Le frère André, fondateur de l’Oratoire Saint-Joseph

par Bélanger, Diane

Statue du frère André, Montréal

Homme du peuple, orphelin, modeste ouvrier, humble frère de Sainte-Croix, rien ne destinait le frère André à l'accomplissement d'une œuvre grandiose. Pourtant, depuis plus d'un siècle, son nom est associé à l'un des plus grands sanctuaires chrétiens au monde, l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal à Montréal. De grands rassemblements de pèlerins se tiennent dans la basilique qu'il a fait construire et des messes y sont célébrées quotidiennement. Cependant, selon le souhait du frère André, c'est l'accueil et l'attention envers les souffrances et les préoccupations des visiteurs qui sont privilégiés. La compassion du frère André envers ses contemporains et l'ampleur de ses accomplissements ont une place de choix dans le patrimoine culturel du Québec.


Article available in English : Brother André, Founder of Saint Joseph’s Oratory

L'héritage spirituel et culturel du frère André

Le frère André, c.s.c., fondateur du sanctuaire (1845-1937)

Le frère André a légué à sa patrie un héritage spirituel et culturel de grande valeur : l'Oratoire qu'il a dédié à Saint-Joseph, à cet homme de devoir discret, à ce bon père de famille que le frère André vénérait comme beaucoup de ses compatriotes. L'immense basilique est en fait un monument à la piété filiale des Canadiens français, que le frère André a si bien su exprimer. Pendant 50 ans, ce consolateur des affligés a reçu, écouté, consolé et parfois guéri des foules de visiteurs au nom de Saint-Joseph. D'un ton parfois bourru, parfois taquin, il conseillait ses visiteurs et leur recommandait la réflexion, la prière, la confiance en la bonté de Dieu, mais aussi, l'acceptation de la souffrance et de l'imperfection humaines. À sa mort en 1937, un million de personnes - c'est-à-dire, à l'époque, un Québécois sur trois - ont rendu un dernier hommage fervent au vieil homme de 91 ans, qu'on nommait affectueusement le bon frère André. Les impressionnantes cérémonies liturgiques, le patrimoine architectural, les œuvres d'art, les jardins dans la montagne, sont autant de témoignage de cette ferveur populaire. Aujourd'hui, l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal est un des plus importants sites touristiques de la ville de Montréal. On vient s'y recueillir, implorer une faveur ou une guérison, écouter des concerts ou admirer les exceptionnelles richesses patrimoniales et culturelles concentrées à cet endroit, parmi lesquelles on retrouve l'allée d'honneur à l'entrée du site, la basilique, le chemin de croix, la chapelle primitive de 1904, la crypte, la chapelle votive ainsi que de nombreuses œuvres d'art.

 

Un humble portier

Le frère André, de son vrai nom Alfred Bessette, est né à Iberville au sud de Montréal le 9 août 1845, dans une famille pauvre. De santé fragile, le jeune Alfred perd son père menuisier à l'âge de neuf ans des suites d'un accident en forêt. Sa mère, épuisée et souffrant de tuberculose, décède trois ans plus tard. Placé en adoption, le jeune Alfred doit gagner sa vie malgré son manque d'instruction et sa faible constitution. Il exerce de nombreux métiers et s'exile même aux États-Unis pour trouver du travail. De retour chez lui, il est encouragé à entrer dans la Congrégation de Sainte-Croix par le curé de sa paroisse, l'abbé André Provençal, qui écrit au supérieur : « Je vous envoie un saint ». Très pieux, il prend le nom de frère André, en souvenir de l'aide de son protecteur.

Chambre du frère André

Humble et peu instruit, le petit homme est désigné comme portier du Collège Notre-Dame de la Côte-des-Neiges. Il dira avec son humour proverbial : « À mon entrée en communauté, mes supérieurs m'ont mis à la porte, et j'y suis demeuré quarante ans.....». Il vit alors dans une petite cellule, passe souvent la nuit en prière et s'occupe à toutes sortes de tâches ménagères. Comme il accueille les visiteurs, il recueille parfois leurs confidences. Il les écoute attentivement et leur donne de petits conseils. Le frère André remplit également la fonction d'aide-infirmier, ce qui l'amène à prodiguer des soins aux malades. Il leur recommande des prières à Saint-Joseph et se rend lui-même prier dans la montagne où il a placé une petite statue de Saint-Joseph dans un arbre. Il va s'y recueillir en grimpant un sentier rocailleux, parfois avec des élèves et des confrères.

Peu à peu, il acquiert une réputation de guérisseur. Les gens affluent à la porte du Collège et ses supérieurs commencent à se poser des questions. Le petit frère André, lui-même malade - son estomac fragile n'accepte que de la soupe ou de la bouillie - a-t-il le don de guérir, ou est-il simplement un original un peu fêlé qui répète à qui veut l'entendre  : « Je n'y suis pour rien, c'est Saint-Joseph qui se sert de moi pour guérir ». Quoiqu'il en soit, le frère André ne laisse personne indifférent. Certains le traitent de « charlatan », de « vieux frotteux » car le frère André applique parfois sur le corps des malades une huile qui a brûlé devant la statue de Saint-Joseph. D'autres suivent ses conseils et s'étonnent des résultats. Un certain tumulte s'installe à la porte du Collège et lorsque le téléphone est branché en 1890, il ne cesse de sonner, on veut souvent parler au « bon frère André ».

 

Une petite chapelle dans la montagne

Oratoire St-Joseph - le Kiosque

L'accueil de la foule demande alors un endroit plus adapté qu'un simple portique. En 1896, on installe une petite gare devant le collège sur le chemin de ceinture autour du mont Royal où circulent les nouveaux tramways électriques. Devant l'affluence des visiteurs, la communauté « autorise » le frère André à recevoir les malades dans ce kiosque.

Depuis longtemps, cependant, le frère André souhaite l'érection d'une petite chapelle dédiée à Saint-Joseph dans la montagne qu'il voit comme un lieusacré, propice au recueillement. Comme la Congrégation n'a pas l'argent pour acquérir le terrain, le frère André place une petite écuelle pour recueillirles dons des visiteurs. Bientôt, le terrain est acquis au montant de 10 000 $. C'est en 1904 que le frère André réalise son souhait de construire une minuscule chapelle au sommet de sa chère montagne avec l'aide d'un confrère, le frère Abundius, maître-menuisier. Le frère André est alors âgé de près de 60 ans. Malgré sa propre faiblesse, il continue de recevoir les malades pendant les vacances d'été des élèves puisqu'il est dispensé de son emploi de portier. La foule afflue tant et si bien que des bienfaiteurs offrent les sommes nécessaires à l'agrandissement de la chapelle qui est chauffée à partir de 1908. Puis on agrandit encore la chapelle et on aménage une chambrette pour le frère André qui est bientôt nommé gardien de l'Oratoire Saint-Joseph.

Le 1er mars 1908, le supérieur de la Congrégation de Sainte-Croix, le père Dion, évoque pour la première fois un cas de guérison. Les ecclésiastiques demeurent très prudents mais la population fait confiance au petit frère qu'on nomme désormais « le thaumaturge du Mont-Royal ». Des centaines de personnes défilent chaque jour à sa rencontre. Le frère André fait comme à son habitude, il écoute, il compatit aux inquiétudes de chacun, puis il recommande la prière et la confiance en Dieu et en Saint-Joseph. Ainsi se développe la foi des fidèles, une foi qui ne déplace pas la montagne, certes, mais qui va permettre la construction sur son flanc d'un des plus beaux sanctuaires d'Amérique. Le frère André décède le 6 janvier 1937 à l'âge de 91 ans et ne verra pas la fin de la construction de la basilique. Sa présence continue cependant à habiter les lieux et plusieurs de ses projets seront poursuivis après sa mort, contribuant à ancrer son œuvre dans le patrimoine québécois.

 

La chapelle votive et le tombeau du frère André

Vue du Tombeau du frère André dans l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal

La chapelle votive, construite entre 1946 et 1949 est l'œuvre de l'architecte Louis Parent. Elle contient les ex-voto, c'est-à-dire les béquilles, les cannes et autres prothèses laissées par les malades à la suite des faveurs et des guérisons qu'ils ont imputées au frère André et à son intercession auprès de Saint-Joseph. Tous ces ex-voto datent d'ailleurs de l'époque du frère André. Dix mille lampes et lampions, régulièrement allumés par les fidèles, éclairent le lieu et créent une ambiance propice à la prière.Les murs de cette chapelle sont ornés de bas-relief du sculpteur Joseph Guardo. Ils représentent certains traits de caractère attribués à Saint-Joseph, tels que, modèle des travailleurs, consolateur des affligés et soutien des familles.

Derrière le lampadaire central de la chapelle votive, se trouve la chapelle funéraire du frère André. Son corps repose dans un tombeau en marbre noir donné par le Premier ministre du Québec de l'époque, un ami du frère André, l'Honorable Maurice Duplessis. Sur la fresque de l'artiste Henri Charlier on peut lire l'inscription : « Pauvre, obéissant, humble serviteur de Dieu ». Sur le mur opposé au tombeau se trouve un buste du religieux, ainsi que les registres qui ont été signés par dix millions de personnes favorables à la canonisation du frère André.

 

Le chemin de croix dans la montagne

Le chemin de croix entouré de jardins est également issu du rêve du frère André, du temps qu'il s'occupait des plates-bandes du Collège Notre-Dame. Il souhaitait la réalisation d'un havre de paix dans la montagne, un lieu de méditation et de prière orienté vers le mystère de la passion du Christ. C'est ainsi qu'est née l'idée d'un chemin de croix sur le Mont-Royal. L'ensemble se compose de dix-sept sculptures réalisées par l'artiste montréalais Louis Parent entre 1943 et 1953. Les jardins ont été dessinés par l'architecte paysagiste Frederick G. Todd.

 

La canonisation du frère André

Médaille du frère André émise lors de sa béatification en 1982

Les contemporains du frère André l'ont reconnu comme un « saint homme » bien avant sa mort en 1937. Sa bonté, sa sagesse et sa compassion étaient légendaires. Cependant, les démarches officielles de canonisation par l'Église catholique romaine ont été beaucoup plus longues. En effet, en ce XXe siècle scientifique et rationnel, l'Église souhaite analyser et reconnaître seulement les miracles « scientifiquement inexplicables » avant de béatifier, puis de sanctifier une personne. Le frère André a été déclaré vénérable en 1978 par le pape Paul VI, puis béatifié par le pape Jean-Paul II en 1982. À la suite de la reconnaissance récente d'un cas de guérison « inexplicable », le pape Benoît XVI annonçait, le 19 février 2010, la canonisation du frère André : la cérémonie a eu lieu à Rome le 17 octobre 2010.

 

« Ayez confiance, ayez donc confiance »

Vue aérienne de l'Oratoire St. Joseph, Montréal, P.Q.

Pendant toutes les années où il a été gardien à l'Oratoire Saint-Joseph, le frère André a reçu les visiteurs et les personnes malades à son petit bureau qu'il nommait « son bourreau ». On peut voir cette petite pièce toute simple, reconstituée dans l'une des salles attenantes à la basilique. Il est aussi possible de visiter la chambre du frère André au dessus de la chapelle primitive dans la montagne.

L'histoire de l'Oratoire Saint-Joseph se confond avec celle d'un homme très modeste qui a souhaité soulager la souffrance humaine. L'humble frère André a su toucher ses compatriotes pas sa simplicité et sa compassion sincère. Lui-même ne se reconnaissait pas de dons de guérisseur. Il encourageait les gens à prier, à se faire soigner par les médecins et à avoir confiance en la bonté de Dieu. Il disait en homme de son temps : « Si l'âme est malade, il faut commencer par soigner l'âme. » La foi univoque du frère André semble aujourd'hui un peu étrange à nos contemporains. Cependant, la richesse patrimoniale, spirituelle et culturelle de son œuvre demeure bien vivace. Les croyants continuent de recourir à l'intercession du frère André et l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal s'avère toujours un haut lieu de la foi catholique non seulement au Québec, mais en Amérique du Nord toute entière, ainsi qu'un lieu sacré universel, un lieu de paix et d'espoir ouvert à tous. De plus, l'Oratoire et les divers aménagements qui l'entourent constituent un ensemble architectural et artistique d'une valeur exceptionnelle.

 

Diane Bélanger

 

Bibliographie

Catta, Étienne, Le frère André (1845-1937) et l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, Montréal et Paris, Fides, 1964, 1146 p.

Deroy-Pineau, Françoise, L'étrange destin d'Alfred Bessette dit frère André, Montréal, Fides, 2004, 155 p.

Dubuc, Jean-Guy, Le frère André, Montréal, Fides, 1996, 235 p.

Le guide de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, Montréal, Oratoire Saint-Joseph, 2004, 29 p.

Nadeau, Denise, Le frère André, Montréal, Lidec, 1993, 60 p.

Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, site de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal [en ligne], http://www.saint-joseph.org, consulté le 16 février 2010.

Robillard, Denise, Les merveilles de l'Oratoire : l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 1904-2004, Montréal, Fides, 2005, 486 p.

Tanguay, Caroline, sous la dir. de Jean-Claude Marsan, Analyse des valeurs patrimoniales du site et des bâtiments de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, Montréal, mai 2001, 100 p.

 

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Vidéo
  • Oratoire Saint-Joseph Ce film témoigne des différentes étapes de construction de l'Oratoire Saint-Joseph, du tout début, en 1924, jusqu’aux années 1960. À travers ces images, on assiste à des évènements qui ont marqué l'histoire de la basilique et qui ont attiré des foules très nombreuses, telles les funérailles du frère André, les célébrations de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la procession du cardinal Paul-Émile Léger, devant 30 000 élèves réunis devant la basilique en 1963. Des vues aériennes de l'Oratoire Saint-Joseph en 1990 illustrent l’ampleur et la beauté de ce bâtiment exceptionnel.
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