Parc national du Canada de la Mauricie

par Gourbilière, Claire

Paysage depuis le belvédère du Passage. © Parcs Canada/J. Pleau.

Le parc national de la Mauricie a été créé en 1970 afin de préserver et de mettre en valeur le riche patrimoine naturel qui caractérise la région des Laurentides méridionales. Posées sur un socle rocheux très ancien, les montagnes aux formes douces sont recouvertes d’une abondante forêt mixte qui abrite près de 150 lacs et une faune abondante. La région de la Mauricie est historiquement un lieu de passage où les peuples autochtones ont pratiqué la chasse et la pêche de subsistance, puis la traite de fourrures. Aux XIXe et XXe siècles, une exploitation forestière intensive a marqué ce territoire. À partir des années 1880, la région est aussi devenue terre de loisirs pour les riches citadins adeptes de la pêche sportive, avec l’avènement de plusieurs clubs privés de chasse et de pêche. Aujourd’hui, le parc national de la Mauricie est le refuge de nombreuses espèces fauniques, dont le loup de l’Est, l’ours noir, le castor, l’orignal et plusieurs espèces de poissons. Les visiteurs peuvent y pratiquer plusieurs activités de plein air et y découvrir une nature qui appelle à la contemplation.


Article available in English : La Mauricie National Park of Canada

 

Au parc de la Mauricie, le paysage raconte l’histoire des lieux

Le parc national de la Mauricie est une aire représentative de la région précambrienne du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Situé sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, il est délimité à l’est par la rivière Saint-Maurice et au nord par la rivière Matawin. Le parc est recouvert à 93 % d’une forêt mixte composée de conifères et de feuillus et s’étend sur une superficie de 536 km2. La plus grande partie de ce territoire est réservée aux programmes de conservation de la faune et de la flore. Les quelque 200 000 visiteurs qui fréquentent chaque année les zones accessibles au public viennent y pratiquer des activités de loisir et d’interprétation de la nature.

Les falaises abruptes du lac Wapizagonke. © Parcs Canada.

L’empreinte des mouvements géologiques est très présente sur le paysage du parc. Les formations rocheuses des Laurentides sont parmi les plus vieilles du continent nord-américain (dix fois plus âgées que les montagnes Rocheuses) et sont constituées de roches métamorphiques. On observe principalement le gneiss, dont les affleurements gris et roses s’harmonisent parfaitement avec le vert de la végétation. La région a pris sa configuration actuelle sous l’action de glaciers qui arrondirent les montagnes et creusèrent les vallées lors de la dernière période glaciaire, qui a connu son apogée il y a 20 000 ans et s’est terminée il y a environ 10 000 ans. Cette glaciation a laissé sur son passage des débris et d’énormes blocs erratiques(NOTE 1) qu’on retrouve aujourd’hui pêle-mêle dans le paysage. Des dépôts glaciaires (tills)(NOTE 2) et fluvio-glaciaires retinrent l’eau de fonte des glaciers, engendrant la création de nombreux lacs qui s’enfilent en collier dans les trois vallées principales du parc. Ces lacs ont des formes variées, en cuvettes fermées ou plus allongées, telle celle du lac Wapizagonke long de 17 kilomètres, encaissé dans une vallée aux rives parfois escarpées, parfois sablonneuses. Le réseau hydrographique du parc se divise en trois principaux bassins, ceux de la rivière Saint-Maurice(NOTE 3), de la rivière Matawin et de la rivière Shawinigan.

À maints endroits, des sentiers et des belvédères facilitent l’observation du relief qui constitue le canevas du paysage du parc de la Mauricie. Le belvédère nommé Le Passage permet notamment de découvrir une vallée étroite aux berges de sable fin, qui se faufile entre des parois escarpées pour se perdre en fond de tableau, dans un vieux plateau emmitouflé dans une forêt ondulant à perte de vue. Il s’agit d’une forêt de transition entre la forêt boréale du nord et la forêt feuillue du sud, où l’on trouve principalement l’érable à sucre, le bouleau jaune, l’épinette rouge et le pin blanc. En tout, plus d’une vingtaine d’espèces d’arbres feuillus et une dizaine d’espèces de conifères peuplent ce vaste massif forestier.

Le plongeon huart, emblème du parc. © Parcs Canada/J. Pleau.

Ces caractéristiques offrent une diversité d’habitats hébergeant une faune variée. Chez les mammifères, l’orignal abonde. L’ours noir y est également commun; il apprécie tout particulièrement les vieilles érablières à hêtre. Quant au loup de l’Est(NOTE 4), deux meutes fréquentent le parc. Le coyote est essentiellement présent au sud du territoire, à proximité des fermes qui bordent le parc. La martre d’Amérique et le renard roux habitent l’ensemble du parc, tandis que la loutre et le castor se déplacent aux abords des lacs et des ruisseaux. Dans les airs, on recense quelque 180 espèces d’oiseaux, dont le plongeon huard qui est l’emblème du parc et quelques espèces de l’ordre des falconiformes. La faune aquatique comprend 24 espèces de poissons dont 4 seulement sont indigènes. C’est le cas de la truite mouchetée et de l’omble chevalier. Enfin, au ras du sol et de l’eau, 20 espèces de reptiles et d’amphibiens ont été inventoriées, dont l’une des populations les plus septentrionales de tortues des bois, une espèce désignée menacée au Canada.

Une terre de passage

Le territoire actuel du parc de la Mauricie a été au cours des siècles un lieu de passage. Ceux qui l’ont habité ne l’ont fait que temporairement, sans jamais s’y installer en permanence.

Les peintures rupestres, témoins du passage des peuples algonquiens. © Parcs Canada.

Des peuples nomades appartenant à la famille des Algonquiens laissèrent sur leur passage de nombreux vestiges comme des outils taillés dans la pierre, trouvés sur les rives du lac Wapizagonke, et des peintures datant d’au moins 2 000 ans dessinées à l’ocre rouge sur des parois rocheuses situées à l’intérieur du parc. Ces Amérindiens vivaient de chasse, de pêche et de cueillette; ils étaient réputés pour la fabrication de canots d’écorce. Ces canots parfois qualifiés de « coursiers des eaux » possédaient une armature de cèdre et étaient recouverts d’écorce de bouleau cousue à l’aide de racines de pin. De la gomme d’épinette permettait d’imperméabiliser ces embarcations. Décimés en quelques décennies par la guerre contre les Iroquois et par les maladies, ces peuples autochtones ne sont plus cités dans les documents écrits après 1660. Ils furent pourtant très présents lors de la traite des fourrures avec les Français dans la première moitié du XVIIe siècle et ont ainsi favorisé le développement du poste de traite de Trois-Rivières. La rivière Saint-Maurice (« Attikamekw Sipi » en algonquien) est demeurée longtemps la principale voie d’accès au territoire du parc.

Une intense exploitation des ressources forestières

Les bûcherons par Jean Palardy. © BAnQ.

L’exploitation forestière a débuté dans les premières décennies du XIXe siècle dans la région du parc de la Mauricie, en raison d'une demande accrue de bois en Angleterre. Au départ, il s’agissait d’une exploitation très sélective au cours de laquelle une grande partie des pins blancs et rouges de gros diamètre furent décimés, afin d’en faire du bois de sciage. Cette exploitation dura jusqu’en 1925, date à laquelle on a commencé à couper les sapins de gros diamètre. Au tournant du XXe siècle, les gros arbres destinés au sciage devinrent plus rares. Aussi les industries de pâte à papier commencèrent-elles à exploiter la forêt pour la coupe du bois de pulpe, ingrédient nécessaire à la fabrication de la pâte à papier. Cette nouvelle activité économique fera de la Mauricie le premier producteur mondial de papier journal et offrira de nombreux emplois dans les usines de pâtes à papier situées à proximité du Saint-Maurice. Les coupes de bois ont cessé dans les années 1950 mais de nombreux vestiges sont encore visibles à certains endroits du parc : vieux barrages, débris d’estacades, camp de bois équarri, etc.

La Laurentide Paper Company. BAnQ.

L’influence humaine sur la végétation du parc ne se résume pas à la coupe du bois, puisque entre 1930 et 1932, la Laurentide Paper Company a planté de l’épinette blanche sur plusieurs milliers d’acres d’anciennes terres agricoles, dont 1 053 (ou 426 hectares) se trouvaient sur le territoire actuel du parc de la Mauricie. De plus, de nombreux feux, souvent provoqués par l’activité humaine, ont brûlé des zones plus ou moins importantes de la forêt entre 1910 et 1954. Rares sont donc les forêts du parc national qui n’ont pas subi l’influence d'actions anthropiques ou les conséquences du feu.

L’avènement des clubs privés de chasse et de pêche

Séance de pêche dans un canot d'écorce. © Parcs Canada.

À la fin du XIXe siècle, la qualité des ressources halieutiques de ce territoire fut à l'origine de la création de clubs de pêche et de chasse prestigieux. De riches Canadiens et Américains taquinaient l'omble de fontaine ou chassaient le caribou des bois qui était encore présent à cette époque(NOTE 5). Ainsi, les premiers grands clubs privés ont vu le jour dans l’actuel parc national de la Mauricie : le Shawinigan Club en 1883 et le Laurentian Club en 1886. Ces clubs ont joué un grand rôle protecteur vis-à-vis de la faune en évitant la surexploitation. Cependant, l’introduction de plusieurs espèces de poissons dans les lacs a modifié et perturbé pour toujours les écosystèmes aquatiques. En 1970, 16 de ces clubs se partageaient le territoire actuel du parc. Leur activité cessa avec la création de celui-ci. Aujourd’hui, les gîtes Wabenaki et Andrew rappellent leur existence. Le premier était la salle à manger des membres et le second, le lieu de résidence du gérant du Laurentian Club, qui possédait d’ailleurs plusieurs autres bâtiments et un immense potager. En 1952, l’établissement fut vendu à la Corporation de la Cité de la Shawinigan Falls, qui les louera au Wabenaki Fish and Game Club. Devenus propriétés fédérales en 1972, les gîtes Wabenaki et Andrew furent classés bâtiments patrimoniaux. Ils sont un magnifique exemple de réhabilitation du patrimoine bâti, puisqu’ils servent encore aujourd’hui de gîtes pour les visiteurs du parc.

La protection d’un territoire marqué par l’activité humaine

La création du parc national de la Mauricie, en 1970, met donc un terme à un siècle et demi d’exploitation forestière. Depuis lors, la forêt reprend ses droits et les anciens chemins forestiers s’estompent lentement, à l’image de blessures que le temps aide à cicatriser. Le fond des cours d’eau qui avaient été mis à contribution pour le transport du bois se restaure également petit à petit. En 2005, le parc a lancé le projet « Du billot au canot » dans le but de restaurer les conditions aquatiques initiales d’une douzaine de lacs.

Les équipes de gardes naturalistes en action : intervention sur le loup de l'Est. © Parcs Canada/J. Pleau.

Le rôle de tout parc à l’intérieur du réseau des parcs nationaux canadiens est d’assurer la préservation d’un territoire considéré comme représentatif de l’une des 39 régions naturelles terrestres du Canada. « Sauvegarder à jamais des aires naturelles représentatives d'intérêt et favoriser chez le public la connaissance, l'appréciation et la jouissance de ce patrimoine naturel », tel est l’objectif de Parcs Canada au parc de la Mauricie, comme ailleurs. La finalité de ses actions est de léguer intact le patrimoine naturel que son réseau de parcs protège pour les générations à venir, afin qu’elles puissent comme leurs aînés canoter sur un lac poissonneux, admirer la beauté des paysages façonnés par le temps, ou entendre l’appel du loup un soir de pleine lune.

En conséquence, l’utilisation des ressources naturelles est proscrite au parc de la Mauricie. Si la pêche est autorisée de manière très contrôlée dans 28 lacs comme « vecteur de rencontre » entre le visiteur et le milieu naturel, la trappe et la chasse sont interdites. Quand à la gestion et à l’aménagement du territoire, ils visent essentiellement à maintenir des processus qui permettent l’évolution naturelle des différents écosystèmes, notamment par la mise en place d’un programme de brûlage contrôlé qui favorise la régénération de la forêt, en particulier celle du pin blanc. Une moyenne de 50 hectares de forêt est brûlée chaque année par une équipe de spécialistes. Le principe d’intégrité écologique, concept élaboré par Parcs Canada pour la gestion de ses parcs, dicte la ligne de conduite de chaque intervention.

Durant la saison estivale, les activités éducatives et récréatives offertes au public s’articulent principalement autour du milieu aquatique. Les trois quarts des 200 000 visiteurs annuels viennent de juin à septembre au parc afin de pratiquer le camping, le canotage, la pêche ou encore la baignade. D’autres préfèrent rester sur la terre ferme et explorer le milieu forestier en s'adonnant à la randonnée pédestre ou au vélo de montagne. Un programme d’interprétation créé sous le thème de l’héritage laurentien a vu le jour au parc. Il a pour but de faire comprendre et apprécier les caractéristiques du milieu aux visiteurs. Ce programme s’intéresse autant à l’histoire géologique qu’à l’occupation humaine et aux différents milieux naturels. Le centre d’accueil et d’interprétation de Saint-Jean-des-Piles permet de renseigner les visiteurs dès leur arrivée sur les lieux : maquettes, brochures, expositions et un diaporama en trois dimensions mettent en scène de manière interactive l’héritage historique et les composantes naturelles du parc. Jouxtant le centre d’interprétation, une salle d’exposition accueille régulièrement les œuvres d’artistes locaux. D’autres activités d’interprétation sont offertes au public à divers autres endroits du parc. En hiver, les amateurs de paysages enneigés viennent parcourir les 80 kilomètres de sentiers de ski de fond et les 17 kilomètres de sentiers de raquette.

Canotage au crépuscule. © Parcs Canada/J. Pleau.

Quant aux actions de protection et de restauration du patrimoine naturel et des écosystèmes, elles ont connu une nouvelle impulsion depuis 1988. On applique maintenant un programme de surveillance écologique qui vise plusieurs objectifs. Les stratégies de conservation sont variées; on peut citer celle qui concerne le maintien de la population de tortues des bois. Une vingtaine de ces petits reptiles désignés espèce en péril au Canada ont été munies d'émetteurs radio, afin d’observer leurs déplacements. Les sites de pontes sont identifiés et on veille à ce que les activités des visiteurs n’interfèrent pas avec la reproduction de l’espèce.

Le parc national de la Mauricie constitue un lieu voué à la conservation de la nature et à la mise en valeur du patrimoine naturel et historique de la région de la Mauricie. Au-delà de l’accueil qu’il offre aux visiteurs, il les sensibilise à l’importance des aires protégées.

 

Claire Gourbilière

Étudiante en cinquième année à l’École nationale d’Ingénieurs de l’Horticulture et du Paysage (France)
Option Ingénierie des Territoires.


Remerciements à Albert van Dijk,
gestionnaire du service de la conservation des ressources au parc national du Canada de la Mauricie,
ainsi qu'à ses collègues du parc.

 

NOTES

1. Fragments de roche de taille relativement importante. Les blocs erratiques ont été déplacés par un glacier, parfois sur de grandes distances, avant d’être abandonnés sur place lors de la fonte de ce dernier.

2. L’épaisseur des tills varie de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres.

3. Le plus long cours d’eau est le Saint-Maurice, qui coule sur 24 kilomètres dans une vallée aux berges abruptes.

4. Espèce jugée préoccupante par le COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada).

5. Le caribou des bois est disparu de la région depuis 1920.

 

BIBLIOGRAPHIE

Boucher, T., Mauricie d’autrefois, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1952, 206 p.

Hardy, R., N. Séguin et al., Histoire de la Mauricie, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 2004, 1139 p.

Lalumière, R., et M. Thibault, Les forêts du parc national de la Mauricie, au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 1988, 495 p.

Parcs Canada, Messages d’importance nationale : parc national de la Mauricie, Ottawa, Parcs Canada, 1979, 20 p.

Parcs Canada, Plan directeur : version abrégée, Parc national de la Mauricie, Service d’interprétation, 2005, 23 p.

Parcs Canada, Le parc national de la Mauricie : un lieu de rencontre avec les Laurentides, Ottawa, Patrimoine canadien, 1995, 63 p.

 

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