Musée acadien de l’Université de Moncton

par LeBlanc, Bernard

Une partie de la section sur la religion de la nouvelle exposition permanente du Musée acadien de l'Université de Moncton, ouverte en 2005

Le Musée acadien de l’Université de Moncton fêtait en 2011 son 125e anniversaire. Fondé en 1886 au collège Saint-Joseph à Memramcook, N.-B., il est le plus ancien et le plus grand des nombreux musées acadiens que l’on trouve dans les provinces Maritimes, au Québec et en Louisiane. Son mandat est de collectionner et de préserver des objets relatifs à l’histoire et à la culture matérielle acadiennes et d’en faire la promotion. Ce mandat couvre tout le territoire de l’Acadie et comprend la période allant de la fondation de l’Acadie jusqu’à nos jours.

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Le Musée acadien, de nos jours

Le Musée acadien est logé dans le pavillon Clément-Cormier sur le campus universitaire de Moncton. Cet édifice, construit en 1980 selon les normes muséales de l’époque, abrite également la Galerie d’art Louise-et-Ruben-Cohen de l’Université de Moncton. Le musée comprend une exposition permanente qui propose un survol de l’histoire de l’Acadie et de sa culture matérielle. Il dispose aussi d’une salle d’expositions temporaires ainsi que d’un amphithéâtre. Le Musée possède également une réserve d’une superficie d’environ 410 m2 qui renferme une collection de plus de 40 000 objets et photographies. Son personnel se compose d’un directeur et de deux conservateurs, ainsi que d’une secrétaire et d’une technicienne qui travaillent également pour la galerie d’art.

 

Historique

L’origine du Musée acadien remonte à l’époque de la Renaissance acadienne de la deuxième moitié du XIXe siècle – un mouvement de prise de conscience du peuple acadien. Cette renaissance commença avec la fondation du collège Saint-Joseph à Memramcook au Nouveau-Brunswick (NOTE 1) en 1864, et du premier journal francophone des Maritimes, Le Moniteur Acadien, trois ans plus tard. S’ensuivirent une série de « Conventions nationales acadiennes » qui débutèrent en 1881 à Memramcook. Ces conventions ont donné naissance à l’hymne national acadien (Ave Maris Stella) et au drapeau national acadien (le tricolore étoilé). Dans la foulée de ce mouvement de renaissance, naquit un musée « national » acadien qui devint plus tard le Musée acadien de l’Université de Moncton.

Le drapeau national acadien original (1884), ici en montre dans l’exposition permanente du musée de 1981 à 2004

 

Une annonce parue dans le journal Le Moniteur Acadien le 12 octobre 1886 témoigne de la genèse de ce projet :

Depuis quelque temps l’administration du collège St-Joseph, à Memramcook, s’occupe activement à monter un musée Acadien dans une des plus belles salles de cette florissante Institution. Déjà il s’y trouve bon nombre d’objets relatifs aux sciences naturelles et à l’histoire de l’Acadie, mais il n’y a pas encore assez. Il y a dans les Provinces Maritimes beaucoup de personnes qui possèdent de précieux souvenirs historiques de l’ancienne Acadie et des objets ayant trait à la minéralogie, géologie, &c, capables de figurer dans ce dit musée et le meilleur usage qu’elles pourraient en faire serait de les mettre au musée du collège St-Joseph où ils seront conservés avec un soin tout particulier. Ceux qui enverront des objets quelconques pour ce musée auront droit à la reconnaissance de l’administration de la maison et verront leurs noms paraître dans l’annuaire du collège publié à la fin de chaque année scolaire. Acadiens-français, piquez-vous de patriotisme pour aider à monter le premier musée Acadien des Provinces Maritimes.

À la première page du registre original du musée figure le nom du premier donateur, le Père Camille Lefebvre, c.s.c., fondateur du collège et du musée acadien. Parmi les diverses pièces offertes par le Père Lefebvre se trouve la pierre angulaire de la chapelle Sainte-Anne de Beaubassin, datant de 1723. Cette chapelle avait été incendiée en 1750 avec le village de Beaubassin, sous l’autorité des forces françaises du fort Beauséjour. Cette tactique militaire était Cet épisode mouvementé de l’histoire acadienne annonçait le début du Grand Dérangement (NOTE 2) – événement tragique qui allait marquer à jamais le peuple acadien. Ainsi, le souci de conserver des objets de valeur historique était bien présent à cette époque de la Renaissance acadienne.

 

La constitution de la collection

Sabots de bois

Le sentiment historique-nationaliste était présent chez le peuple acadien, comme en témoignent d’autres dons faits au musée. Par exemple, entre 1886 et 1890, l’institution reçoit en don : un « sabot des premiers acadiens »; « une paire de sabots faits pour les petits enfants, il y a environ 100 ans »; « une vieille poulie de métier (à tisser) qu’existait avant la dispersion des Acadiens (le dérangement) »; un « morceau de bois de la dalle de l’aboiteau (NOTE 3) "des Pierre à Michel" (village de la paroisse de Memramcook) faite vers 1720-1730 par des Français venus exprès de Port-Royal »; un « clou pris dans la porte d’entrée du fort Beauséjour (NOTE 4) »; « deux balles de fusil trouvées dans la terre à Louisbourg (NOTE 5), Cap Breton, sur le champ de bataille 1758 »; une épée et une hache trouvées au fort Latour (NOTE 6) ; une « plaque d’un fusil qui a servi en 1755 & conservée depuis dans sa famille (du donateur) comme relique. »

Toutefois, au cours des premières décennies, la collection du musée consistait surtout en un rassemblement hétéroclite de pièces numismatiques, biologiques et minéralogiques et de divers objets de curiosité. Cette collection éclectique était représentative de celles habituellement rassemblées dans les petits musées à l’époque. C’est à partir des années 1940 que le musée prit une orientation résolument acadienne, grâce aux efforts du Père Clément Cormier, c.s.c., alors préfet des études à l'Université Saint-Joseph et recteur de 1948 à 1953.

Le musée acadien en 1952 lorsqu'il était situé dans le Monument Lefebvre au collège Saint-Joseph à Memramcook, N.-B.

La collection du musée fut transférée à Moncton en 1953 lorsqu’une partie des effectifs du collège Saint-Joseph (devenu l’Université Saint-Joseph) fut déménagée dans cette ville, sur la rue Church. Faute d’espace, la collection du musée demeura remisée jusqu’à l’ouverture de nouveaux locaux temporaires sur le campus de l’Université de Moncton, qui avait été fondée par le Père Clément Cormier en 1963. Le musée ouvrit de nouveau ses portes en 1966. Il était alors logé au sous-sol de la bibliothèque Champlain de l’université. Dans ce nouvel espace, l’exposition permanente du musée était organisée selon différents thèmes : la religion, l’éducation, la ferme, la pêche, la menuiserie, la forge, les textiles, etc. Le nombre d’objets exposés représentait alors environ les deux tiers de la collection du musée – le reste étant entreposé dans la réserve. C’est à cette époque que la collection du musée fut gérée selon les normes muséales. Ainsi, chaque objet recevait un numéro d’acquisition, était photographié et accompagné d’une fiche contenant de l’information technique et historique. Le musée fut accrédité au niveau national en 1976.

Dans les années 1960 et 1970, le musée était géré par deux anciennes enseignantes à la retraite qui œuvraient sous la direction du Père Clément Cormier. C’est en 1979 que le musée eut son premier directeur diplômé en muséologie, en la personne de Mme Deborah Robichaud.

 

De nouveaux locaux

Maquette du pavillon Clément-Cormier sur le campus de l’Université de Moncton, construit en 1980

Lorsque que la bibliothèque Champlain commença à s’avérer trop petite pour contenir la collection, il fut décidé de construire un nouvel édifice qui allait abriter le musée ainsi que la Galerie d’art de l’Université de Moncton. C’est donc en 1980 que fut érigé le pavillon Clément-Cormier, un édifice à atmosphère contrôlée d’une superficie de 1 700 m2.  

Dans ce nouvel édifice, l’exposition permanente du musée comprenait une section sur l’histoire de l’Acadie présentée de façon chronologique. Dans la section sur la culture matérielle, l’exposition était divisée en zones thématiques telles que la cuisine, les textiles, la forge, la pêche, etc. Une salle réservée à des expositions temporaires, d’une superficie de 150 m2, permettait de monter des expositions maison – ce qui rendit possible la présentation au public d’un grand nombre d’objets de la collection du musée – en plus d’accueillir des expositions itinérantes.

Afin de commémorer le 400e anniversaire de la fondation de l’Acadie en 2004, il fut décidé de renouveler l’exposition permanente du musée. Il s’agissait-là du principal projet commémoratif de l’Université de Moncton. Comme dans l’ancienne exposition permanente, elle donne un aperçu de l’histoire de l’Acadie mais avec beaucoup plus de panneaux illustrés tout en y incorporant des postes d’écouteurs et des vidéos.

 

Des collections témoignant de la riche histoire acadienne

Rabot acadien

La variété d’objets comprise dans le don initial du Père Camille Lefebvre (et qui figure dans les premières pages du registre original) était, dans un sens, un signe précurseur de la nature de la collection future du musée. Ce don comprenait, en plus de la pierre angulaire de la chapelle de Beaubassin, une collection de coquillages, une collection numismatique, des médailles et quelques objets religieux dont la «première croix de procession » et le « premier crucifix d’autel » de l’église de Memramcook ainsi que des pièces historiques telles que trois clous du fort Beauséjour. À la première page du registre figurent également les noms de onze autres donateurs. Leurs dons comprennent surtout des pièces numismatiques et biologiques telles que « une piastre espagnol » et « cinq oiseaux empaillés ». Les dons listés sur cette première page annoncent la diversité de la collection du musée jusqu’aux années 1940.

Plusieurs pièces de la collection de l’ancien musée du collège ne figurent dans aucun registre. Certains de ces objets ont une valeur historique considérable, tel que la corne à poudre de Jacques LeBlanc. Ce dernier avait été déporté à Boston en 1755 et il est un des rares Acadiens exilés qui soit revenu s’établir en Acadie après le Grand Dérangement. Il grava cette inscription sur la corne :

Jacques LeBlanc, fils de François La Petitcotie. Faite à Boston le 23 de mars, l’année 1762. (Traduction d’une prière en latin) : Priez pour nous Sainte Mère de Dieu afin que nous soyons dignes des promesses du Christ. Jésus et Marie. Il y a 4 ans et 9 mois mon père est mort, l’année 1761 (62?).

Cette corne figure aujourd’hui dans l’exposition permanente du musée.

En 1973, une collection d’objets et de photographies – dont certaines pièces étaient d’une importance historique considérable – fut ajoutée à celle du Musée acadien. Ces objets font partie de la collection de la « Salle des Souvenirs », un petit musée situé au sous-sol de la Cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption de Moncton. Ce musée avait ouvert en 1940 dans la toute nouvelle cathédrale surnommée « Le Monument de la Reconnaissance ». Parmi ces pièces se retrouve un des trésors du musée : le drapeau acadien original de 1884.

Le musée acadien lorsqu'il était logé au sous-sol de la bibliothèque Champlain de l'Université de Moncton dans les années 1970

D’autres anciennes pièces historiques du musée comprennent une brique de l’Habitation que Samuel de Champlain et Pierre Dugua de Mons ont érigée à l’Île Sainte-Croix en 1604, des haches et outils du poste de traite de Nicolas Denys à Miscou, N.-B., (construit en 1645 et détruit en 1647), un chaudron en cuivre datant du XVIe siècle, possiblement d’origine basque, et utilisé dans une sépulture amérindienne et le calice dit de Beaubassin (v1735).

Outre des pièces religieuses et militaires, le musée possède quelques rares objets domestiques de l’ancienne Acadie – c’est-à-dire, d’avant le milieu du XVIIIe siècle. Cette rareté résulte du pillage et de la destruction systématique des villages acadiens entre 1755 et 1758 lors du Grand Dérangement. Parmi ces objets, notons la présence d’un coffre datant de la première moitié du XVIIIe siècle et ayant appartenu au marchand Otho Robichaud, une assiette en poterie de Saintonge, une poulie de métier à tisser et une corne à poudre  « vieille de 200 ans » (donnée en 1918). Parmi les objets de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, on trouve, entre autres, une ancienne charrue à bœuf, un coffret à documents, des haches, une scie de long, des tarières et une quenouille à filer.

Le musée conserve aussi des objets reliés à de grands personnages qui ont laissé leur marque en Acadie. Parmi ceux-ci se retrouvent de grands nationalistes acadiens qui ont contribué à la Renaissance acadienne, tels que Mgr Marcel-François Richard (concepteur du drapeau national acadien), sire Pierre-Amand Landry (premier avocat et premier juge acadien et premier Acadien à être fait Chevalier par la monarchie britannique) et Pascal Poirier (écrivain et premier sénateur acadien en 1885).

Des objets ayant appartenu à d’autres personnages remarquables sont représentés dans la collection du musée. S’y retrouvent des objets personnels de Anna Malenfant (cantatrice de réputation internationale), Arthur LeBlanc (virtuose de violon) et Louis-J. Robichaud (premier Acadien à être élu premier ministre du Nouveau-Brunswick). Enfin, le musée possède également la paire de gants que le champion de boxe Yvon Durelle a portée lors de son combat avec Archie Moore à Montréal en 1958.

Boîtes et barres de chocolat Ganong's Évangeline

Le musée possède également des objets reliés à deux grands personnages fictifs acadiens, soit Évangéline du poète américain, Henry Wadsworth Longfellow, et La Sagouine de l’écrivain acadien Antonine Maillet. Évangéline est un des grands symboles nationalistes populaires qui fut adopté par le peuple acadien. Ce personnage mythique a également inspiré de nombreux artistes, sculpteurs, écrivains, musiciens et cinéastes ainsi que le monde du commerce et du tourisme. Le musée possède toute une gamme d’objets qui reflètent ces différents domaines, y compris plus de 300 différentes éditions du poème ainsi qu’une copie de la première édition de 1847. Lors du 150e anniversaire de la publication du poème Évangéline en 1997, le musée a produit une exposition itinérante d’envergure intitulée « L’Odyssée d’Évangéline », présentée dans six provinces du Canada. En ce qui concerne la Sagouine, le musée possède le premier costume de ce personnage qui fut porté par la comédienne Viola Léger dans les années 1970.

Le musée collectionne aussi des objets contemporains qui représentent des événements historiques et culturels importants. Par exemple, on trouve des souvenirs de la visite du Pape Jean-Paul II à Moncton en 1984 ainsi que du Premier congrès mondial acadien de 1994. Des affiches et des programmes de fêtes populaires, de spectacles et de pièces de théâtre sont activement rassemblés par le musée.

Il y a plusieurs années, le musée a entrepris un projet de longue haleine, la numérisation de ses collections. Il est à souhaiter que dans le futur cette collection numérisée soit rendue accessible au grand public par le biais d’Internet.

 

Valeur patrimoniale

Le Musée acadien de l’Université de Moncton joue un rôle important dans la conservation et la promotion du patrimoine acadien. Ses nombreux artefacts témoignent de l’histoire et de la culture matérielle de l’Acadie et servent à illustrer la persévérance et la fierté d’un peuple minoritaire qui a su surmonter de nombreux obstacles au cours de son histoire. Toujours présent et actif dans l’Acadie contemporaine, le musée continu d’accroître ses collections avec des objets anciens et des objets de facture plus récente qui témoignent de la vitalité culturelle de l’Acadie d’aujourd’hui.

 

Bernard LeBlanc
Conservateur, Musée acadien de l’Université de Moncton

Documents complémentairesCertains documents complémentaires nécessitent un plugiciel pour être consultés

Médias 360
  • Poutine râpée en conserve
  • Défense de mammouth fossilisée
  • Moule
  • Statuette religieuse
  • Théière
  • Statuette religieuse
  • Statuette d'Évangeline
  • Rabot
  • Reliquaire
  • Sabots de bois
  • Sculpture
  • Puit d'évangeline
  • Pot de verre
  • Râpe à pomme de terre
  • Petite pelle de bois
  • Patte d'ours à bleuet
  • Panier amérindien
  • Panier d'osier
  • Rabot
  • Outil en bois
  • Livre de bois
  • Canon jouet
  • Avion jouet
  • Fer à repasser
  • Fanal
  • Coupe en argent
  • Coffre de bois
  • Chandelier
  • Rateau
  • Bouteille Évangeline
  • Bouée
  • Boule de verre
  • Bouteille
  • Buste d'Évangeline
Photos

Notes

1. Memramcook, surnommé le « berceau de la nouvelle Acadie », est un village acadien situé à une vingtaine de kilomètres de Moncton. La paroisse de Memramcook fut la première à être érigée en Acadie après de Grand Dérangement, soit en 1781.

2. Il s’agit de l’événement de la Déportation des Acadiens par les Anglais au milieu du XVIIIe siècle dans lequel environ le deux tiers de la population fut exilé.

3. L’aboiteau est communément désigné pour une écluse en bois qui est munie d’un clapet qui permet l’assèchement des marais endigués. C’est une méthode d’agriculture traditionnelle pratiquée par les Acadiens et qui est devenue un symbole de ce peuple.

4. Fort français érigé en 1751 à la frontière actuelle entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Le fort capitula aux Anglais en juin 1755 et fut le site du début de la Déportation des Acadiens.

5. Forteresse française dont la construction débuta en 1719. La forteresse capitula aux Anglais en 1745 et puis une deuxième fois en 1758, après quoi elle fut détruite par les Britanniques.

6. Fort français érigé en 1627 à l’embouchure de la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick.

Bibliographie

Cormier, Clément, « Le Musée acadien de l'Université de Moncton », Cahiers, Société historique acadienne, no 2, 1974, p. 48-54.

Chamard, Maurice, Anselme Chiasson, Clément Cormier et Hector Léger, Camille Lefebvre, c.s.c., Montréal, Éditions Fides, 1988, 238 p.

Daigle, Jean (dir.), L’Acadie des Maritimes : Études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Chaire d’études acadiennes, Université de Moncton, 1993, 910 p.

Robidoux, Ferdinand J., Conventions Nationales des Acadiens : Recueil des Travaux et Délibérations des six premières Conventions compilé par Ferdinand Robidoux, Shédiac, 1907, 281 p.

 

 

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