Cheval Canadien, joyau du patrimoine agricole du Québec

par Rowe, Sandra et Lambert, Gérard

Praline, 2008. © Élevage Chevaux canadiens Massawippi, North Hatley (Québec).

La province de Québec est le berceau du cheval canadien, la plus ancienne race de chevaux en Amérique du Nord. Ce cheval patrimonial, aussi appelé « cheval canadien-français » ou « petit cheval de fer », a fait l’objet de nombreux efforts de conservation depuis la fin du XIXe siècle : on a alors établi formellement ses caractères distinctifs et on a créé des organismes visant à garantir la race. Depuis 1999, il est reconnu au niveau provincial comme race du patrimoine agricole du Québec, rejoignant ainsi la vache canadienne et la poule chantecler. Il a aussi été nommé Cheval national du Canada par le Parlement canadien en 2002. Il est même devenu un archétype; en octobre 2007, le ministère des Transports du Québec a modifié tous les panneaux de signalisation québécois comportant un cheval pour y reproduire la silhouette du cheval canadien. Malgré tout, cet important représentant de notre patrimoine animalier est encore mal connu et menacé.


Article available in English : Canadian Horse: a Quebec Agricultural Treasure

 

Histoire de la race canadienne

John Henry de Rinzy, En route vers le marché © BAC

Les premiers chevaux desquels descendent le cheval canadien d’aujourd’hui arrivèrent en terre de Nouvelle-France (province de Québec actuelle) en juillet 1665, en provenance directe des haras du roi de France, Louis XIV. Selon les historiens, il n’y avait pas de chevaux vivant au nord du Mexique à cette période. Ce premier arrivage comptait 2 étalons et 12 juments. Quelques autres livraisons similaires eurent lieu entre 1667 et 1670.

Ces premiers chevaux furent d’abord remis aux communautés religieuses et aux dirigeants de la colonie. Grâce à la fertilité des juments canadiennes, qui peuvent donner naissance à des poulains jusqu’à plus de vingt ans, leur nombre s’accrut rapidement. En 1671, déjà, l’intendant Jean Talon écrivit au roi Louis XIV pour lui expliquer que les envois supplémentaires n’étaient plus nécessaires, la Nouvelle-France ayant assez de chevaux pour subvenir aux besoins de la population.

À mesure que le nombre de chevaux augmentait, certains furent remis aux fermiers tout en demeurant la propriété du roi de France pendant trois ans, jusqu’à ce que le fermier, qui devait faire accoupler la jument, puisse remettre le premier poulain à l’intendant en échange du droit de propriété de la jument. En 1763, au moment du traité de Paris par lequel la France cédait la colonie à l’Angleterre, on comptait 14 000 chevaux canadiens en Nouvelle-France. La croissance rapide du cheptel se poursuivit et en 1784, ils étaient plus de 24 000.

Des chevaux bien adaptés aux hivers canadiens. Tango, Tao et Tex, 2008. © Élevage Chevaux canadiens Massawippi, North Hatley (Québec).

Le cheval canadien se développa en circuit fermé pendant une très longue période, au moins jusqu’à la Conquête de 1760, sans l’apport de sang extérieur. Les conditions très rigoureuses, la dureté du climat et le peu de ressources firent en sorte que seuls les meilleurs survécurent et se multiplièrent. La race perdit un peu en taille et acquit certaines caractéristiques très précises que l’on observe encore aujourd’hui. Le cheval canadien était utilisé pour les travaux de la ferme, le transport, le déplacement des familles, le transport public et même les courses. Au début du XIXe siècle, il était considéré comme le meilleur cheval de diligence pour sa vitesse et son endurance, de même que pour son courage, qui lui permettait d’affronter des situations extrêmes. Toutes ces qualités lui valurent le surnom de « little iron horse » ou « petit cheval de fer ».

Ce cheval reconnu comme le meilleur en Amérique du Nord fit bientôt l’envie de nos voisins américains. Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, le cheval canadien, déjà bien connu en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, prit la direction des États-Unis. Il y participa notamment à la création ou à l’amélioration de races telles que le morgan, le standardbred, l’american saddlebred et plusieurs autres. Ce petit cheval eut également un grand rôle à jouer dans le développement du Bas-Canada (Québec) et du Haut-Canada (Ontario).

Au milieu de XIXe siècle, ce cheval, qui avait été si populaire et faisait l’envie de tous, commença à décroître en nombre, en raison de son exportation massive, de l’importation de chevaux étrangers et de la mécanisation des transports : bateaux et trains à vapeur faisaient leur apparition. Au point qu’à la fin du XIXe siècle, les autorités gouvernementales commencèrent à s’inquiéter à son sujet.

Efforts de conservation

L'étalon Excellence Fablo Dandy présente les caractères propres à la race canadienne. Il est présentement l'étalon vivant ayant le plus grand nombre de descendants. © Élevage Chevaux canadiens Massawippi, North Hatley (Québec).

En 1885, dans le but de combattre ce déclin, le gouvernement du Québec, sous la direction du Dr J.A. Couture, créa une commission qui avait pour mandat d’examiner les chevaux canadiens encore existants et de les inscrire dans un stud-book, ou livre généalogique. Ce livre fut officiellement ouvert le 16 décembre 1886. Les progrès furent lents et en 1895, on créa la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Quelques années plus tard, on entreprit un nouveau livre généalogique contenant les standards du cheval canadien, sous la direction du gouvernement fédéral et du Dr J.G. Rutherford, commissionnaire.

Dans l’espoir de régulariser, de stabiliser et de préserver la race, le Dr Rutherford et le ministère fédéral de l’Agriculture établirent alors les standards du cheval canadien :

« Les étalons ne doivent pas excéder 15 mains 3 pouces et les juments 15 mains 2 pouces. Le poids préféré pour les étalons est entre 1 100-1 350 livres et entre 1 050-1 250 livres pour les juments. La tête est large avec un regard courageux, une silhouette dénotant puissance. Les oreilles bien écartées, la poitrine large et bien remplie, les épaules fortes et obliques, la croupe longue et large, légèrement oblique et musclée, les pieds forts et presque immunisés contre la maladie. »

Même si le cheval canadien n’a pas de couleur fixe, il apparaît généralement en noir, brun, bai et alezan.

Six ans plus tard, en 1907, le ministère fédéral de l’Agriculture ouvrit son propre programme de conservation en instaurant lui-même l’élevage de chevaux canadiens à Cap-Rouge, au Québec – lieu où Albert de Cap Rouge, un étalon important pour la race canadienne, a été élevé. Cet élevage du gouvernement fédéral, qui comptait plus de 40 chevaux, se poursuivit pendant plusieurs années mais, en raison de la Seconde Guerre mondiale, on dut y mettre fin en 1940. Le gouvernement du Québec, désirant prendre la relève, acheta alors plusieurs de ces chevaux canadiens et continua l’élevage de ceux-ci à la ferme expérimentale de Deschambault. En novembre 1981, tous ces chevaux furent vendus à l’encan à des éleveurs membres de la Société des éleveurs de chevaux canadiens. À ce moment, moins de 400 chevaux canadiens étaient encore vivants.

« Nous élevons pour nos enfants les chevaux de nos pères »

L’Association québécoise du cheval canadien (AQCC), créée en 1998, est un organisme à but non lucratif qui a pour but de promouvoir le cheval canadien dans ses standards d'origine au Québec. Sa mission est de protéger et de promouvoir la race selon ses caractéristiques d'origine, comme elles sont décrites dans le tome 1 du Livre de la généalogie du cheval Canadien de la Société des éleveurs de chevaux canadiens. Sa devise est « Nous élevons pour nos enfants les chevaux de nos pères ».

Honey Dew, jument de la race canadienne. Élevage Massawippi, North Hatley, 2008. © Élevage Chevaux canadiens Massawippi, North Hatley (Québec).

Les objectifs poursuivis par l'AQCC sont de regrouper les éleveurs et propriétaires de chevaux canadiens du Québec ainsi que toutes les personnes qui s'intéressent à ce patrimoine animalier, de représenter les membres auprès de toute instance susceptible de contribuer au rayonnement de la race, et enfin d’organiser diverses activités afin de mettre le cheval canadien en valeur, notamment la Journée du cheval canadien et le concours Petit cheval de fer. L’AQCC organise en outre des cours sur la génétique et des ateliers pour apprendre à atteler et à seller les chevaux; elle veille aussi à la promotion de l’histoire du cheval canadien.

Malgré toute l’attention des éleveurs inconditionnels du cheval canadien dans tout le pays, la race est encore en danger et considérée à risque, notamment par Rare Breeds Canada.

Le cheval canadien : notre héritage

La majorité des tableaux peints par Cornelius Krieghoff (1815-1872) mettent en scène des chevaux canadiens. Ici une copie à l'aquarelle (copiste inconnu) du tableau Habitants fuyant le poste de péage, 1867. © BAC

On trouve aujourd’hui le cheval canadien dans toutes les provinces canadiennes, où il fait l’honneur et la fierté de ses propriétaires. On peut l’admirer entre autres au parc historique de Upper Canada Village en Ontario, au Ross Farm Museum de Nouvelle-Écosse, au Village acadien du Nouveau-Brunswick, au Village historique Kingslanding, également au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’au Sherbrooke Village de Nouvelle-Écosse. Au Québec, le cheval canadien est notamment présent au Village québécois d’antan de Drummondville et sur le site de la Nouvelle-France à Saint-Félix-d’Otis au Saguenay.

Dans les dernières décennies, le cheval canadien s’est classé parmi les meilleurs au monde (et même quelquefois le meilleur) en compétition d’attelage. Ce petit cheval à la crinière hirsute et à la queue abondante était la fierté de nos grands-pères dans le passé et il fera l’honneur de nos petits-fils dans l’avenir. Reconnaissant son apport au développement de notre pays, le gouvernement du Québec l’a reconnu Cheval patrimonial du Québec en 1999 et le Parlement du Canada comme Cheval national du Canada en avril 2002.

Pourtant, aujourd’hui encore, il est plutôt méconnu dans son propre pays. Quand les gens voient arriver ce petit cheval vigoureux et fier, ils sont surpris et demandent souvent : « De quelle race est ce cheval ? » « Un canadien », répond fièrement son propriétaire!


Sandra Rowe
Association québécoise du cheval canadien (AQCC)

Gérard Lambert
Président du Syndicat d’élevage national du cheval canadien-français (SENCCF)

Bibliographie

Bernier, Paul, Le cheval canadien, Sillery (Qc), Septentrion, 1992, 168 p.


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