Grotte Notre-Dame-de-Lourdes de Sudbury

par Lavictoire, Mélissa

Vue de la grotte Notre-Dame-de-Lourdes  de Sudbury

Le patrimoine religieux est lié de près à l’identité des francophones de l’Ontario. Depuis son édification en août 1907, la grotte Notre-Dame-de-Lourdes offre à la population du Nord de l’Ontario un lieu de rassemblement et de prière important, en plus de représenter un jalon historique à Sudbury. Au cours des derniers cent ans, la grotte n’a cessé d’évoluer. Elle a connu des moments de grande popularité et traversé des périodes d’abandon. Mais grâce aux efforts et au dévouement de plusieurs membres de la communauté, le site reprend aujourd’hui de l’ampleur en tant que lieu d’animation culturelle et de culte œcuménique.


Article available in English : The Grotto of Our Lady of Lourdes of Sudbury

Frédéric Romanet du Caillaud

Frédéric Romanet du Caillaud, dit le «comte de Sudbury»

La grotte doit son existence à Frédéric Romanet du Caillaud, originaire de Limoges en France. Issu d’une famille d’origine italienne, il entreprend de nombreux voyages un peu partout en Europe et développe un intérêt pour l’Amérique du Nord, rêvant d’entreprendre un jour un voyage au Canada. Romanet voyait le Canada comme un pays de grandes opportunités où il était possible, voire facile, de faire fortune dans le secteur des ressources naturelles. Il correspond avec plusieurs prêtres, évêques et recteurs au Canada français et, par leur entremise, il développe un grand engouement pour la ville de Sudbury, qui, au début du siècle, est en pleine croissance grâce aux nombreux gisements de nickel qu’on a découverts aux alentours. Romanet envisage la construction d’une usine d’affinage de nickel à Sudbury, ainsi que l’achat de plusieurs terrains dans la région. Il publie même un dépliant qui traite des mines de nickel au nord de l’Ontario (NOTE 1).

En 1902, Romanet entreprend son premier voyage au Canada. Dès son arrivée, il montre un grand enthousiasme pour ce pays. Son admiration pour la ville de Sudbury est aussi liée au grand nombre de Canadiens français qui habitent la région. Ardent défenseur de la langue française et du catholicisme, il sent qu’il existe une communauté d’esprit entre le Canada français et la France.

La fondation de la grotte

Frédéric Romanet du Caillaud laisse sa marque à Sudbury par son implication dans le développement de la ville et, tout particulièrement par la fondation de la grotte Notre-Dame-de-Lourdes. L’histoire de la grotte remonte au 22 août 1907, lors de l’installation d’une statue de la Vierge Marie sur le rocher qui s’élève derrière la rue Van Horne. Cette magnifique statue de bronze, qui mesure six pieds (1,83 m) de haut et pèse près de 1500 livres (680 kg), a été achetée en France et livrée à Sudbury pour la somme de 7 000 $. La statue est placée à l’entrée d’une grotte mesurant vingt pieds (6 m) de haut et dix pieds (3 m) de large. Sur la statue, Romanet fait placer l’inscription Regina Gallorum, c'est-à-dire « Reine des Gaulois ». On a longtemps tenté de découvrir la raison pour laquelle il a fait inscrire cette dédicace. Il semble en fait que Romanet considérait important de donner une dimension universelle à la grotte. Par cette référence au peuple gaulois, la dévotion à la Vierge Marie pourrait plus facilement unir tous les peuples.

La grotte Notre-Dame-de-Lourdes en 1930

Deux ans après l’installation de la statue, le dimanche de la Pentecôte du 30 mai 1909, le père Ragari de Copper Cliff procède à la la bénédiction du sanctuaire. Environ 400 personnes viennent y prier et chanter. Afin de respecter le caractère universel souhaité par Romanet, la célébration se déroule en cinq langues différentes, soit le français, l’anglais, l’italien, le latin et le grec. Romanet du Caillaud voulait à tout prix que son sanctuaire devienne un lieu de prière important. Pour cette raison, il travailla avec vigilance à l’embellissement du sanctuaire.

Lors de ses visites à Sudbury, Romanet du Caillaud s’était lié d’amitié avec la famille Drago, qui habitait tout près de la colline où serait érigée la statue de Notre-Dame-de-Lourdes. Romanet demeurait fréquemment chez cette famille italienne durant ses séjours à Sudbury. Après la mort du fondateur, les Drago ont voulu assurer l’entretien de la grotte. En étant la première à entretenir le sanctuaire de la grotte, la famille Drago a joué un rôle très important pendant les premières années de son existence. Cependant, ce sont le bénévolat et la générosité des citoyens francophones de la région de Sudbury qui ont permis d’assumer l’entretien à long terme de la grotte, en plus d’assurer sa survie et son épanouissement.

L’implication de la communauté francophone

Bien que la grotte ne soit pas exclusivement un lieu de foi catholique ou canadienne-française, plusieurs francophones ont développé au fil des ans un attachement profond à la grotte de Notre-Dame-de-Lourdes. Dans les années 1950, deux personnes ont grandement contribué à la préservation de celle-ci. En premier lieu, Alphonse Raymond, ordonné prêtre en 1945 et nommé recteur du Collège Sacré-Cœur en 1952, un individu très impliqué dans les activités religieuses du diocèse de Sault-Ste Marie, ainsi qu’Omer Nault, un barbier originaire de Montréal et fervent catholique établi à Sudbury depuis les années 1940. C’est au retour d’un pèlerinage effectué à Rome en 1950 qu’Omer Nault décide d’organiser un pèlerinage en hommage à la statue de la Vierge Marie érigée dans la grotte. Il veut à tout prix faire de ce site un lieu religieux important pour les habitants de Sudbury. C’est en bonne partie grâce à ses efforts que la grotte connaîtra une période de grande prospérité et de dévotion.

Apparence de la statue dans les années 1970
Apparence de la statue après les rénovations.

Pour sa part, le père Raymond met en place le club du Rosaire en 1951, avec l’aide de Francis Séguin et Patrice Charrette. Ce club strictement composé de femmes veille d’abord à la récitation du chapelet à la radio et au soin des personnes démunies. Mais ses membres s’impliquent rapidement dans le développement de la grotte et s’occuperont bientôt formellement du maintien et de la promotion de la grotte. En 1953, les membres du club du Rosaire financent la construction d’un chemin de croix au coût de 30 000 $. Pendant plusieurs décennies, elles demeurent responsables d’activités telles que la récitation du chapelet, la célébration de l’eucharistie et l’organisation des soirées de prières sur le terrain de la grotte.

Malheureusement, ce club n’a pas réussi à recruter suffisamment de nouveaux membres et au début des années 1990, il se dissout en raison de l’âge avancé de la plupart de ses membres.

Les pèlerinages

Vue du sanctuaire sur le surplomb rocheux, depuis le bas de la côte

La grotte Notre-Dame-de-Lourdes a donc servi de lieu de pèlerinage à quelques reprises au cours de ses cent ans d’existence. En 1950, trois pèlerinages ont eu lieu grâce à l’initiative d’Omer Nault. À chaque fois, de 500 à 1000 personnes ont participé à ces célébrations eucharistiques. Le pèlerinage le plus important a cependant été celui du 5 octobre 1952, lors du passage de la statue de Notre-Dame-du-Cap. Environ 10 000 personnes se rendent alors sur le site, en provenance de toutes les paroisses du diocèse de Sault Ste-Marie. À cette occasion, on procède à plusieurs travaux importants pour faciliter l'accès à la grotte et en améliorer l'apparence: terrassement aux abords de la grotte, construction d'un large escalier qui y mène, édification d'un palier de béton au bas de la côte où l'on installe l'autel et, pour finir, l’illumination du site. L’année suivante, plus de 10 000 résidents de Sudbury participent à la procession de la Fête-Dieu qui aboutit à la grotte.

Ces pèlerinages successifs ont eu des effets très positifs sur la réputation et la fréquentation de la grotte. Elle fut l’objet d’un regain d’intérêt de la part de la communauté, alors que les paroissiens du diocèse de Sault Ste-Marie et les citoyens du grand Sudbury ont redécouvert leur grotte de Lourdes. Rappelons qu’après la mort de Romanet du Caillaud, en 1919, le site était pratiquement tombé dans l’oubli, sauf pour les quelques individus qui veillaient à son entretien. Pendant plusieurs années, seul un nombre restreint de personnes fréquentaient la grotte de façon régulière. On peut donc dire que les pèlerinages des années 1950 ont beaucoup contribué au renouveau et à la redécouverte de ce lieu de culte.

L’avenir de ce patrimoine religieux

Monument de l'Alpha et Omega, don des jésuites de Sudbury en 2006.

De nos jours, l’Association des Ami(e)s de la grotte Notre-Dame-de-Lourdes a repris le flambeau et assure l’épanouissement du lieu. Ce groupe a été fondé en 1994 par Sœur Claudette Marchand afin de combler le vide laissé par la dissolution du club du Rosaire. Pour Sœur Marchand, comme pour les dames du club du Rosaire, il était essentiel qu’un groupe soit formé afin d’assurer la survivance de la grotte. Un petit conseil d’administration fut donc formé, composé de membres des Chevaliers de Colomb et des Filles d’Isabelle. Ce conseil avait deux buts : premièrement, faire la promotion de la dévotion à la Sainte Vierge; deuxièmement, faire connaître ce site aux citoyens du grand Sudbury en tant qu’attraction historique et touristique. L’Association organise plusieurs activités sur le site, entre autres ateliers, journées musicales et soirées de feu de camp.

En 2007, la grotte a célébré son centième anniversaire. Afin de commémorer cet événement important, l’Association des Ami(e) s de la grotte a mis en marche un projet de redéveloppement afin d’embellir le site et d’en faire une attraction touristique. Le groupe espère faire de la grotte un endroit de pèlerinage majeur et faire connaître ce merveilleux site religieux à un plus grand nombre d’habitants de Sudbury, de la région et d’ailleurs.

Les efforts des Ami(e)s de la grotte s’inscrivent dans la tendance actuelle alliant l’animation culturelle et communautaire à la pratique religieuse, afin d’assurer la pérennité de nombreux éléments du patrimoine religieux, au moment où celui-ci subit les contrecoups de la laïcisation de la société canadienne. Ainsi, la grotte Notre-Dame-de-Lourdes de Sudbury devient à la fois un lieu chargé d’histoire spécifique à cette région et un lieu de foi encore bien vivant.

 

Mélissa Lavictoire

 

NOTES

1. Frédéric Romanet du Caillaud, Les mines de nickel de la région de Sudbury, Sudbury, Société historique du Nouvel-Ontario, 1960, 48 p.

 

BIBLIOGRAPHIE

Sources primaires :

Archives de l’Université de Sudbury, Journal personnel de Frédéric Romanet du Caillaud.

Fond d’archives de l’Association des ami(e)s de la grotte.

Journaux :

- Chez nous
- Le Droit
- Le Voyageur
- Northern Life
- The Catholic Register
- The Sudbury Star

Études et documents :

Barras, Nancy-Gaëlle, Enquête ethnographie : la grotte de Sudbury, projet de folklore, Université de Sudbury, 1er août 1998, 31 p.

Cadieux, Lorenzo, Frédéric Romanet du Caillaud, « comte » de Sudbury, Montréal, Éditions Bellarmin, 1971, 141 p.

Romanet du Caillaud, Frédéric, Les mines de nickel de la région de Sudbury, Sudbury, Société historique du Nouvel-Ontario, 1960, 48 p.

Entretien :

Lavictoire, Mélissa, Entretien avec sœur Claudette Marchand, 24 juillet 2006.

 



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