Fromages du Québec

par Ferland, Catherine

Image illustrant l'«Étude sur le potentiel d'expansion des marchés des fromages fins québécois», CILQ, 2008

Les fromages du Québec jouissent depuis longtemps d’une renommée internationale. Le goût pour cet aliment fermier a bien évolué au fil des ans, s’enrichissant de nombreux apports culturels et technologiques. Les premiers colons l’époque de la Nouvelle-France apportent certaines traditions fromagères, puis les innovations techniques anglaises permettent de développer le savoir-faire québécois. Vers la fin du XIXe siècle, l’augmentation de la production laitière et la demande grandissante pour le fromage produit au Québec stimulent l’industrie laitière : le cheddar devient l’un des fleurons de l’économie agricole québécoise. Si la production fromagère s’est longtemps limitée à quelques variétés, on peut à présent trouver au Québec des centaines de fromages de toutes les régions. L’audace de certains artisans québécois conjuguée aux savoir-faire ancestraux des artisans venus plus récemment de France et d’autres pays d’Europe ont considérablement enrichi et diversifié la production québécoise. S’il a une longue histoire, ce précieux patrimoine alimentaire semble promis à un succulent avenir!

 

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Un élément phare du patrimoine alimentaire québécois

Le bleu Bénédictin de l'Abbaye Saint-Benoît-du-Lac, Grand champion 2000 au Grand prix des fromages canadiens

Si la France peut s’enorgueillir de ses quelque 1 000 fromages, dont certains existent depuis des centaines d’années, le Québec fait aujourd’hui très bonne figure, compte tenu de son histoire relativement jeune. En effet, les producteurs québécois ont su s’imposer progressivement sur le marché des saveurs : consommateurs et gastronomes d’ici et d’ailleurs font la part belle aux 350 variétés de fromages du Québec, dénotant une croissance phénoménale au cours des trente dernières années. Cette popularité s’inscrit d’ailleurs dans la forte demande pour les produits du terroir, une tendance que l’on observe dans l’ensemble des pays occidentaux de même qu’au Québec et qui s’explique par le désir de renouer avec une certaine authenticité en consommant des aliments sains, fortement ancrés au territoire (NOTE 1).

Les artisans-fromagers du Québec ont l’opportunité de présenter et de comparer leurs produits au concours «Sélection Caseus», orchestré par l’Institut de Technologie Agricole de Saint-Hyacinthe. Cet événement annuel permet de développer le marché des fromages fins à l’échelle provinciale, mais aussi canadienne et même du continent entier. En effet, la réputation des produits fromagers québécois dépasse maintenant nos frontières : certaines fromageries se sont distinguées en remportant des prix prestigieux, notamment à l’occasion du concours annuel de l’American Cheese Society, du Grand Prix des fromages canadiens et surtout du World Championship Cheese Contest (NOTE 2). Au total, entre 2000 et 2010, les fromages du Québec se sont mérité près d’une centaine de prix, médailles et récompenses nationales et internationales. Quelques rares fromagers d’ici ont également eu l’insigne honneur d’être intronisés dans la Guilde internationale des fromagers, un club sélect français comptant 5500 membres répartis dans 33 pays (NOTE 3).

Section du Musée du fromage cheddar à Saint-Prime: installations et panneaux d'interprétation

Devenu un important fleuron de l’industrie alimentaire, le fromage québécois est également dans la mire de l’industrie agrotouristique et du tourisme patrimonial. Au Lac-Saint-Jean, l'ancienne fromagerie Perron et une partie de son outillage, classés monument historique et bien historique en 1989 (NOTE 4), sont à présent ouverts au public et mis en valeur en tant que Musée du fromage cheddar. Plus à l’est, la Laiterie Charlevoix, qui est aussi un Économusée du fromage, est un membre très actif de la route des Saveurs de Charlevoix. Enfin, l’abondante production fromagère est mise en valeur et célébrée depuis 1995 au Festival des fromages de Warwick, qui attire chaque année entre 30 000 et 40 000 personnes. En 2007, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a d’ailleurs désigné la ville de Warwick comme capitale des fromages fins du Québec. La ville de Saint-Jérôme propose aussi une Foire vin, fromage et saveurs du terroir, tandis que Montréal a son Salon des vins et fromages du Québec. En juin 2008, la Société des fromages du Québec a animé, pour la première fois, le Mois des fromages fins du Québec. Bref, le fromage est devenu un élément important du patrimoine culturel du Québec.

 

La tradition fromagère au Québec : un héritage ancien

L’histoire du fromage débute très tôt au Québec, à la faveur de la colonisation française. Des vaches laitières sont introduites dans la vallée du Saint-Laurent dès la première décennie du XVIIe siècle, tandis que les colons importent ici leurs recettes et traditions fromagères originaires de diverses provinces de France. Rappelons que le fromage est le résultat de la fermentation naturelle du lait de vache, de chèvre ou de brebis. Plusieurs étapes sont requises pour fabriquer du fromage (caillage, égouttage, moulage, salage, maturation, affinage, etc.), autant d’étapes où il est possible d’intervenir pour créer un produit à la texture et au goût bien distincts. Assez rapidement, plusieurs fermes commencent à faire du fromage selon les procédés ancestraux, généralement des pâtes molles à croûte fleurie.

Stand de dégustation du fromage de l'île d'Orléans

La première production véritablement documentée de fromage en Nouvelle-France débute vers 1690 à l’île d’Orléans, près de Québec. Les habitants élaborent ce que l’on appelle le «raffiné de Saint-Pierre», un fromage de lait cru (forcément, puisque la pasteurisation n’a pas encore été inventée !) salé puis affiné dans un coffre de bois. Il semble que le procédé de fabrication du raffiné de Saint-Pierre s’apparente, dans ses grandes lignes, à celui du Soumaintrain, produit de la vallée de l’Armance, et que son goût évoque le camembert. Ce petit fromage mince, de forme ronde, se vend trente sols la douzaine vers le milieu du XVIIIe siècle (NOTE 5). Considéré comme le meilleur fromage de la colonie, il est jugé suffisamment savoureux pour être servi à la table des riches et des aristocrates. La recette du raffiné de Saint-Pierre s’est transmise de génération en génération, de mère en fille, traversant même les siècles. Entre 1940 et 1970, près d’une quarantaine de familles fabriquaient encore ce fromage traditionnel (NOTE 6). Par la suite, l’application d’un règlement provincial interdisant la production de fromage au lait cru a entraîné sa quasi disparition. Une longue enquête aux rebondissements inattendus a permis de retrouver la bactérie originale encore présente dans la demeure du dernier fromager de l’île d’Orléans et de recréer ce fromage historique dans une toute nouvelle fromagerie moderne de la paroisse de Sainte-Famille.

Suite à la conquête de la colonie par les Britanniques, les traditions fromagères seront appelées à s’enrichir. Les Anglais, notamment les immigrants loyalistes fuyant les États-Unis après la guerre d’indépendance américaine, introduisent de nouveaux procédés de fabrication de fromages, dont les pâtes fermes de type cheddar.
 Ils seront nombreux à s’établir dans la région des Cantons de l’est.

 

Fromage, industrialisation et modernité

Selon Lise Fournier, l’évolution de l’industrie fromagère au Québec se divise en cinq grandes périodes, soit l’implantation progressive (1865-1890), l’expansion rapide (1890-1920), la concentration des entreprises (1920-1950), la restructuration et la diversification (1950-1970) et finalement, le nouvel essor (1970-1995) (NOTE 7). C’est sous l’impulsion des nouveaux procédés industriels que le fromage entre véritablement dans la modernité.

En 1833, la plus grande partie du fromage consommé au Québec provient des Etats-Unis (NOTE 8). Pour remédier à la situation, plusieurs spécialistes proposent d’améliorer la race des vaches laitières et de miser sur la production domestique de beurre et de fromage. Jusqu’alors, la production était essentiellement fermière : par exemple, une ferme de Sault-au-Récollet produit le Crème de Belœil, une sorte de camembert québécois de forme cylindrique et pesant environ cinq cents grammes, au tournant des années 1850. La seconde moitié du XIXe siècle voit surgir une véritable production structurée de fromage au Québec. C’est à Dunham que sera fondée la première fromagerie de l’ère industrielle, en 1856.

Coupure de presse: «La première école de laiterie au Canada, établie à St-Hyacinthe en 1892»

L’industrialisation fait prendre conscience de l’importance transmettre le savoir-faire fromager. En 1881, désireux d’améliorer les techniques de production et de cueillette de lait, un agronome de Saint-Denis-de-Kamouraska fonde la première fromagerie école d’Amérique du Nord. L’initiative la plus importante vient pourtant du gouvernement. Souhaitant se doter des technologies les plus modernes en matière de production fromagère, le ministère de l’Agriculture favorise l’ouverture de l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe en 1892.

L’école de Saint-Hyacinthe vise notamment l’amélioration les techniques telles que la centrifugation, le caillage et le découpage du caillé. Il mène aussi des recherches de pointe en bactériologie, en nutrition et en chimie. Peu de gens savent que le Canada fut l’un des premiers pays à appliquer les techniques de pasteurisation! C’est également ici que sont promulguées les premières législations relatives à l’hygiène lors de la cueillette du lait et de la fabrication des fromages. L’école de laiterie, qui devient ensuite l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, accueille annuellement une centaine d’élèves : ceci bénéficie directement aux petites fromageries villageoises qui naissent un peu partout au Québec pendant cette période, puisque les producteurs fromagers peuvent désormais suivre une formation professionnelle et bénéficier des avancées de l’industrialisation.


 

Le cheddar québécois à la conquête du monde

Article de journal célébrant les 100 ans du cheddar canadien, septembre 1964

Les découvertes et inventions modernes de la fin du XIXe siècle transforment profondément l'industrie fromagère du Québec. De nombreuses compagnies de navigation océanique équipent leurs navires de compartiments frigorifiques qui leur permettent de transporter des denrées périssables sur de très grandes distances. L'ouverture du marché britannique contribue à assurer la vitalité de ce secteur économique en pleine expansion au Québec, fournissant un excellent débouché commercial à la production fromagère d’ici. C’est d’ailleurs à cette époque que la famille Perron fonde sa célèbre fromagerie à Saint-Prime, dans la région du Lac-Saint-Jean, où l’on fabrique un cheddar exporté dans une large mesure au Royaume-Uni.
 Des millions de caisses de cheddar québécois seront expédiées aux îles britanniques tous les ans.

Le Québec fait alors bonne figure dans la production canadienne. La croissance de ce secteur est fulgurante : pour la seule année 1881, la Belle Province produit pour plus de 5,5 millions de dollars de fromage (valeur de l’époque) : en 1898, cette valeur s’élève à près de 17,6 millions! Ce segment de l’économie est reconnu parmi ceux qui ont le plus d’avenir. Des milliers de Québécois travaillent alors dans l’un ou l’autre maillon de la chaine de production fromagère. Plusieurs dizaines de syndicats du fromage coexistent, et à Chicoutimi, une «Bourse pour la vente des fromages» est même fondée en 1895.

La fromagerie Gilbert, à Saint-Joseph de Beauce, se spécialise dans le cheddar frais, en briques ou en «grains»

À cette époque, on estime que le fromage produit au Québec est de qualité supérieure : sa position très privilégiée sur les marchés anglais dicte même les prix. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, le fromage se vend de 12 à 16 sous la livre (NOTE 9). Le ministère de l’Agriculture contribue à maintenir ces hauts standards en créant des concours et en remettant des médailles aux meilleures fromageries (NOTE 10). Notons que si le Québec produit du cheddar vieilli pour le marché britannique, ce qui correspond au goût anglais, les consommateurs d’ici préfèrent le cheddar frais pour leur propre consommation, notamment le fameux fromage «en grains».

 

Diversification des fromages du Québec

Fabrication de fromage à l'École de laiterie de la province de Québec à Saint-Hyacinthe, 1945

Le cheddar dominera pendant longtemps le paysage fromager du Québec – le Oka étant peut-être le seul autre type de fromage qui réussira à s’imposer largement (NOTE 11). Or, la Grande Guerre (1914-1918) puis la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) entraînent l’arrivée massive d’immigrants européens en sol canadien, ce qui aura plusieurs effets sur la production alimentaire et la consommation. À la faveur de ce grand brassage culturel, certains fromages importés, dont l’Edam, la Mozzarella, le Parmesan, la Ricotta, la Feta et les pâtes persillées font leur entrée sur le marché québécois. La demande devient si forte qu’elle incite les producteurs d’ici à élaborer de nouveaux fromages. Dans le premier tiers du 20e siècle, les fromagers se mettent à la production de camembert et de feta, souvent sous l’impulsion de maîtres fromagers venus d'Europe. En 1943, la fromagerie de l’abbaye Saint-Benoît-du-Lac crée un bleu unique au Québec : le Bleu l’Ermite. 

De grandes sociétés et coopératives laitières entièrement automatisées sont mises sur pied pour satisfaire à la demande. Dès lors, les fromages du Québec commencent à se démarquer : à l’occasion du prestigieux World International Cheese Competition de 1972, un Cheddar et un brick fabriqués au Québec remportent respectivement le premier et le troisième prix. Au même concours en 1976, le brick de la Coopérative agricole de Granby rafle les honneurs.


Madame et monsieur Diodati, qui produisaient le fromage de chèvre Montefino à Les Cèdres (Montérégie) en 2006

Cependant, le Québec demeure plutôt timide dans ses expérimentations fromagères. La fin des années 1970 marque un tournant, notamment parce que les Québécois manifestent le désir de renouer avec leurs traditions. Fritz Kaiser, artisan-fromager d’origine suisse, contribuera à la (re)découverte du patrimoine culinaire d’ici. Les fromagers québécois utilisaient alors presque exclusivement du lait de vache et produisaient essentiellement du cheddar ; or, sous l’impulsion de Kaiser et de quelques autres, ils se lancent dans la fabrication de fromages fins de type européen (NOTE 12). Les consommateurs sont au rendez-vous, aussi la demande toujours croissante permet-elle l’éclosion de dizaines de fromageries artisanales et de microfromageries utilisant le lait de vache, de chèvre et de brebis, développant des fromages dits «de spécialité». De nos jours, on compte environ une centaine de fromageries (toutes catégories confondues) sur le territoire québécois, plusieurs ouvrant même leurs portes aux visiteurs gourmands (NOTE 13).

 

«Mon Royaume pour un fromage…»

Certification «Relais du terroir certifié», apposé à la fromagerie Au Gré des Champs, 2006

Les fromages européens peuvent assurer leur typicité en étant reconnu comme Appellation d’Origine Protégée (AOP), une certification qui sert à préserver un patrimoine culturel et gastronomique (NOTE 14). L’AOP garantit qu’un produit, par exemple le roquefort français, la feta grecque ou le parmigiano-reggiano italien, ne pourra être produit et commercialisé sous ce nom ailleurs que dans son terroir d’origine. Les producteurs fromagers du Québec tentent actuellement de se doter d’un système semblable. En 2002, une trentaine d’entreprises fromagères se sont regroupées et ont fondé la Société des fromages du Québec, dont le mandat principal est d'établir et de bonifier la renommée des fromages québécois, qu'ils soient fermiers, artisanaux ou de grande consommation, auprès des professionnels et surtout du grand public (NOTE 15).

Leurs efforts ont porté fruit : le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) a été mis sur pied par volonté gouvernementale en 2006, en vue de l’application de la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants. Cette loi vise à protéger l’authenticité de produits et des désignations qui les mettent en valeur au moyen d’une certification. Quatre appellations réservées sont prévues : l’Appellation biologique, l’Appellation d'origine, l’Appellation de spécificité et l’Indication géographique protégée. Ces appellations peuvent s’appliquer aux fromages et à d’autres types de produits agroalimentaires (NOTE 16).

Le Notre-Dame-des-Neiges, produit par la Fromagerie des Basques à Trois-Pistoles

Afin de protéger de manière encore plus spécifique certains créneaux de production fromagère, les producteurs de fromage de lait cru artisanaux se sont unis sous la bannière Fromages de pays en 2007, tandis que le Conseil des industriels laitiers du Québec participait à un groupe de travail visant à définir les normes et critères d’une éventuelle dénomination réservée « fromage fermier ». Ces appellations contribuent à mettre en valeur les divers terroirs du Québec, ce qui entraîne des retombées très positives en terme d’identité régionale, ainsi que dans le secteur du tourisme, notamment patrimonial.

Le fromage constitue en effet une savoureuse passerelle vers le patrimoine. Pour cet aliment chargé d’histoire, l’ancienneté et la filiation apparaissent comme des éléments sécurisants, renforcés par une mise en marché soignée où le rappel du temps qui passe est évident : produits baptisés au nom d’un personnage ou lieu historique, graphisme à l’ancienne, référence claire aux dates de fondation (NOTE 17). Dans la même optique, on n'hésite pas à faire appel à des éléments constitutifs de l'identité d'ici, par exemple l'Église ou l'hiver... Ainsi, tout concourt à créer, chez le consommateur, un sentiment de connu, de confiance, de confort. Non seulement le fromage devient-il indissociable de l’histoire et du territoire où il est produit, mais il s’en fait l’ambassadeur !

 

Le fromage à l’ère du Web 2.0

Au Musée du fromage cheddar à Saint-Prime, au Lac-Saint-Jean, on mise sur les nouvelles technologies pour intéresser la jeune génération à la production fromagère

Si le fromage est un produit ancien, l’industrie agroalimentaire épouse résolument le virage technologique du début du XXIe siècle : de nombreux fromagers du Québec se sont dotés de sites Internet attrayants fournissant des informations sur leurs fromages (leurs caractéristiques, leurs procédés de fabrication, etc.), ainsi que des applications interactives suggérant des recettes ou des accords vin-fromage et bière-fromage…

Les développements technologiques contemporains permettent de briser certaines frontières. Par exemple, en France, l’entreprise Fromages.com a développé le secteur de la vente de fromage en ligne grâce à un partenariat avec le transporteur FedEx, qui achemine les produits sur les marchés étrangers dans un délai maximal de 36 heures. Toujours en France, le site Univers Fromages a développé une application «L’encyclopédie du fromage» pour iPhone ou iPod Touch! Toutes ces initiatives sauront peut-être inspirer les producteurs d’ici dans les années à venir pour développer davantage les marchés québécois, canadien et américain.

 

Perspectives d’avenir pour les fromages du Québec

La visite à la fromagerie fait maintenant partie du tourisme gourmand familier des Québécois: on trouve ce type de signalisation à maints endroits au Québec

Si, pendant longtemps, une large part de la production de fromage quittait nos frontières pour régaler le Royaume-Uni, les Québécois mettent aujourd’hui ce produit à l’honneur sur leurs tables. Ainsi, en 2002, 80% de tous les fromages produits au Québec étaient vendus et consommés ici, ce qui représente environ 12 kg par personne par an! Malgré leur coût souvent plus élevé que celui des fromages fins importés de France, les Québécois sont de plus en plus enclins à débourser davantage pour se procurer des fromages produits localement, dont la saveur et la variété rivalisent avec les meilleurs fromages du monde. Cet intérêt ne s’est pas démenti au fil des ans, si bien que malgré la tristement célèbre « crise de la listériose » de l’automne 2008, les consommateurs sont demeurés fidèles à leurs fromages d’ici (NOTE 18).

Quelques produits de la fromagerie L'Autre Versant, d'Hébertville

Interrogez un passant québécois sur ses préférences en matière de fromages, et vous entendrez ces noms évocateurs, sinon poétiques : Cantonnier de Warwick, Mi-Carême, Riopelle, Sir Laurier d’Arthabaska, Migneron, Ciel de Charlevoix, Le Grand 2, Pied-De-Vent… Bref, emprunter la « Route gourmande des fromages fins du Québec » (NOTE 19) est une belle occasion d’explorer ou de redécouvrir les régions du Québec et leurs riches terroirs alimentaires.

 

Catherine Ferland, Ph.D.

Professeure associée, Université de Sherbrooke
Adjointe à la coordination, Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française

 

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  • Fromage (Film muet) La fabrication de fromages est illustrée depuis la production de la matière première dans une ferme laitière, jusqu’à la confection et le vieillissement des meules, en passant par le transport du lait et la pasteurisation. On assiste notamment aux étapes de fabrication du fromage l’Ermite des Bénédictins de Saint-Benoît-du-Lac, du cheddar de la fromagerie Perron, au lac Saint-Jean, et du célèbre fromage artisanal de l’île d’Orléans, dans la maison de Gérard Aubin, dernier maître-fromager d’une longue lignée.
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Ailleurs sur le web

Notes

1. Laurier Turgeon, « Les produits du terroir, version Québec », Ethnologie française, vol. 40, no. 3 (2010), p. 480 et suivantes.

2. MAPAQ, Étude sur le potentiel d’expansion des marchés des fromages fins québécois, 2008, p. 19. En 2002, à l’occasion de cette illustre compétition internationale, trois produits québécois ont été primés, soit deux cheddars vieillis (d’Agropur et de la Fromagerie Perron) ainsi qu’un fromage de chèvre (de la Fromagerie Tournevent) qui se sont classés dans les trois premières places dans leurs catégories respectives. Source : http://www.carrefouralimentaire.com/francais/InfoCentre/CR_2003_06.asp

3. «Marie-Claude Harvey intronisée dans la Guilde des fromagers», L'Hebdo Mékinac Des Chenaux, 20 Juin 2010, [en ligne] http://www.lhebdomekinacdeschenaux.com/Societe/Alimentation.

4. Le bâtiment a été construit en plusieurs étapes successives entre 1895 et 1955. Il compte deux étages et est coiffé d'une toiture à deux versants. Il comprend un appentis contre le mur droit ainsi qu'une annexe disposée en retour d'équerre à l'arrière. Le bâtiment renferme l'outillage ancien, qui servait à la fabrication artisanale du cheddar. La valeur patrimoniale de l'ancienne fromagerie Perron repose d’une part sur sa représentativité. Construite en 1895, elle est un exemple des nombreuses fromageries artisanales implantées en milieu rural vers la fin du XIXe siècle.
 Sa valeur patrimoniale repose d’autre part de sa rareté. Fondée à une époque où le Québec comptait plus de 1 200 fromageries, elle est l'une des dernières encore existantes, ayant poursuivi sa production dans le bâtiment initial de 1895 à 1968, avant de perpétuer ses activités dans une nouvelle usine érigée sur le terrain adjacent. Elle témoigne donc de manière exceptionnelle de l'évolution économique et technique de cette activité de production agroalimentaire, dont la transmission du savoir-faire artisanal s’est perpétuée de père en fils depuis quatre générations. De nos jours, la fromagerie Perron mise aussi sur son potentiel didactique. Son formidable état de conservation et la présence de l'outillage original a permis, après quelques travaux de réfection, de doter le bâtiment d’une nouvelle vocation agrotouristique. Pour plus de détails sur la patrimonialisation de cette fromagerie, voir http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/RPCQ/detailBien.do?methode=consulter&bienId=92680.

5. Pehr Kalm, Voyage dans l’Amérique du Nord, publié dans les Mémoires de la Société historique de Montréal, vol. II, 1880, p. 171.

6. Source : http://www.mypokerfinder.com/fromagerie/histoire_fromage_fromagerie/histoire-du-fromage/

7. Lise Fournier, La fromagerie Perron de Saint-Prime, Québec, Ministère de la Culture et des Communications, Collection Patrimoines no 5, 1995, 48 p.

8. Isidore Lebrun, Tableau statistique et politique des deux Canadas, Paris, Treutte et Würtz, 1833, p. 306-308.

9. La province de Québec et l’émigration européenne, publié par ordre du Gouvernement de la province de Québec, Québec, Imprimerie de l’Événement, 1870 ; Frédéric Gerbié, Le Canada et l’émigration française, 2e édition, Québec, Darveau, 1884.

10. L’Hon. Honoré Mercier, Premier ministre, Esquisse générale de la province de Québec, Québec, 1889, p. 33 ; Arthur Buies, Le Saguenay et le bassin du Lac-Saint-Jean. Ouvrage descriptif et historique, 3e édition, Québec, Léger Brousseau, 1896, p. 168 ; La province de Québec, ouvrage publié par le Département de l’Agriculture de la province de Québec, 1900, p. 163.

11. En 1893, le moine Marie-Alphonse Juin élabore un fromage inspiré du Port-Salut français. Baptisé pour honorer l’abbaye cistercienne d’Oka, où il sera produit pendant plus de soixante-quinze ans, ce fromage remporte le premier prix à l’Exposition agricole de Montréal en 1893 puis, l’année suivante, celui de l’Exposition de Québec. Le succès du Oka réside dans son affinage, réalisé sur des planches de cyprès de la Caroline du Sud. Il semble que ce bois ait la propriété d’absorber le surplus d’humidité du fromage… pour la lui retransmettre au besoin, ce qui lui confère une texture et une saveur caractéristiques. Cette communauté ouvre la voie à plusieurs autres, dont les bénédictins de Saint-Benoît-du-Lac et les moniales de Mont-Laurier qui, au siècle suivant, démarreront leur propre production fromagère. Au milieu des années 1970, les moines d’Oka vendent leur fromagerie à la compagnie Maeghers, qui perpétue la production du célèbre fromage encore de nos jours. De produit artisanal, le Oka est devenu un produit industriel… ce qui, aux dires de certains, a changé à jamais sa saveur caractéristique. Voir notamment Solidarité rurale du Québec, «Les appellations : un enjeu de développement durable pour les territoires». Mémoire présenté à la Commission de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi 113 modifiant la Loi sur les appellations réservées, août 2005, p. 6 [en ligne], http://www.solidarite-rurale.qc.ca/documents/118/appellations.pdf.

12. http://grandquebec.com/cuisine-quebecoise/fromage-quebec

13. source : http://centredesmedias.canada.travel/content/travel_story_ideas/quebec_cheese

14. http://www.fromages-aop.com/. Page consultée le 20 juillet 2010.

15. Au Québec, la catégorie « fromages fins » réfère généralement aux fromages à valeur ajoutée, de qualité exceptionnelle et produits en quantité limitée. Les termes « artisanaux » et « fermiers » sont encore plus spécifiques : les fromages artisanaux sont produits de façon manuelle au moyen de pratiques traditionnelles, alors que les fromages fermiers sont produits à la ferme, uniquement à partir du lait d’animaux qui y sont élevés. MAPAQ, Étude sur le potentiel d’expansion des marchés des fromages fins québécois, 2008, p. 12-13.

16.  Par exemple, le premier produit québécois a avoir obtenu une certification est l’Agneau de Charlevoix, qui a été reconnu IGP en 2009. Pour plus d’information sur les appellations consulter le http://www.cartvquebec.com/.

17. Laurier Turgeon, « Les produits du terroir, version Québec », Ethnologie française, vol. 40, no. 3 (2010), p. 481.

18. Cette vague de contamination à la Listeria a porté un dur coup à de nombreuses fromageries artisanales, à l’instar de la « crise de la vache folle » qui avait durement atteint le marché des fromages en France en 1996 puis en 2000.

19. Les fromagers artisans du Québec participent depuis quelques années à diverses initiatives promotionnelles, dont le Festival des fromages de Warwick, lancé en 1995, et la Route gourmande des fromages fins du Québec, conçue en 1998. Créée conjointement avec le Conseil de l’industrie laitière du Québec (CILQ) et l’Association laitière de la chèvre du Québec (ALCQ), la Route gourmande incite les amateurs à sillonner la province à la découverte des fromages du terroir.

 

Bibliographie

Carole Batailler, Le marketing-mix des fromages du Québec vu par les consommateurs, Québec, Groupe AGÉCO, 2003, 13 p.‬

Richard Bizier et Roch Nadeau, Répertoire des fromages du Québec, édition revue et augmentée, Montréal, Trécarré, 2008,
352 pages.

Jean-Claude Dupont, Le fromage de l’isle d’Orléans, Leméac, collection «Traditions du geste et de la parole», 1977, 171 pages.

André Fouillet, À la découverte des fromageries du Québec,‬ Montréal, Ed. de l’Homme, 1998, 187 p.

André-Paul Moreau, Le chèvre des gourmets gourmands, en collaboration avec l’Association laitière de la chèvre du Québec et le Syndicat des producteurs de chèvres du Québec, Montréal, Association laitière de la chèvre du Québec, 2001, 104 p.

Jules Roiseux, Le guide complet des fromages du Québec : région par région, Montréal, Publistar, 2002, 334 p.

Mario Roy, Étude de l’attitude de fromageries québécoises à l’égard du lait de brebis, Québec, MAPAQ, Direction régionale du Centre-du-Québec, 2000, 8 p.

Laurier Turgeon, « Les produits du terroir, version Québec », Ethnologie française, vol. 40, no. 3 (2010), p. 477-486.

 

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