Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons : joyau méconnu de la Nouvelle-France ontarienne

par Marchildon, Daniel

Vue aérienne de Sainte-Marie. À son apogée, la communauté forme presque un petit village.

Le site historique Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons situé au bord de la rivière Wye (anciennement Isiaragui en langue huronne),  un affluent de la baie Georgienne, témoigne avec fierté d’un des chapitres les plus dramatiques de l’histoire de la Nouvelle-France. La reconstitution contemporaine des vingt-deux édifices entourés d’une palissade qui fait revivre les dix ans d’existence de cette mission jésuite fortifiée (1639-1649) représente un étrange paradoxe.  En effet, la rencontre marquée par des conséquences tragiques de deux peuples fondateurs du Canada, les Ouendats (ou Hurons) et les Français, est commémorée dans une région aujourd’hui très anglophone, par un organisme de langue anglaise, Huronia Historical Parks/Parcs historiques de la Huronie, où œuvre quelques francophones et personnes bilingues. Ce site historique en terre ontarienne n’en demeure pas moins un joyau du patrimoine français des tout débuts du Canada.

 

Article available in English : Sainte-Marie-among-the-Hurons: a little-known gem of “Ontario’s New France”

Un lieu d’interprétation historique durable

L’'arrivée d'’un canoë à Sainte-Marie par le système d’'écluse

Après 45 ans, le site actuel de Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons a dépassé en longévité le site originel, qui n’a été en opération qu’une décennie. Certes, cette longévité a créé des difficultés. Il a fallu refaire la palissade de pieux de cèdres. Les toits des édifices qui étaient à l’origine en écorce d’orme ont dû être remplacés par des matériaux synthétiques. On a également dû mettre à jour le programme d’interprétation. Mais Sainte-Marie est demeuré un lieu d’interprétation historique toujours apprécié. Le nombre de visiteurs se maintient autour de 100 000 par année, dont 20 % d’écoliers (et quelques célébrités comme le pape Jean-Paul II, en 1984). L’importance de Sainte-Marie comme ressource éducative a d’ailleurs été reconnue par le gouvernement provincial de l’Ontario qui, depuis le début des années 2000, a inclus l’histoire de Sainte-Marie dans le programme-cadre des écoles ontariennes en 3e, 6e et 7e  années, autant de langue anglaise que française.

Bien sûr, depuis l’ouverture officielle de Sainte-Marie, en 1967, les regards posés par les spécialistes sur l’histoire de la Nouvelle-France et des Premières nations ont évolué. L’interprétation proposée aujourd’hui à Sainte-Marie est donc plus équilibrée. Celle-ci est imprégnée de grandeur et de noblesse, mais aussi d’incompréhension mutuelle et, principalement pour les Ouendats, d’une dimension particulièrement tragique, puisque cette mission a causé la quasi-disparition de la nation huronne. Même aujourd’hui, comme le souligne Alan Gordon, professeur d’histoire de l’Université de Guelph, l’interprétation proposée au public à Sainte-Marie minimise toujours « les efforts des jésuites pour miner tous les aspects de la culture ouendate. » (NOTE 1) Qu’en est-il au juste? Voyons ce que les visiteurs découvrent à Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons.

 

Sainte-Marie, bourgade de la Nouvelle-France

Pourquoi cette mission fortifiée a-t-elle vu le jour en 1639 dans un endroit aussi éloigné du cœur d’une Nouvelle-France encore fragile et embryonnaire, soit à 1 200 km ou 30 jours de canot et une quarantaine de portages de la ville de Québec ? La réponse est simple : la quête d’âmes et de fourrures. Dès les débuts de la Nouvelle-France, les Français sont animés par des mobiles économiques, ils veulent tirer des profits du commerce des fourrures, ainsi que spirituels, ils cherchent à convertir les Amérindiens au catholicisme. Même si l’évangélisation sera la fonction principale de l’établissement, Sainte-Marie servira ces deux intérêts.

Carte de la Nouvelle-France, 1657

En 1610, un premier Européen foule le territoire habité par les Ouendats  (baptisés Hurons par les Français) au bord de la baie Georgienne, à environ 160 km au nord de la ville actuelle de Toronto. C’est le jeune Étienne Brûlé qui travaillera comme interprète auprès des Ouendats. Cinq ans plus tard, Samuel de Champlain et le père récollet Joseph Le Caron viennent en Huronie, le premier pour solidifier une alliance militaire et commerciale avec les Ouendats, le deuxième pour entamer leur conversion. Pour les missionnaires, les Ouendats représentent de bons candidats pour la conversion car ils sont sédentaires, contrairement à bon nombre d’autres peuples amérindiens (NOTE 2).

En 1626, les pères jésuites prennent la relève des récollets. Jean de Brébeuf, un des plus illustres missionnaires de la Nouvelle-France, s’installe alors en Huronie. Nommé supérieur de la mission Sainte-Marie aux Hurons en 1634, Brébeuf participera à la fondation de la première communauté européenne située aussi loin à l’intérieur du continent nord-américain. Avec Sainte-Marie, les  missionnaires français visent à créer une base d’opération au sein du territoire des Ouendats où ils pourront se rencontrer et s’approvisionner pour ensuite retourner prêcher dans la vingtaine de villages ouendats des alentours.

Le père Jérôme Lalemant, devenu le deuxième supérieur de la mission au pays des Hurons en 1638, décrit ainsi l’emplacement choisi au milieu du pays des Hurons, sur la côte d’une belle rivière et les mérites de son plan d’aménagement : « [...] nous n’avons maintenant dans tout le pays qu’une seule maison qui sera ferme et stable, le voisinage des eaux nous estant très-advantageux pour suppléer au manquement qui est en ces contrées de toute autre voiture; et les terres estant assez bonnes pour le bled du pays, que nous prétendons avec le temps y recueillir nous mesmes. » (NOTE 3)

En 1639, une douzaine de Français érigent donc une première maison construite dans un style rudimentaire, en piliers. Au cours de la décennie suivante, Sainte-Marie deviendra un véritable petit village comprenant 22 édifices, dont une forge, deux églises, un réfectoire, un hôpital, des ateliers, des champs cultivés et une étable. Une section de la mission est réservée aux autochtones convertis, qui disposent de leur propre chapelle, sans plancher, pour ne pas empêcher la libre circulation des okis, ou esprits de la terre, selon la croyance ouendate. Les effectifs de la mission finiront par atteindre 18 prêtres missionnaires, secondés par de nombreux laïques, des frères, des donnés (c’est-à-dire des hommes engagés bénévolement qui « se donnent » au service des jésuites) et même quelques soldats pour assurer leur protection. En fait, en 1648, Sainte-Marie compte 66 Français. Dans le contexte de la Nouvelle-France de cette époque, qui ne compte encore qu’une faible population européenne,  c’est un nombre important (NOTE 4).  

 

Missionnaires et marchands main dans la main

Sainte-Marie chez les Hurons (vers 1967)

Si la mission connaît du succès, c’est en partie parce que les relations commerciales entre les Ouendats et les Français continuent à prendre de l’expansion malgré d’importants contretemps, comme le signale l’historien Bruce Trigger: « […] après les terribles épidémies qui ravagèrent le pays huron, le commerce des fourrures ne fut pas inférieur à ce qu’il avait été avant 1629, tant sur le plan du volume des fourrures fournies que du nombre des Amérindiens qui se présentèrent pour les échanger aux Français. Comme auparavant, les Hurons continuèrent probablement de fournir près de la moitié du total des fourrures exportées de Québec chaque année, soit de 12 000 à 16 000 peaux. » (NOTE 5)    

En fait, la prospérité des Ouendats se fonde sur leur capacité à commercer avec d’autres Premières Nations pour obtenir des fourrures, ce que l’historien Conrad Heidenreich attribue à deux facteurs : « […] d’abord l’importante population de la Huronie et son économie agricole qui fournissait  de la nourriture pour les commerçants et permettait à certains de se spécialiser dans ce travail. L’agriculture chez les Hurons était surtout effectuée par les femmes. Entre les saisons de pêche du printemps et de l’automne les hommes pouvaient [donc] vaquer à d’autres tâches, dont l’une était le commerce. » (NOTE 6)

Cette prospérité a cependant un prix. Plus les Ouendats commercent avec les Français pour obtenir de nouveaux produits dont ils apprécient l’efficacité, comme les haches, couteaux et autres outils de fer, moins ils consacrent de temps à leurs activités traditionnelles de subsistance et de fabrication d’objets ouendats. En conséquence, ils deviennent dépendants des Français et du commerce des fourrures (NOTE 7). De plus, à compter des années 1630, les Français, bien malgré eux, sont la cause d’une série d’épidémies de grippe, de rougeole et de petite vérole qui déciment de façon brutale la population ouendate qui passe d’environ 30 000 à 10 000 en quelques années. 

 

Une fin catastrophique dans le feu et le sang

Carte de la diaspora ouendate, dispersée en 1649 suite à la destruction de la Huronie

Au moment où la mission jésuite de Sainte-Marie-aux-Hurons atteint son apogée, en 1649, elle connaît une fin catastrophique. Cette année-là, en effet, tout conspire contre la mission. En effet, dans les villages ouendats avoisinants, il existe de profondes divisions entre les traditionalistes et les autochtones qui se sont convertis au christianisme, comme l’explique Bruce Trigger: « Il est indéniable que la présence de minorités chrétiennes dans les divers villages hurons crée de nouvelles tensions  […] Jamais auparavant l’unité de la société huronne n’avait été autant menacée, et les traditionalistes se trouvaient pour la première fois aux prises avec une attaque rangée contre la culture ancestrale. » (NOTE 8)

De même, la présence des Européens exacerbe les rivalités traditionnelles entre les Ouendats et les Iroquois qui habitent plus au sud, au point de mener à une guerre dévastatrice que les Iroquois remporteront.  En mars 1649, plusieurs centaines d’Iroquois détruisent les villages ouendats de Saint-Louis et de Saint-Ignace, situés tout près, à l’est de Sainte-Marie. Les missionnaires jésuites Gabriel Lalemant et Jean de Brébeuf sont capturés, torturés puis tués.  La situation devenue intenable pour les Français les pousse à prendre une décision pénible. Le père Paul Ragueneau, troisième et dernier supérieur de la mission Sainte-Marie, met lui-même le feu à la mission en juin 1649 (NOTE 9). 

Un certain nombre d’Autochtones accompagnent les Français qui se réfugient dans l’île Saint-Joseph à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de la mission, aujourd’hui l’île aux Chrétiens, une réserve d’Ojibwés.  Les Français y bâtissent Sainte-Marie II, une deuxième mission, plus petite que la première. Cependant, à la suite d’un hiver de souffrances et de disette terribles marqués par de nombreux décès, les jésuites, accompagnés de quelques centaines de Ouendats, se replient sur Québec à l’été 1650.  Les descendants de ces derniers se trouvent toujours dans la région de Québec (NOTE 10), dans leur réserve de Wendake, où la communauté huronne-ouendate  met en valeur son patrimoine, notamment par le biais d’un musée et d’un site traditionnel huron (NOTE 11). 

Pour l’ensemble des Ouendats, leur destin sera bouleversé à tout jamais. Par familles, par petits groupes, parfois par villages entiers, les clans et les nations se dispersent aux quatre vents. Parmi eux, quelques centaines de Ouendats traditionnalistes seront adoptés par les Iroquois et deviendront de féroces ennemis des Français. Pendant plus de deux siècles, les ruines de Sainte-Marie resteront enfouies sous la terre.

 

Des fouilles, puis une reconstruction

Inauguration d'un monument élevé sur le site de Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons, le 21 juin 1925

La région de la Huronie restera inhabitée jusqu’à la fin des années 1700. Au siècle suivant, les communautés avoisinantes de Penetanguishene et de Midland verront le jour. En 1844, le jésuite français, Pierre Chazelle, visite les lieux et en fait une description pour ses supérieurs en France (NOTE 12). En 1855, ce sera au tour d’un autre jésuite, Félix Martin, d’effectuer des fouilles sur le site pour découvrir les ruines de la mission (NOTE 13).  Il n’y aura pas de suite immédiate à ces fouilles. Dans les années 1920, la campagne pour obtenir la canonisation des huit martyrs canadiens morts en Nouvelle-France, dont Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant, suscite un grand intérêt pour le site de Sainte-Marie, comme l’atteste ce commentaire du jésuite E.J Devine: « Le séjour au Fort Sainte-Marie de ces premiers Missionnaires (sic) et en particulier de six de nos Bienheureux Martyrs, suffirait à faire considérer cet endroit vénérable. […] Le parfum de leurs vertus embaume encore cet endroit, un des sanctuaires les plus saints et les plus vénérables de ce Continent (sic).  On profitera de leur Béatification, le 21 juin 1925, évènement unique dans l’histoire ecclésiastique du Canada, pour raviver l’attention sur le Fort Sainte-Marie. » (NOTE 14)

Ce jour-là, les jésuites du Haut-Canada célèbrent une messe sur le site des ruines pour fêter la béatification des huit martyrs (NOTE 15). L’événement attire plus de 6 000 personnes. Les jésuites font alors l’achat d’un terrain en pente de l’autre côté de la route et, un an plus tard, en 1926, l’église commémorative du Sanctuaire des Martyrs est ouverte et attire les pèlerins en grand nombre. En 1940, les jésuites font l’acquisition du terrain où se trouvent les ruines de Sainte-Marie. Ils songent déjà à une reconstruction complète de la mission et, pour cette raison, invitent les archéologues à venir effectuer des fouilles. En 1941, Kenneth Kidd y mène des travaux archéologiques scientifiques pour le compte du Musée royal de l’Ontario. Son équipe réussira à déterrer la majeure partie de la section centrale de la mission et compilera une documentation minutieuse. Néanmoins, faute d’argent, ces travaux sont arrêtés en 1943. 

D’autres fouilles seront entreprises entre 1947 et 1951 par Wilfrid Jury, conservateur du musée d’archéologie de l’Université Western: « C’est à peu près à cette époque qu’un promoteur civique de la région, W. H. Cranston, a commencé à s’y intéresser.  Lui-même  un baptiste, William Herbert Cranston voyait dans Sainte-Marie le potentiel d’une manne économique.  Le Sanctuaire des Martyrs surplombant le site archéologique attirait, selon ses calculs,  250 000 pèlerins  catholiques chaque année. » (NOTE 16)

Cranston approche le gouvernement conservateur de l’Ontario pour l’inciter à développer Sainte-Marie. Le 19 mars 1964, le Huronia Historical Development Council voit le jour, avec Cranston comme président, pour mener à terme le projet. La seule réticence du gouvernement vient des inquiétudes suscitées par les aspects catholique et français du site historique qui pourraient froisser la majorité protestante anglophone de la province (NOTE 17).

 

Un projet de reconstruction difficile et controversée

 Ainsi, la province de l’Ontario décide que Sainte-Marie deviendra sa huitième grande attraction touristique au coût de 1,25 million de dollars. Le site est inauguré officiellement en août 1967 par le premier ministre ontarien John Robarts, même s’il est déjà ouvert au public depuis un an. La tâche de la reconstruction a été difficile, car aucun plan du maître charpentier d’origine, Charles Boivin, n’a été découvert. Même les jésuites ont très peu décrit les édifices de leur mission dans leurs nombreux écrits. D’ailleurs, les deux archéologues qui ont mené les fouilles, Jury et Kidd, n’ont pas interprété le site de la même manière. De plus, « […] tandis que Kidd et d’autres hésitaient à "visualiser" Sainte-Marie "comme elle aurait pu être", Jury était disposé à utiliser son imagination. » (NOTE 18) Ainsi, s'appuyant sur ses connaissances et son expérience, Jury a laissé son intuition le guider dans l’élaboration de théories que certains spécialistes ont contesté. Par exemple, l’étroit canal et le système d’écluse qui passe de la rivière Wye jusqu’à l’intérieur de la mission reconstruite ne reposent que sur des suppositions.

Ouverture officielle du site de Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons en 1968

À l’origine, en 1965, les concepteurs du projet de Sainte-Marie poursuivaient trois objectifs principaux : l’éducation publique, l’augmentation du tourisme dans la région de la baie Georgienne et l’unité nationale canadienne. Bas Mason, le consultant embauché pour développer le projet, écrivait même qu’une : « […] amélioration des relations entre le Québec (et de façon générale les Canadiens de langue française) et l’Ontario (et les Canadiens de langue anglaise) pourrait s’avérer le plus grand bénéfice qui découlera de Sainte-Marie […] » (NOTE 19) Quatre ans plus tard, lors de l’inauguration du musée de Sainte-Marie érigé à côté de la mission, le premier ministre ontarien de l’époque, William Davis, confirme que la vocation pédagogique du site est prioritaire : « Sainte-Marie a été établie pour l’enseignement. Sainte-Marie a été reconstruite pour l’enseignement. » (NOTE 20) Une déclaration confirmée par les statistiques de fréquentation. En effet, dès 1966, le département ontarien du Tourisme rapporte que 17 437 élèves de 309 écoles de l’Ontario et de l’État de New York avaient visité le site, et représentaient 18 % de tous les visiteurs (NOTE 21).

 

Une histoire vivante et moderne pour l’époque

Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons : entrée principale de la mission reconstruite

Dans les années 1970, Sainte-Marie peut se vanter d’être à la fine pointe de la muséologie moderne. Le visiteur pénètre d’abord dans un foyer d’accueil où il visionne un court métrage qui met en vedette des acteurs muets et costumés avec une narration qui relate le drame. Dans la dernière séquence du film, on voit à l’écran le père Ragueneau en train de mettre le feu à sa propre mission suivi d’un gros plan des flammes qui lèchent les lettres IHS taillées dans le bois (le nom de Jésus en grec).  Soudainement, l’écran se met à monter pour révéler l’entrée principale de la mission reconstruite. Même si le film a, depuis, été remplacé par un diaporama, l’écran qui s’ouvre de façon dramatique sur le site sert toujours d’introduction saisissante à Sainte-Marie.

À l’intérieur de l’enceinte, le visiteur rencontre des interprètes costumés en jésuites, en frères laïques, en donnés et en autochtones. Il peut s’entretenir par exemple avec le forgeron tandis que ce dernier fabrique une hache en fer, un des produits français les plus prisés par les Ouendats qui, avant l’arrivée des Européens, ne connaissaient pas le travail des métaux. Dans la maison longue ouendate, il peut rencontrer une interprète autochtone habillée de vêtements français et amérindiens. Cette habitation, capable de loger 45 personnes, est souvent l’élément qui impressionne le plus les visiteurs européens qui sont nombreux à se passionner pour le mode de vie des Amérindiens. Une gamme variée d’activités quotidiennes est proposée au visiteur pendant la saison estivale pour l’informer des pratiques et coutumes de cette époque, comme des démonstrations de production du feu, l’arrivée d’un canot, ou encore des contes et des jeux des Premières Nations. Chaque année, le site historique organise également des événements spéciaux, notamment le Festival autochtone (21 juin), le Jour des Franco-Ontariens (25 septembre) et les Premières lueurs de Sainte-Marie en décembre.

 

À Sainte-Marie, le passé passionne

Guide animateur forgeron à Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons

Sainte-Marie (NOTE 22) demeure donc un important site patrimonial avec une histoire et une approche singulières. Même si cette mission française se dresse au cœur d’une région majoritairement anglophone, et qu’elle a été conçue en premier lieu comme une attraction touristique pour donner une nouvelle vision de l’histoire ontarienne, ce site reconstitué occupe une place importante dans la mémoire des francophones et des autochtones de l’Amérique.  Ce lieu historique constitue le point de rencontre entre deux civilisations à un moment charnière de l’histoire canadienne ; il a été le théâtre de grandes réalisations et d’un drame effroyable. Il suscite toujours la passion et ne laisse jamais indifférent ceux et celles qui pénètrent à l’intérieur de sa palissade pour se replonger dans le XVIIe siècle.

 

 

Daniel Marchildon
Écrivain de la Huronie, où il habite toujours, et auteur d’une vingtaine de publications qui comptent, entre autres, onze romans et des ouvrages historiques.  En 1982, il a participé à Destination : Sainte-Marie, une reconstitution historique du voyage en canot de 1 200 km de  la ville de Québec à Sainte-Marie. Au cours de ce périple de 45 jours, il a incarné le père Gabriel Lalemant.

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Ailleurs sur le web

Notes

1. Alan Gordon, Heritage and Authenticity: The Case of Ontario's Sainte-Marie-among-the-Hurons
Canadian Historical Review vol. 85 no 3 (2004) p. 531, texte original anglais : «  Yet today’s Sainte-Marie-among-the-Hurons portrays a partnership between the Wendat and French missionaries, and ignores, or at least plays down, Jesuit efforts to undermine every aspect of Wendat culture. »

2. « Dès 1616, les récollets avaient présumé que les peuplades sédentaires seraient plus faciles à convertir que  les nomades;  ils estimaient donc que les Hurons causeraient moins de problèmes que les Amérindiens des Maritimes ou des rives du Saint-Laurent. » Bruce Trigger, Les Enfants d’Aataentsic, L’histoire du peuple Huron, Montréal, Libre Expression, 1991, p. 374.

3. Barthélemy Vimont,  Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle France en l'année M. DC.XL. envoyée au R.P. provincial de la Compagnie de Jésus de la province de France / Paris : Chez Sébastien Cramoisy, imprimeur ordinaire du roy ... , 1641, Deuxième section du texte signée p. 196: Hiérosme Lalement, Numérisée à partir d'une microfiche de l'ICMH de l'édition originale se trouvant à la Bibliothèque nationale du Canada et disponible sur le site web  http://www.canadiana.org/afficher/36492/7 , p 44.

4. Comme le souligne l’historien jésuite  Jacques Monet : « C’était considérable comme population,  comme population française.  Est-ce qu’on aurait eu éventuellement une colonie amérindienne plus ou moins autonome et française, même un peuple métis, ici dans ce qui est maintenant autour de la baie Georgienne ?  On aurait eu une province française du Canada ici alors que Montréal et Québec étaient des petites bourgades à l’époque.  C’est intéressant de spéculer ce qui serait arrivé s’ils (les Français) n’étaient pas partis à ce moment-là. » Propos de Jacques Monet dans La Huronie, documentaire de Denis Boivin, Québec, Productions Kwé Kwé, 2009. http://www.k8e.ca/default.htm. Par ailleurs, dans un des très rares articles contemporains publiés au Québec au sujet de Sainte-Marie, Bernard Racine avoue que :  « L’histoire de la Huronie constitue le premier chapitre de l’histoire de l’Ontario et un chapitre oublié de l’histoire du Québec, auquel ont été mêlés bon nombre des premiers citoyens de la ville de Québec.» Bernard Racine, « On a marqué  l’été dernier  le 350e anniversaire de Sainte-Marie-des-Hurons», L’Action nationale, vol. 80, no 5, mai 1990, p. 685.

5. Trigger, op cit.,  p. 585.

6. Conrad Heidenreich, A History and Geography of the Huron Indians 1600-1650, McClelland and Stewart, 1971, p. 279. Texte original anglais :  The development of Huron trade, and its effective execution in spite of the epidemics, seems to be founded on two fundamental factors.  These were the large population of Huronia and their agricultural economy, which provided food for the traders and allowed some to specialize in this occupation.  Huron agriculture was largely operated by the women.  Between the spring and fall fishing seasons the men could carry out other tasks, among which trading was one.

7. Sylvie Savoie, Les gens de la péninsule, Les Hurons de Wendake, Québec, Varia, 2008, p. 27.

8. Trigger, op. cit., p. 703.

9. Le supérieur Ragueneau décrit la triste scène du 4 juin 1649 ainsi : « […] il fallut quitter cette ancienne demeure de Sainte-Marie ;  ces édifices, qui quoique pauvres, paraissaient des chefs-d'œuvre de l’art, aux yeux de nos pauvres Sauvages ;  ces terres cultivées qui nous promettaient une riche moisson.  Il nous fallut abandonner ce lieu, que je puis appeler notre seconde Patrie, et nos délices innocentes ;  puisqu’il avait été le berceau de ce Christianisme, qu’il était le temple de Dieu, et la maison des serviteurs de Jésus Christ, et crainte que nos ennemis trop impies, ne profanassent ce lieu de sainteté, et n’en prissent leur avantage ;  nous y mîmes le feu nous-mêmes, et nous vîmes brûler à nos yeux, en moins d’une heure, nos travaux de dix ans. » Relation de ce qui s'est passé en la mission des peres de la Compagnie de Jesus, aux Hurons & aux pays plus bas de la Nouvelle France, depuis l'esté de l'année 1649 jusques à l'esté de l'année 1650… Numérisée à partir d'une microfiche de l'ICMH de l'édition originale se trouvant à la Bibliothèque nationale du Canada et disponible sur le site web :  http://www.canadiana.org/afficher/53098/0012 , p. 6 et 7.

10. « Les Wendats de Roreke sont ceux qui prennent le chemin du nord-est après la chute de la Confédération wendat.  Aux trois cents qui arrivent dans la région de Québec en 1650, s’ajoute un flot continu d’individus et de familles provenant des autres groupes. » Louis-Karl Picard-Sioui, (dir.) Territoires, mémoires, savoirs : Au cœur du peuple wendat, Wendake (Québec) éditions du CDFM, 2009, p. 20.

11. Pour de plus amples renseignements au sujet de la communauté : http://www.wendake.ca/ ; sur le Musée huron-wendat, inauguré en 2008: http://www.hotelpremieresnations.com/musee/concept.php?langue=fr ; sur le site traditionnel huron « ONHOÜA CHETEK8E », la plus authentique reconstitution d’un village indien au Québec: http://www.huron-wendat.qc.ca/ ; sur Tourisme Wendake, créé par le Conseil de la Nation huronne-wendat en août 2006: http://www.tourismewendake.com/.

12. E. J. Devine, s. j., Le Fort Sainte-Marie résidence des Missionnaires et des Martyrs Jésuites au Canada 1639-1649, France, Imprimerie Prud’homme Saint-Brieux, traduit de l’anglais, 1926, p. 47.

13. Plusieurs années après, Félix Martin décrit l’état du site qu’il a visité ainsi : « Les ruines de cette construction française se voient toujours au milieu de la forêt.  Nous en avons levé les plans en 1859.  La partie régulière du fort bâtie en pierre s’élève encore à 1 m,50 (sic) au-dessus du sol.  Les fossés qui conduisaient à la rivière et qui servaient comme de port aux canots sauvages, sont faciles à reconnaître.  Le vaste redan qu’on voit au sud, a aussi des traces d’un parapet en terre le long du fossé.  Mais la maison d’habitation dans l’enceinte du fort devait être en bois, et laisse à peine quelques ruines de sa cheminée. » Félix Martin, Hurons et Iroquois : le P. Jean de Brébeuf, sa vie, ses travaux, son martyre, Paris : G. Téqui, 1877. Numérisée à partir d'une microfiche de l'ICMH de l'édition originale se trouvant à la Bibliothèque nationale du Canada et disponible en ligne à http://www.canadiana.org/view/09932/193, p. 191-192.

14. Devine, op. cit., p. 54.

15. Les huit  martyrs seront canonisés le 29 juin 1930.

16. Gordon, op. cit, p. 512. Texte original anglais : « It was about this time that a local civic booster, W. H. Cranston, began to take interest.  A Baptist himself, William Herbert Cranston saw in Sainte-Marie a potential economic boom.  The Martyr Shrine overlooking the archeological site attracted, by his estimates, 250,000 Catholic pilgrims annually. »

17. Gordon, ibid, p. 513.

18. Robert Runcie Inglis, Preserving History:  A Study of History Museums and Historic Sites, with Special Reference to Sainte-Marie Among the Hurons, Midland, Ontario, these de maîtrise, Université de Toronto, départment d’Histoire et de muséologie, 1972, p. 74. Texte original anglais :  However, while Kidd and others hesitated to ‘picture’ Sainte-Marie ‘as it might have been’, Jury was prepared to use his imagination.  Uniquely endowed with an instinct for putting himself into the past, he applied his knowledge and experience to that instinct, and came up with theories about the site which some scholars found difficulty in accepting.

19. Gordon, op. cit., p. 517, texte original anglais :  « Bas Mason listed the three objectives of the reconstruction as public education, an increase in tourism, and national unity. He suggested that :  “improved relations between Quebec (and French language Canadians generally) and Ontario (and English language Canadians) could be the  greatest benefit accruing from Ste. Marie…” »

20. Inglis, op. cit., p. 89, texte original anglais :  « Sainte-Marie was founded to teach. Sainte-Marie was rebuilt to teach. »

21. Gordon, op.cit., p. 527.

22. Le nom contemporain donné au site historique a un caractère particulier.  Tout d’abord, pendant longtemps, le public utilise l’appellation erronée de fort Sainte-Marie et les interprètes doivent mettre l’accent sur le fait qu’il s’agit d’une mission fortifiée et non d’un fort militaire ou commercial. Lors de la reconstruction, le gouvernement ontarien baptise la nouvelle mission Sainte-Marie among the Hurons, qui en français devient Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons. Toutefois, à l’époque de la Nouvelle-France, la mission était désignée, notamment dans Les Relations des pères jésuites, comme Sainte-Marie aux Hurons ou la Résidence Sainte-Marie.

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