Québec, d'hier à aujourd'hui

Collections de l’Université Laval

par Deschênes-Wagner, Gisèle

Tourte naturalisée

Plus d’un million d’objets et de spécimens d’intérêt scientifique, artistique ou patrimonial sont rassemblés dans les collections d’enseignement et de recherche de l’Université Laval, héritage légué par ses chercheurs, ses professeurs et ses étudiants.  La plupart de ces collections sont actuellement conservées dans la réserve du pavillon Louis-Jacques-Casault. Ces spécimens et artefacts sont autant de témoins du développement de la science et de l’enseignement supérieur en Amérique française, des domaines pour lesquels l’Université Laval et le Séminaire de Québec ont joué un incontestable rôle de pionniers.

 

 

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Origines

Université Laval, Vue éloignée prise dans la cour intérieure. [vers 1900]

On retrouve une multitude de trésors dans les réserves des Collections de l'Université Laval, au pavillon Louis-Jacques Casault. Celles-ci comprennent des collections d’invertébrés et de vertébrés, d’archéologie, d’anthropologie, des beaux-arts, d’ethnologie, ainsi que des miscellanées (qui réunissent entre autres des moulages, des maquettes et des instruments scientifiques). Deux autres collections d’envergure, l’herbier et la collection de géologie-minéralogie, sont quant à elles logées ailleurs sur le campus.  À cet ensemble s’ajoutent d’autres petites collections localisées sur le site de l’université, notamment dans des bureaux de chercheurs, dans des laboratoires ou dans des vitrines à l’intention des étudiants.

L’état actuel de ce patrimoine universitaire est le résultat d’un patient processus d’édification et le fruit du labeur soutenu de plusieurs générations d’universitaires qui n’ont cessé de les enrichir, conscients de leur grande utilité pour l’enseignement et la recherche comme de leur valeur sur le plan de la diffusion et du rayonnement des connaissances.  L’origine de ces collections remonte à la fondation de l’Université Laval, à une époque où l’université elle-même, et le Séminaire de Québec dont elle est issue, logeaient dans le Vieux-Québec.

À cette époque, les objets et spécimens collectionnés au fil des ans en sont venus à constituer huit « musées » - des collections, en fait - consacrés à différents domaines du savoir : un cabinet de physique, un musée de minéralogie-géologie, un musée de zoologie, un musée de botanique, un musée de numismatique, un musée religieux, un musée ethnologique et un musée de médecine.  Au début des années 1960, lorsqu’elle quitte le Vieux-Québec pour occuper le campus nouvellement construit à l’ouest de la ville, l’Université Laval conserve le «musée» de minéralogie-géologie et celui de médecine. Les autres demeurent au Séminaire.

 

Minéralogie-géologie

Défense de mammouth fossilisée

Les fondements de la collection de géologie-minéralogie remontent à 1816, bien avant la fondation de l’Université Laval, lorsque l’abbé Philippe-Jean-Louis Desjardins, grand vicaire de Paris, écrit à Mgr Antoine-Bernardin Robert, procureur du Séminaire, pour lui annoncer l’envoi d’une « boîte d’échantillons de minéralogie arrangée sous les yeux du célèbre abbé Haüy qui a voulu y ajouter sa petite offrande. » L'abbé Desjardins « prie la Société des Naturalistes du Séminaire de Québec d’accorder à ce petit présent une place dans ses armoires ».  Cet ensemble, qui comprend 431 échantillons de petite taille, est le point de départ d’une collection qui retient aujourd’hui notre attention avec ses 40 000 échantillons recueillis partout dans le monde. C’est l’une des plus riches du Québec.

Sur le nouveau campus, l’université prend de l’expansion.  Plusieurs édifices sont construits pour loger des facultés et des départements et pour desservir une clientèle étudiante de plus en plus nombreuse.  De nouveaux professeurs sont embauchés pour développer des domaines scientifiques et de recherche qui donneront à leur tour naissance à de nouvelles collections destinées à soutenir l’enseignement et la recherche. C’est dans cette ambiance effervescente que plusieurs des collections les plus remarquables de l’Université Laval ont pris forme et se sont développées.

Herbier Louis-Marie

Dans les années 1960, la fusion de l’Institut agricole d’Oka et de l’École d’agriculture de La Pocatière donne naissance à la Faculté d’agriculture de l’Université Laval. Cette fusion constitue un événement important à l’origine de deux collections réputées. Grâce à celle-ci, l’Université Laval devient l’heureuse propriétaire de la collection de plantes de l’Institut agricole d’Oka, établie par le père Louis-Marie Lalonde, l’un des pionniers de la botanique au Québec. L’herbier, qui porte aujourd’hui son nom, comprend à l’époque quelque 75 000 spécimens. Il s'enrichit dans les années qui suivent, par la fusion avec l’herbier du Département de biologie et avec la majeure partie de celui de la Faculté de foresterie et de géodésie.  Avec ses 800 000 spécimens, l’Herbier Louis-Marie se classe aujourd’hui au second rang parmi tous les herbiers du Québec, derrière l’herbier Marie-Victorin de l’Université de Montréal. C’est la flore indigène du Québec qui constitue la plus grande part des spécimens.  Mais la richesse de l’herbier réside particulièrement dans le fait qu’il renferme l’une des plus abondantes collections canadiennes de végétaux des régions arctiques, ainsi qu’une grande quantité de spécimens reliés à la culture des végétaux, telles les plantes nuisibles aux cultures. Deux séries de publications, les Ludoviciana et la Provancheria, ont été créées pour servir de véhicule de diffusion internationale des travaux des chercheurs effectués à la fois sur le terrain et au laboratoire.

Entomologie et invertébrés

À la même époque, la collection de spécimens d’insectes de l’Institut agricole d’Oka entre également au Département de biologie de l’université, donnant naissance à ce qui deviendra la collection des invertébrés et des vertébrés. À partir des années 1970, cette collection, ainsi que l’herbier, sont significativement augmentés : les collections des « musées » de botanique et d’entomologie de l’ancienne Faculté des arts, demeurées au Séminaire, viennent les enrichir.

La collection entomologique a été constituée à partir de 1940 par le frère Ouellet, de l’Institut des sourds et muets de Montréal, et le père Léopold, directeur de l’Institut agricole d’Oka. En développement continuel, cette collection regroupe plus de 275 000 spécimens d’insectes répartis, à ce jour, en 6568 espèces.  Outre cet ensemble, les Collections de l'Université Laval conservent aussi cinq autres collections d'insectes. Celles-ci sont séparées de la grande collection, afin de préserver leur cachet historique.  Il s’agit des trois collections d’insectes de l’abbé Léon Provancher, renfermant environ 1100 spécimens types; de la collection de Victor-Alphonse Huard (disciple de Provancher); de celle de l’ancienne Faculté des arts remontant à la création de l’Université Laval et contenant environ 3000 spécimens (dont plusieurs de William Couper) et, finalement, de celle des microlépidoptères de F.X. Bélanger, ami de Provancher et premier conservateur du « musée » de zoologie de l’Université Laval.

Tiroir de la collection Provancher de mollusques

En plus des insectes, la collection des invertébrés et des vertébrés contient notamment 6513 spécimens représentant 740 espèces d’oiseaux. Parmi ceux-ci, on retrouve même des spécimens d’organismes aujourd’hui disparus ou en voie de l’être (tourte voyageuse, courlis esquimau, pie-grièche migratrice, pluvier siffleur, etc.).  L’une des plus belles et des plus complètes qui existent au Québec, cette collection est aussi un témoin remarquable d’une certaine période, puisque la majorité des spécimens qui la composent ont été recueillis avant l’arrivée des pesticides organochlorés.

Ensemble, la collection des invertébrés et des vertébrés et l’herbier Louis-Marie, deux grandes collections de sciences naturelles, occupent aujourd’hui une place essentielle dans l’étude de la biodiversité du territoire québécois.

Archéologie

La période des années 1960 a été faste en développement des collections, notamment dans le domaine de l’archéologie. Dès 1961, les premières fouilles menées en Méditerranée par des archéologues de l’Université Laval permettent de découvrir de nombreux objets remontant à des époques reculées dans l’histoire de l’humanité.  Les pièces rapportées constituent alors des trésors hors du commun qui se comparent facilement à ceux des plus grands musées du monde. L’université possède dans ses collections une série de 600 objets, surtout des vases, provenant de l’île de Chypre.  Ces objets ont été acquis, dans les années 1960, du Département des antiquités de Chypre qui a aussi autorisé l’université à rapporter à Québec des vases trouvés par l’équipe de fouilleurs dans la nécropole de Soli.  Au début des années 2000, les autorités gouvernementales syriennes ont aussi fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et d’une générosité scientifique exemplaire en permettant à un chercheur de l’Université Laval de transporter dans son laboratoire de Québec plusieurs centaines de tessons de céramique trouvés sur ses chantiers de fouilles à Tell’Atij.  Ces autorisations exceptionnelles ont permis aux étudiants de se familiariser avec une céramique âgée de 2000 à 5000 ans.  En parallèle, dans les années 1960, des fouilles menées dans l’Ungava et sur la rive nord du Saint-Laurent sont l’occasion de recueillir plus de 1500 artefacts d’intérêt pour la recherche, appartenant principalement aux culture Norse, Dorset, Thulé, Inuit et européenne.

Anthropologie et ethnologie

Moule à beurre

C’est essentiellement aux professeurs et aux chercheurs de l’Université Laval que l’on doit la constitution des collections d’anthropologie et d’ethnologie.  À l’origine de la première on trouve les travaux menés en Afrique, en Amérique du Sud ou ailleurs dans le monde, qui sont l’occasion pour les professeurs du Département d’anthropologie de rapporter du matériel qu’ils utilisent dans leurs cours. Qu’il s’agisse d’une parure de plumes, de récipients de terre cuite ou de vannerie, de vêtements, d’armes, de matériel de chasse ou de pêche, d’ustensiles ou d’outils, d’instruments de musique, tous les objets formant la collection d’anthropologie sont l’expression matérielle de civilisations étudiées au Département d’anthropologie.

De son côté, la collection d’ethnologie est le produit direct de l’émergence de l’ethnologie québécoise, discipline originale qui a contribué à la renommée de l’Université Laval, particulièrement avec les recherches en traditions orales.  Une multitude d’objets se référant à la culture québécoise touchent principalement trois domaines d’acquisitions : l’art populaire (incluant l’imagerie religieuse), les textiles et les outils traditionnels.

Beaux arts

Traîneau avec chiens et personnages

L’état actuel de la collection des beaux-arts découle, lui aussi, d’un mélange d’occasions et d’actions volontaires qui ont contribué à lui donner, aujourd’hui, un caractère propre.  Dans les années 1970, l’Université Laval jette les bases d’une collection d’œuvres d’art en adoptant pour la première fois un budget annuel pour l’achat d’œuvres destinées essentiellement à la décoration des bureaux des administrateurs.  Rassemblées sans critères clairs, les œuvres acquises, souvent au hasard des expositions, ont quand même permis à l’institution d’acquérir des oeuvres de plusieurs artistes remarquables, tels Léo-Paul Tremblay, Claude Carrette, Benoît Côté, Albert Rousseau, Alfred Pellan, etc.  En 1980, l’artiste René Richard donne 46 de ses œuvres à l’Université. À cette occasion, une exposition est organisée au pavillon Jean-Charles-Bonenfant, site de la Bibliothèque des sciences humaines. René Richard assiste au vernissage et en profite pour commenter lui-même certaines de ses œuvres.  Le recteur Jean-Guy Paquet remercie alors l’artiste en ces termes : « Cet artiste de grande classe nous témoigne à la fois son estime et sa confiance et nous sommes honorés qu’il nous juge dignes d’un si précieux dépôt.  En faisant un tel geste, il me semble qu’il a une arrière-pensée et qu’il nous incite aimablement à protéger et à défendre les valeurs auxquelles il a cru, auxquelles il a consacré son œuvre et sa vie »(NOTE 1). 

La collection des beaux-arts est actuellement composée de plus de 2500 œuvres réalisées en grande majorité par des professeurs de l’École des arts visuels de l’Université Laval, comme Denis Asselin, Marcel Gagnon, Pierre Hamelin, Marcel Jean, Claude Jirar, Michel Labbé, Paul Lacroix, Richard Mill, Omer Parent, Lauréat Marois, etc. Cet ensemble comporte aussi des œuvres d’art public, des gravures des XVIIIe et XIXe siècles montrant des vues de Québec à cette époque.  Il faut aussi signaler la présence de quelques œuvres d’art ancien, tels des vitraux médiévaux.

En 1989, la création d’un comité et la mise en place d’une politique régissant l’acquisition et la conservation des œuvres d’art modifient l’approche de l’institution envers cette collection, en la subordonnant à des objectifs pédagogiques, esthétiques et de prestige.  Cette politique assure la formation d’une collection cohérente illustrant les tendances artistiques et esthétiques des artistes de la région et reflétant les courants de l’art québécois.

Miscellanées

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La constitution de la collection des miscellanées est, on s’en doute, tout sauf préméditée et dépend en grande partie des aléas du temps.  L’une des parties importantes de cette collection est constituée par une série de moulages en plâtre devenus propriété de l’Université Laval au moment de la création de l’École des arts visuels en 1970. Cette dernière remplace l’École  des Beaux-Arts de Québec qui, en cessant ses activités, lui cède tout son matériel pédagogique. La collection des moulages en plâtre comporte plus de 650 répliques d’œuvres exposées dans des grands musées du monde. L’essentiel de ceux-ci provient des ateliers du Louvre et témoigne, par ses origines, des liens qui unissaient les programmes de formation artistique du Québec avec les institutions phares de la Mère patrie. On retrouve dans cette collection des bustes, des rondes-bosses et des reliefs appartenant à différentes périodes de l’histoire, depuis l’Antiquité égyptienne.

Une autre partie de la collection des miscellanées porte sur les instruments scientifiques. Dans la mesure où ces instruments sont intimement liés à l’évolution des connaissances, ils témoignent des différentes périodes d’enseignement et de recherche à l’Université Laval et des contextes scientifiques nationaux et internationaux auxquels ils ont participé.

Un immense trésor

Les Collections de l’Université Laval constituent un réservoir immense de trésors de la culture matérielle et de spécimens naturels qui demeureront toujours des ressources scientifiques pour des études futures ou tout simplement pour le rayonnement des connaissances. Ses spécimens biologiques témoignent autant du contexte naturel dans lequel s’est développé la culture québécoise que des premiers chercheurs qui ont étudié cette nature. Ses œuvres proviennent quant à elles d’artistes incontournables d’ici. L'ensemble, enfin, est tramé des liens entretenus entre l’élite intellectuelle de l’Amérique française avec son pendant français.

 

Gisèle Deschênes-Wagner

Chargée de conservation et de restauration, Collections de l'Université Laval

NOTES

1. Au fil des événements, vol. 16, no 8, 23 octobre 1980.

Documents complémentairesCertains documents complémentaires nécessitent un plugiciel pour être consultés

Médias 360
  • Réserve des Collections de l'Université Laval
  • Boite à insectes
  • Baleine
  • Buste de Wilfrid Laurier
  • Moule à beurre
  • Pointe de flèche
  • Calculatrice
  • Microscope de terrain
  • Balance
  • Modèle anatomique de coeur
  • Modèle de main
  • Canard
  • Loupe d'entomologue
  • Fanal
  • Microscope
  • Fossile de trilobite
  • Fossile de trilobite
  • Défense de mammouth fossilisée
  • Vase
  • Sculpture inuit
  • Gigueur
  • Palatouche
  • Tourte
Photos

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