Centième anniversaire du regroupement de la francophonie de la Saskatchewan (1912-2012)

par Bilodeau, Florent

Banquet célébrant le centenaire, Duck Lake, 2012
Les gens avaient le cœur à la fête lors des célébrations du 100e anniversaire de la fondation de la Société du Parler Français de (la) Saskatchewan. C’est à Duck Lake, en février 1912, que la première convention des catholiques de langue française de la Saskatchewan a eu lieu. Qui plus est, c’est aussi en 1912 que la petite ville de Duck Lake a été constituée. C’est donc à la célébration d’un double centenaire que les Fransaskois et les citoyens de Duck Lake ont été conviés le 25 février 2012.

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Aux origines du regroupement

Le père Achille-Félix Auclair, o.m.i., directeur du Patriote de l'Ouest
Duke Lake est une petite communauté située entre Saskatoon et Prince Albert. Elle était à l’origine connue sous le nom de Lac aux canards et peuplée de Métis et de Canadiens français. L’instigateur principal du grand rassemblement des colons canadiens-français de 1912 à Duck Lake était le père Achille-Félix Auclair, o.m.i. (Oblats de Marie immaculée), rédacteur du Patriote de l’Ouest (NOTE 1). Le motif principal du père Auclair était de sensibiliser les francophones au premier congrès de la langue française au Canada qui allait avoir lieu à Québec du 24 au 30 juin 1912. Le père Auclair, fort de l’appui de Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, évêque du diocèse de Regina, et de Mgr Albert Pascal, o.m.i., évêque du diocèse de Prince Albert encourageait fortement les Canadiens français à se regrouper, notamment pour choisir leurs délégués. Ces efforts avaient pour but d’assurer une forte représentation de la communauté francophone de la Saskatchewan à ce grand rassemblement franco-catholique de l’Amérique du Nord.

Non seulement les représentants venus des quatre coins de la province ont alors choisi quatorze délégués chargés de faire valoir les priorités, les besoins et les attentes des Canadiens français de la Saskatchewan, mais ils ont également donné vie au grand rêve des organisateurs de la convention en créant la Société du Parler Français de (la) Saskatchewan, organisme provincial ayant pour vocation de défendre les droits des catholiques de langue française de la Saskatchewan. Le père Auclair résume ainsi la portée de la convention: « On y constatera qu’il s’est accompli un travail d’ensemble d’une logique parfaite, se groupant autour de ces trois idées : l’école, la colonisation et l’organisation de nos forces. » (NOTE 2)

Pour les Fransaskois et les Fransaskoises (NOTE 3), venus cent ans plus tard de partout dans la province et au Canada en ce 25 février 2012, la volonté de se rencontrer de nouveau à Duck Lake était nourrie d’une fierté alimentée par de profondes motivations. Ils ont été inspirés par la conviction, le courage et la détermination de leurs arrière-grands-parents, grands-parents et parents qui ont revendiqué la reconnaissance politique de l’existence, la viabilité, l’épanouissement et la permanence d’une communauté francophone en Saskatchewan. Ils ont voulu poursuivre les défis relevés par les délégués de 1912 et leurs successeurs, continuellement épaulés par des Fransaskois énergiques, convaincus et engagés, qui ont revendiqué la mise en place d’institutions et d’organismes sectoriels qui, à travers les années, ont propagé, alimenté et actualisé le grand rêve des 450 délégués de la Convention de 1912. Enfin, ils ont été motivés par la reconnaissance du gouvernement de la Saskatchewan de l’incontestable contribution de la communauté fransaskoise au développement de la province, à sa qualité de vie, à son bien-être social, politique et économique, en proclamant, le 7 décembre 2011 que l’année 2012 serait « L’Année des Fransaskois ».

Le sens d’appartenance à la grande communauté saskatchewanaise et le génie de coopération pour lequel les Fransaskois sont reconnus les ont amenés à unir leurs énergies à celle des citoyens du village hôte pour planifier la célébration de ce double centenaire, commémorant les cent ans d’une francophonie organisée et ceux de la communauté florissante de Duck Lake.

 

Le vibrant rappel d’une histoire collective

Mgr A. Thévenot lors de la célébration du centenaire de Duck Lake en 2012
Comme en 1912, les quelque 250 participants et participantes se sont rassemblés à la petite église des Saints Sacrements de Duck Lake pour se recueillir et rendre grâce pour les bénédictions qui ont permis aux deux communautés jubilaires de s’épanouir tout en laissant leur marque respective sur la Saskatchewan. Leurs contributions ont été rappelées par les délégués qui formaient la procession de l’offertoire : sœur Lise Paquette p.m. (Présentation de Marie) pour l’éducation en français, Mme Marguerite Hounjet pour la contribution des pionniers francophones, Mme Élise Gervais, historienne locale d’ascendance métisse, et Mme Betty Fiolleau, administratrice du village de Duck Lake. Comme son illustre prédécesseur, l’évêque actuel du diocèse de Prince Albert, Mgr Albert Thévenot, a su valoriser et dynamiser les Fransaskois et Fransaskoises en affirmant que « l’on ne défend pas sa langue, on la parle, on la vit! ».

 

Que la fête commence!

Retrouvailles au Belle-A-Drome de Duck Lake, 2012
Après les célébrations spirituelles, les retrouvailles étaient de mises. C’est donc au « Belle-A-Drome » que les gens se sont retrouvés et ont profité de ce rassemblement provincial pour renouer des amitiés, revivre les accomplissements d’un siècle d’actions et rendre hommage aux 31 présidents et présidentes de l’ACFC, dont les photos étaient exposées pour l’occasion. Chacun et chacune évoquaient les défis et les accomplissements vécus sous leur mandat respectif : éducation française, mouvement coopératif, presse écrite, radio française, commission sur le bilinguisme, développement économique et communautaire, animation sociale, création artistique, musicale, littéraire et théâtrale, valorisation du patrimoine, reconnaissance de l’apport de la jeunesse, des Fransaskoises et de l’âge d’or, Charte canadienne des droits et libertés, formation de juristes fransaskois, gouvernance scolaire, services en santé et en petite enfance; tous signes d’une communauté vivante et en évolution.

Seule la faim a pu « freiner » les poignés de mains, les tapes dans le dos, les éclats de rire, les taquineries et, bien sûr, les sempiternels et inévitables caucus politiques. L’ambiance de fête s’est donc déplacée vers la salle de banquet où les amitiés se sont poursuivies, alimentées d’un rôti de bœuf du terroir et arrosées d’un bon vin … de quoi faire monter les décibels!

 

Les dignitaires s’expriment

Céline Perillat, administratrice du Centre d’interprétation régional de Duck Lake, 2012
Vint le temps des discours d’occasion. Les maîtres de cérémonie, Mme Céline Perillat, administratrice du Centre d’interprétation régional de Duck Lake, et M. Denis Poirier, Maire de Duck Lake, ont présenté les invités d’honneur des milieux politiques et communautaires et se sont assurés que tous respectent le temps alloué, afin de ne pas empiéter sur le temps réservé aux célébrations. Mme Perillat comme M. Poirier sont issus de familles de pionniers francophones qui, au début des années 1900, avaient pris un homestead dans la région de Duck Lake et de Batoche (NOTE 4).

Le secrétaire provincial du gouvernement de la Saskatchewan, M. Wayne Elhard, député de Cypress Hills, secrétaire parlementaire du premier ministre et responsable des affaires francophones, fut le premier à prendre la parole. En plus du message usuel de félicitations au nom du gouvernement, il a signalé la contribution passée, présente et à venir de la communauté fransaskoise au développement de la Saskatchewan et s’est dit « heureux de travailler avec les Fransaskois qui d’emblée se retroussent les manches pour mieux contribuer à l’édification de la nouvelle Saskatchewan » (NOTE 5). Le gouvernement provincial était aussi représenté par le président de l’Assemblée législative, M. Dan D’Autremont, petit-fils d’un des pionniers du sud-est de la province.

Ensuite, ce fut au tour de Mme Marie-France Kenny de présenter les vœux de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), dont elle assume actuellement la présidence. Elle a rendu hommage aux cent ans de leadership et d’action de quatre générations de Fransaskois qui ont démontré clairement que le meilleur moyen de s’épanouir, pour une communauté linguistique en situation minoritaire, est de « se donner [nous-mêmes] les institutions qui répondent à nos besoins ». Selon Mme Kenny, « quand on connaît notre valeur et notre contribution, on s’organise pour inscrire notre présence partout où ça compte … c’est à partir de cette idée que votre assemblée s’est ouverte au Québec, à l’international et, tout récemment, à la nation Métis. » (NOTE 6)

Mario Lepage, représentant de l’Association jeunesse fransakoise (AJF) lors du centenaire de Duck Lake, 2012
Bien que l’on fêtait un centenaire, les plus jeunes générations avaient aussi leur contribution à apporter. C’est M. Mario Lepage qui, au nom du président de l’Association jeunesse fransakoise (AJF), livra les vœux de félicitations en ces mots: « Mais, une chose est évidente! Quand nous – jeunesse fransaskoise – nous voyons tout ce que vous avez accompli, nous ne pouvons que nous enorgueillir et continuer de croire que ce que nous faisons n’est pas en vain. »

L’orateur de marque de la soirée était le Commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser. D’abord, il s’est dit heureux de se joindre aux Fransaskois pour célébrer, « le centenaire de votre organisme phare, mais aussi cent années de mobilisation et d’action communautaires ». Il félicita la province de la Saskatchewan « d’avoir déclaré 2012 l’Année des Fransaskois ». Il poursuivit en faisant un survol des grandes péripéties de la communauté fransaskoise depuis plus d’un siècle et félicita et remercia les Fransaskois et Fransaskoises pour leur contribution indéniable et indispensable à la promotion de la dualité linguistique du Canada. Il conclut en souhaitant « longue vie à la communauté francophone de la Saskatchewan ».

Paul Heppelle, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), 2012
C’est M. Paul Heppelle, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (NOTE 7), qui donna la réplique, au nom des Fransaskois et Fransaskoises. Il a d’abord tenu à rappeler à tous qu’il s’agit d’un double centenaire, celui du village de Duck Lake et celui de la réalisation du rêve des délégués de la Convention des catholiques de langue française de la Saskatchewan de 1912, en soulignant que « l’un des centenaires représente le foyer même de l’autre. » Il a fait valoir la conviction, l’engagement, la débrouillardise et le savoir-faire de la communauté fransaskoise qui, sans nul doute, sont garants du fait que « dans notre coin du pays au moins, le Canada est toujours bilingue ». Avec respect, et émotion, il a souligné les innombrables contributions des 30 présidents et présidentes qui l’ont précédé et qui ont été soutenus par les 17 directions générales : « ce sont eux qui ont rêvé, qui ont lutté; ce sont eux qui ont essuyé défaites et déceptions pour triompher enfin; c’est à eux que revient l’éloge de nos réussites ». Aux dires du président Heppelle, dans les prochains cent ans, la communauté fransaskoise sera appelée à changer, à ajuster ses valeurs, ses perceptions, ses façons de faire, à rationaliser ses ressources, et à travailler plus étroitement avec les gouvernements provincial et municipaux, voire même avec le secteur privé. Mais, en empruntant le ton de ses prédécesseurs à la présidence, il se fait rassurant et affirme que les Fransaskois et Fransaskoises parviendront à aplanir ces défis en imitant « l’exemple de ceux et celles qui nous ont précédés ».

 

En avant la musique

Les artistes fransaskois Alexis Normand et Shawn Jobin interprétant la chanson thème de l’Année des Fransaskois, «Cet horizon», 2012
Une fois les discours de reconnaissance et de félicitation terminés, les invités se sont déplacés à la salle de spectacle pour une soirée musicale mettant en vedette des artistes de la communauté fransaskoise et de Duck Lake. Le clou de la soirée fut le lancement de la chanson thème de l’Année des Fransaskois, Cet horizon, écrite et interprétée par Alexis Normand et Shawn Jobin. C’est donc sur les accords du refrain que les fêtards se sont donnés rendez-vous au 125e anniversaire de la Société du Parler Français de (la) Saskatchewan, aujourd’hui l’Assemblée communautaire fransaskoise.

Cet horizon, il est en moi, je veux rester
Vers l’horizon fransaskois, nous sommes tournés
Cet horizon, il est en moi, je veux rester
Vers l’horizon fransaskois, nous sommes tournés

Tu es les mots de cette chanson
Tu es l’accent de ma voix
Tu es le souffle en moi …

 

Florent Bilodeau
Éducateur fransaskois à la retraite

 

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Notes

1. Premier hebdomadaire francophone établi en 2010, à Duck Lake, sous les auspices de Mgr Albert Pascal, o.m.i., diocèse de Prince Albert.

2. Extrait du Patriote de l’Ouest, édition du 7 mars 1912, page 2.

3. Rappelons que Fransaskois est le gentilé que les francophones de la Saskatchewan ont adopté au début des années 1970.

4. Concessions de 160 acres accordées aux colons de l’ouest pour les frais d’enregistrement de 10,00 $ à la fin des années 1800 et au début des années 1900.

5. Citation traduite par l’auteur.

6. Un pacte de solidarité entre francophones et Métis a été signé le 28 janvier 2012 à Saskatoon.

7. L’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) est l’entité gouvernante de la communauté fransaskoise. L’ACF est descendante directe de la Société du Parler Français de Saskatchewan (1912) qui, dès janvier 1913, a été rebaptisé du nom de l’Association franco-canadienne de la Saskatchewan (AFC) et, quelques mois plus tard, l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC). En 1964, elle devient l’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) et, en 1999, l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF).

Bibliographie

Lalonde, André, Les Canadiens français de l’Ouest : espoirs, tragédies, incertitude, Les Presses de l’Université Laval, 1983.

Lapointe, Richard et Lucille Tessier, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1986.

Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1988

Le Patriote de l’Ouest ( http://peel.library.ualberta.ca/newspapers/PDW/ )

Musée Virtuel Francophone de la Saskatchewan (http://musee.societehisto.com/)

« Perspectives sur la Saskatchewan française », Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1986.

Poliquin, Éric, Le Patriote de l’Ouest et les grands événements du XXe siècle, Société historique de la Saskatchewan, Grand Valley Press, 1997.

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