Pèlerinage de Saint-Laurent en Saskatchewan

par Gareau, Laurier

L’église en rondins de Saint-Laurent de Grandin. © Laurier Gareau.

Saint-Laurent de Grandin est un site très important du patrimoine religieux des francophones de la Saskatchewan, ou Fransaskois. Il fut un temps où tous les Fransaskois et tous les Métis francophones de cette région de la Saskatchewan étaient de fidèles catholiques, car le clergé oblat y avait joué un rôle actif de conversion. La mission de Saint-Laurent a attiré et attire encore un grand nombre de fidèles. En effet, située au milieu de la province, sur la rive ouest de la rivière Saskatchewan Sud, à environ 10 kilomètres au nord de Batoche, l’ancienne mission métisse accueille chaque été des milliers de fervents pour le pèlerinage annuel dédié à Notre-Dame-de-Lourdes. L’organisation du pèlerinage est maintenant assurée par la paroisse de Duck Lake.

 

Article available in English : Saint-Laurent Pilgrimage in Saskatchewan

Le pèlerinage aujourd’hui

La grotte à la Vierge Marie. © Laurier Gareau.

Le pèlerinage annuel à la petite grotte de Saint-Laurent a d’abord attiré les francophones et les Métis des paroisses environnantes. Puis les Premières Nations des réserves voisines se sont joints à eux. Aujourd’hui, le pèlerinage garde son importance pour les Fransaskois du diocèse de Prince Albert, même si les changements qui se sont produits dans l’Église catholique à la suite de Vatican II ont modifié les habitudes religieuses. Le principal pèlerinage a lieu les 15 et 16 juillet et il attire chaque année entre 4 000 et 6 000 personnes, tandis que quelque 2 000 personnes se rendent à un second pèlerinage organisé le 15 août. En effet, le tout premier pèlerinage a eu lieu le 15 août 1905, jour de la fête de l’Assomption. Mais l’année suivante, le R. P. Ovide Charlebois a choisi de reporter la date du pèlerinage annuel au 16 juillet, afin de commémorer la dernière visite de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous en 1858, à Lourdes. Plus tard, on recommencera à organiser un deuxième pèlerinage le 15 août, à l’occasion de la fête de l’Assomption de Marie.

Même si les jeunes autochtones ne participent plus au pèlerinage en aussi grand nombre que leurs ancêtres, des centaines de personnes des Premières Nations se rendent encore à pied jusqu’à Saint-Laurent à partir des réserves One-Arrow et Beardy, situées à seulement quelques kilomètres de la mission, comme le faisaient autrefois leurs parents et grands-parents. Une autre tradition qui persiste jusqu’à nos jours est que l'on célèbre une messe en français et une autre en anglais pendant le pèlerinage des 15 et 16 juillet. Autrefois, la messe était chantée en latin, mais le sermon de l'une des messes était dit en français et celui de l’autre, en anglais.

Le presbytère. © Laurier Gareau.

En arrivant sur le terrain de la mission, le visiteur aperçoit la petite église en rondin. Une première église construite entre 1936 et 1938 a été détruite par un incendie criminel en 1990. Grâce à un effort collectif des gens de la communauté et du diocèse, il a été possible de prélever les fonds nécessaires à la reconstruction de cette petite église en 1995. Des bénévoles de la région ont fourni la main-d’œuvre nécessaire. Le visiteur découvre ensuite le vieux presbytère de Saint-Laurent. À sa gauche, en haut d’une butte, il aperçoit le cimetière de la mission où reposent les quatre Métis tués lors de la bataille de Duck Lake, en mars 1885. Parmi eux, Isidore Dumont, le frère de Gabriel Dumont qui fut longtemps le chef de la colonie de Saint-Laurent puis, en 1885, le chef militaire des Métis. Dans l’histoire des Métis du Nord-Ouest, Saint-Laurent est un lieu quasiment aussi important que Batoche, Lieu historique national du Canada où l’on commémore la Rébellion de 1885 des Métis du Nord-Ouest.

Deux des confessionnaux. © Laurier Gareau.

Immédiatement à la droite du presbytère, un petit sentier mène à la grotte du pèlerinage de Saint-Laurent. Autour de cette grotte, on peut voir de petits confessionnaux blancs. Durant les années 1950 et 1960, on pouvait lire au-dessus de chacun de ces confessionnaux : English; Français; Polish; Ukranian; German, etc., car, à l’époque, il était important d’entendre les confessions dans la langue du fervent. De la grotte, il est ensuite possible de suivre un sentier qui descend jusqu’à la rivière, avant de remonter à la grotte. Le chemin de croix se trouve le long de ce sentier.

L’histoire du site et sa valeur patrimoniale

Pourquoi un pèlerinage à Saint-Laurent de Grandin? Pourquoi ce site est-il un lieu d’accueil pour les catholiques de la région depuis plus de 125 ans?

La première grotte à la Sainte Vierge érigée par le frère Piquet (1887-1907). Photo : Archives provinciales de l’Alberta.

En 1871, le père Alexis André, frère de la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée (OMI), avait réussi à convaincre les Métis du campement de Gabriel Dumont d'abandonner leur hivernement à « La Petite Ville », environ 20 kilomètres au sud de Batoche, et de se fixer en permanence sur des lots de rivière, à la mode française. À cette fin, le père André avait réservé un terrain pour une mission sur la rive ouest de la rivière Saskatchewan Sud, quelques kilomètres au nord de la traverse de Xavier Letendre, dit Batoche. Saint-Laurent de Grandin allait devenir le centre spirituel et éducatif des Métis de la région. Ensuite, le père André chercha à faire venir une congrégation religieuse à Saint-Laurent. En 1881, mademoiselle Onésime Dorval accepta de venir enseigner dans la petite école métisse. Puis, en 1883, huit religieuses des Fidèles Compagnes de Jésus sont venues ouvrir un couvent à Saint-Laurent.

C’est au frère Jean-Pierre Piquet, arrivé à Saint-Laurent en 1879, que l’on doit la dévotion à Notre-Dame-de-Lourdes. Né près de Lourdes en France, il y avait connu sainte Bernadette Soubirous. Lorsqu’il découvrit le petit ruisseau qui fournissait l'eau pour la mission, il fut frappé par la ressemblance de l’endroit avec le site miraculeux de Lourdes. « Lorsque, pour la première fois, il se trouva brusquement en face de la petite source où se puisait la provision d'eau de la mission, il fut fortement impressionné par le cadre du paysage. Tout lui parlait de Lourdes, la colline escarpée, le filet d'eau qui sortait de terre, le petit ruisseau du marécage, gave en miniature, et jusqu'au sourd murmure des eaux de la Saskatchewan(NOTE 1). »

Au cours des années suivantes, le frère Piquet et le père Vital Fourmond (qui avait remplacé le père André en 1873) prennent l’habitude de venir prier près du ruisseau. Le père Fourmond ajoute même une icône de Notre-Dame-de-Lourdes dans un arbre. Un peu avant la Rébellion de 1885, un Métis influent du coin, Charles Nolin, vient trouver le père Fourmond et le frère Piquet à Saint-Laurent. Il leur explique que sa femme souffre depuis dix ans d'un mal mystérieux à l'estomac et qu’elle crache du sang. Elle a des douleurs à la poitrine, souffre d'insomnie, de perte d'appétit et de troubles visuels. On convainc Nolin que l'eau de Lourdes assurera la guérison de sa femme, si elle fait en même temps une neuvaine à Notre-Dame-de-Lourdes. Le Métis promet de payer une statue pour la grotte de Saint-Laurent si sa femme guérit. Comme Rosalie Nolin guérit miraculeusement, son mari tint promesse et donna la statue de Notre-Dame-de-Lourdes, qui accueille toujours les visiteurs à Saint-Laurent. Cette statue a remplacé l’icône posée dans l’arbre par le père Fourmond.

La mission abandonnée après la résistance des Métis de 1885. Photo : Archives provinciales de l’Alberta.

Après le départ du frère Piquet et la mort du père Fourmond, en 1892, la mission de Saint-Laurent de Grandin tombe en ruine. Bientôt, il n'y a même plus de missionnaire résident. Cependant, consécutivement à une nouvelle guérison miraculeuse, le frère Célestin Guillet fait renaître l’intérêt pour la grotte de Saint-Laurent : « Le 21 septembre 1893, le frère Célestin Guillet, infirme à la suite d'une blessure à la jambe, fait une neuvaine et un pèlerinage à la grotte. Il est guéri et peut retourner au travail à la mission du lac des Rennes(NOTE 2). » Quelques années plus tard, le frère Guillet revient dans la région de Saint-Laurent pour construire l'église de l'Immaculée-Conception à l'Anse aux Tourond (Fish Creek), sur la rive droite de la rivière Saskatchewan Sud, en face de l'ancien campement de « La Petite Ville ». Le frère Guillet se rend aussi, de temps à autre, à la mission abandonnée de Saint-Laurent de Grandin. Il y répare la grotte et il invite les gens de la région à revenir y faire des pèlerinages. « Le premier pèlerinage interparoissial à Saint-Laurent est organisé par le Frère Guillet. Il a lieu le 15 août 1905, et malgré un mauvais temps, environ 500 personnes se sont rendues à la grotte. Ils venaient de Bellevue, du lac Vermillon, de Fish Creek, de Carlton, de Duck Lake et d'autres paroisses(NOTE 3). » Depuis ce temps, le principal pèlerinage a lieu chaque année les 15 et 16 juillet, et un deuxième, de moins grande envergure, se déroule le 15 août.

Intérieur du lieu du pèlerinage. Photo : Laurier Gareau.

Saint-Laurent n’est pas le seul site de pèlerinage en Saskatchewan, ni le seul qui soit important aux yeux des Fransaskois. Mais il continue d’être un fort symbole culturel et religieux pour la communauté fransaskoise en raison du lien qu’il tisse depuis longtemps avec les communautés métisses et les Premières Nations.

Aujourd’hui, l’organisation des pèlerinages à Saint-Laurent est entre les mains des fidèles de la paroisse Saint-Sacrement de Duck Lake. Comme la plupart des autres paroisses de la province, elle regroupe des Fransaskois, des Métis, des Autochtones et des personnes de nombreuses autres nationalités. Durant les années 1970, l’abbé Gilles Doucet, alors curé de la paroise Saint-Sacrement, a fait naître chez les gens de Duck Lake un nouvel intérêt pour ce lieu et pour le pèlerinage. Cet attachement s’est poursuivi jusqu’à nos jours, malgré le décès de l’abbé Doucet. Aujourd’hui, les paroissiens de Duck Lake s’occupent du maintien du site et de l’organisation des activités religieuses à la grotte.

 

Laurier Gareau

 

NOTES

1. Jules Le Chevallier, o.m.i., Saint-Laurent de Grandin : une mission et un pèlerinage dans le nord-ouest de l'Amérique, Vanne (France), Impr. LaFolye et J. de Lamarzelle, 1930, p. 52.

2. Solange Lavigne, Kaleidoscope. Many Cultures, One Faith : The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert (Sask.), Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 191.

3. Ibid.

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