sur pied un nouveau programme d’études théâtrales, qui devrait ouvrir de nouvelles collaborations entre les communautés francophones de l’Ouest et le Collège Saint-Jean.

Photo: François McMahon

Dès les débuts, et surtout à partir de 1943, les locaux de Saint-Jean servent de lieu de rencontre pour de nombreuses associations francophones. Les Studios Maria-Goretti et la radio étudiante de Saint-Jean participent à l’oeuvre de la CHFA, l’unique radio en français de l’Alberta pendant de nombreuses années. Le premier Gala albertain de la chanson et le premier Gala interprovincial de la chanson ont aussi lieu à Saint-Jean. Les rénovations du Pavillon Lacerte (2002) ont permis la construction d’un Grand Salon que l’on pourrait presque rebaptiser « Grand Salon de la francophonie », tellement il est utilisé pour des rencontres d’organisations francophones qui ne font pas partie de l’Université.

La Faculté Saint-Jean et le patrimoine franco-albertain

En plus de sa contribution au domaine des arts, Saint-Jean assure aussi de nombreux services spécialisés auprès de la communauté francophone. Fondé en 1982, le Service de l’éducation permanente a offert une variété de cours pendant presque vingt ans. À compter de 1977, le centre de documentation pédagogique de Saint-Jean met à la disposition des enseignants un important fonds documentaire spécialisé en ressources pédagogiques. En 2006, à la demande de la Fédération des aînés franco-albertains, Saint-Jean met sur pied l’Université du troisième âge. La même année, le gouvernement de l’Alberta invite Saint-Jean à lui proposer un programme collégial en français. S’il est accepté, ce programme pourrait débuter en septembre 2007.

Depuis les années 1970, Saint-Jean fait des efforts particuliers pour mettre en valeur le patrimoine franco-albertain. En plus du Salon d’histoire organisé en 1974, Saint-Jean inaugure la Salle Durocher en 1987 : tous deux hébergeront quelque temps les Archives de Saint-Jean, lesquelles seront transférées en 2005 dans le Centre Lacerte. En 2000, Saint-Jean célèbre l’ouverture de sa nouvelle Salle historique et, en 2001, la Faculté ouvre l’Institut pour le patrimoine de la francophonie de l’Ouest canadien. L’organisme s’intéresse aux fonds d’archives de la francophonie de l’Ouest canadien et à la recherche sur le patrimoine. L’Institut est chargé du développement de la Salle historique et il a déjà publié deux importants volumes, dont D’année en année. De 1659 à 2000 : une présentation synchronique des événements historiques franco-albertains (NOTE 1), première synthèse de l’histoire de cette communauté.

L’histoire de Saint-Jean s’étend sur un siècle. D’une décennie à l’autre, l’institution a toujours trouvé les moyens de répondre aux besoins de la communauté franco-albertaine. C’est précisément autour d’elle que le quartier francophone s’est reconstitué quand le quartier Saint-Joachim s’est transformé en un quartier de tours résidentielles et de bureaux. Son campus caractérisé par ses bâtiments en brique rouge demeure le signe très visible de la présence plus que centenaire des francophones en Alberta. Pour des milliers d’étudiants de tous les âges et pour les membres de la communauté franco-albertaine, Saint-Jean représente plus qu’une institution d’éducation en français. En effet, en plus de sa mission de formation, Saint-Jean a toujours joué un rôle central dans la préservation de la culture francophone en Alberta. Saint-Jean a contribué à maintenir la vitalité de cette communauté isolée des principaux centres de la francophonie au Canada et à assurer la transmission de son patrimoine.


François McMahon
France Levasseur-Ouimet
Campus Saint Jean, Université d'Alberta

 

NOTE

1. France Levasseur-Ouimet, D'année en année. De 1659 à 2000 : une présentation synchronique des événements historiques franco-albertains, Edmonton, Institut pour le patrimoine de la francophonie de l’Ouest canadien, 2003, 422 p.

 


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