Parc national du Bic

par Dionne, Marlène

Paysage des îlots Lyman

Le parc national du Bic fut créé en octobre 1984 afin de préserver et de mettre en valeur un échantillon représentatif de la région naturelle du littoral sud de l’estuaire du Saint-Laurent. Bien que représentatif, le Bic est reconnu depuis longtemps pour ses paysages uniques des plus spectaculaires. Aujourd’hui, le parc abrite de nombreuses espèces fauniques dont le cerf de Virginie, le renard roux, le pékan ainsi que plusieurs espèces d’oiseaux. L’observation du phoque commun, l’animal emblème du parc, de l’eider à duvet et des oiseaux de proie retiennent particulièrement l’attention des visiteurs. Sur le plan floristique, plus de 744 plantes vasculaires y ont été inventoriés par les botanistes au cours du dernier siècle, ce qui exclut les mousses et les carex. Plus de 160 000 visiteurs visitent annuellement le parc pour s’imprégner de ces lieux enchanteurs et y pratiquer une multitude d’activités de plein air et de découvertes.


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Le parc national du Bic, un paysage dessiné par la mer

Le parc national du Bic est un territoire représentatif de la région naturelle du littoral sud de l’estuaire du St-Laurent, qui s’étend de Montmagny jusqu’à Ste-Anne-des-Monts. Cette région se caractérise par la présence de barres rocheuses alignées parallèlement au Saint-Laurent, d’anciennes terrasses marines et de marais salés. Le parc a une superficie de 33,2 km² dont 18,8 km² sont terrestres et 14,4 km² marins. Il est délimité à l’est par la ligne des hautes eaux du secteur de la Pointe-aux-Anglais,  à l’ouest par la route de la mer menant à St-Fabien-sur-Mer et aux chalets du secteur, au sud par la route 132 et, finalement, au nord par une ligne imaginaire qui s’avance dans le Saint-Laurent. Le parc est recouvert à 53 % d’une forêt mixte.

Les Murailles

Le parc national du Bic est souvent décrit comme « un paysage dessiné par la mer » puisque les empreintes laissées par les anciennes mers, les mouvements géologiques et les glaciations sont omniprésentes sur le paysage actuel. Il est traversé par les Appalaches, l’une des plus vieilles chaînes de montagnes du globe qui sillonnent toute la partie orientale de l’Amérique du Nord. La portion montagneuse du Bic est née de la première phase de formation des Appalaches et est représentative du plus vieil élément de cette chaîne de montagnes (NOTE 1).

La région a pris sa configuration actuelle sous l’action de glaciers qui ont modelé et aplani les crêtes des collines, puis creusé et élargi les vallées. Lors de dernière glaciation, il y a 73 000 ans, un énorme glacier occupait le cœur du Québec et se serait déplacé, par accumulation de glace, vers le sud. Il aurait recouvert la région du Bic d’une couche épaisse d’au moins 1 000 mètres. Sous ce poids, le continent s’est alors affaissé. Ensuite, lors du réchauffement, il y a environ 14 000 ans, l’eau de fonte du glacier a envahi la région de l’est du Québec. Le niveau de cette mer – la mer de Golthwait – se situe alors à 155 m au-dessus du niveau actuel. Le relèvement de la croûte terrestre ainsi libérée du poids du glacier s’est par la suite fait par secousses. On peut aujourd’hui observer dans le parc des traces d’anciennes plages créées lors des périodes de stabilité. Cette glaciation a laissé sur son passage des dépôts qui ont pris différentes formes : de vastes terrasses qui ont permis le développement de l’agriculture, d’énormes blocs erratiques (NOTE 2) qu’on observe, par exemple, dans l’anse à l’Orignal, et des tourbières formées par le dépôt d’argile au fond de dépressions.

Encore aujourd’hui, le paysage est marqué par l’action incessante de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent et du climat. L’abrasion, la dissolution et la gélifraction sont les trois formes principales d’érosion. Le littoral est particulièrement prédisposé au phénomène de l’érosion. Les falaises subissent de façon régulière l’action des vagues qui raclent la roche et dissolvent le calcaire qui la compose. Ces débris sont charriés par les courants d’eau ou les glaces flottantes et sont transportés plus loin, puis ils se déposent aux endroits où le courant diminue, ou encore là où les glaces s’échouent. On parle alors de sédimentation. Ainsi, tombolos, plages, flèches de sable, queues de comète, et autres, sont autant de formes littorales que l’on observe au parc national du Bic.

Un sentier pour vélos

Plusieurs sentiers et belvédères aménagés pour le plaisir des visiteurs facilitent l’observation du relief très spécial du Bic. Le belvédère du pic Champlain, le plus haut sommet à 346 m d’altitude, offre une vue imprenable sur le paysage découpé du parc, à la fois sur une portion des Murailles et sur l’estuaire du Saint-Laurent. Ce sentier longe la paroi et traverse une érablière, offrant des points de vue différents sur l’estuaire et la baie du Ha ! Ha ! Le sentier et les belvédères de la Pinède offrent quant à eux une vue splendide de l’anse à l’Orignal et de l’anse à Mouille-Cul, alors que le belvédère de Pointe-aux-Épinettes permet d’observer de haut les variations de teinte de la succession végétale du marais salé.


Une occupation humaine inspirée par le paysage

Artefacts amérindiens datant de milliers d'années

Le territoire actuel du parc national du Bic a été, au cours des siècles, un lieu apprécié pour l’abondance de ressources et la beauté des lieux. L’histoire de l’occupation humaine conduit à un retour dans le passé de plus de 9000 ans. En effet, ce territoire a d’abord servi de lieu de résidence estivale de peuples autochtones qui y pratiquaient la chasse et la pêche de subsistance. Par la suite, l’endroit a été occupé par quelques pionniers. Les premiers d’entre eux étaient pilotes sur le Saint-Laurent. Puis de petits agriculteurs y ont vécu de chasse aux mammifères marins, de pêche à l’anguille et de coupe de bois. Plus tard, la villégiature a pris une place d’importance au Bic, les principaux attraits étant la pêche au saumon de l’Atlantique sur la rivière du Sud-Ouest, la pratique de la voile et le contact avec la nature.
Quelques milliers d’années après la fonte des glaciers, de petits groupes d’Amérindiens se déplaçant sur le fleuve ont donc établi sur les rives du Bic des lieux d’escale ainsi que des sites d’établissements saisonniers de chasse et de pêche. Après des siècles d’occupation amérindienne, les premiers explorateurs européens ont reconnu le pic Champlain comme une balise naturelle jalonnant la remontée du grand fleuve ; de plus, le havre du Bic leur offrait un excellent lieu de mouillage, et ce dès l’arrivée des premiers explorateurs français, notamment de Jacques Cartier qui s’y arrête le 29 août 1535. Cette tradition s’est poursuivie durant plus d’un siècle alors que les pilotes du St-Laurent y donnaient rendez-vous aux navires marchands qui se dirigeaient vers Québec. Plus tard, quelques pionniers ont résolu d’y cultiver la terre et d’y récolter les ressources de la mer. Puis, séduits par la beauté des lieux, plusieurs citadins et gens de la région y ont construit des chalets et des maisons d’été.

La maison Rioux, qui abrite aujourd'hui une boutique de souvenirs et d'artisanat

Ce sont ces dernières traces d’occupation humaine récente que découvrent aujourd’hui les visiteurs du parc, puisque d’anciens bâtiments de la ferme Rioux servent de bâtiments de service et que quelques maisons de villégiature sont encore bien visibles en bordure des plus belles plages du parc. Une maison de thé vient d’ailleurs d’être aménagée dans l’une de celles-ci.

Les archéologues ont découvert au Bic une trentaine d’emplacements occupés à diverses époques par des groupes Amérindiens. Les premiers groupes d’Amérindiens se sont installés sur les rives d’un bras de mer pénétrant l’axe de la rivière du Sud-Ouest. On estime qu’il s’agissait de petits campements occupés pendant de brèves périodes par des populations nomades. Sur le territoire du parc, huit emplacements sont associés à la période dite archaïque (de 8000 à 2500 ans avant aujourd’hui) (NOTE 3). Puis, à partir de 2000 ans avant aujourd’hui, les indices de la présence amérindienne se multiplient (NOTE 4). Finalement, les archéologues ont localisé six emplacements d’occupation récente, soit vers la fin du XVIe siècle.


Faune et flore

En ce qui concerne la flore, 744 espèces de plantes vasculaires ont été inventoriées à ce jour. La diversité floristique du parc est amplifiée par la grande diversité d’habitats attribuables à l’interpénétration de la côte et de l’estuaire du fleuve dans ce territoire parsemé presqu’îles et de baies, à son relief très diversifié ainsi qu’à la présence de falaises calcaires. Des inventaires récents indiquent la présence de 18 espèces de plantes rares (NOTE 5) au parc.

L'eider à duvet

Le parc national du Bic abrite de plus une faune variée. Chez les mammifères, le phoque commun et le phoque gris attirent sans contredit le plus grand nombre d’observateurs. Autrefois très importante, la population du porc-épic d’Amérique est maintenant en déclin, suite à l’apparition d’un nouveau prédateur, le pékan. Cet animal, de la famille des mustélidés, possède une morphologie bien adaptée – courtes pattes et poids de deux à six kilos -  pour attaquer le porc-épic. Sa rapidité, son agilité et sa morsure efficace l’aident à éviter le dos et la queue de sa proie et de l’attaquer au visage et à l'abdomen, qui sont dépourvus de piquants. D’autres espèces plus communes comme le cerf de Virginie, le renard roux, la marmotte commune, le lièvre d’Amérique, et plusieurs autres, se partagent le territoire.

Jeune cerf de Virginie dans le parc du Bic

On recense également quelque 228 espèces d’oiseaux, notamment l’eider à duvet qui envahit chaque printemps les anses et les baies du parc pour y élever ses petits, ainsi que le faucon pèlerin qui niche dans les falaises et le Bruant de Nelson qui niche dans un secteur dégagé du parc. D’ailleurs, le belvédère Raoul-Roy offre une expérience incroyable d’observation de la migration printanière des oiseaux de proie. Chaque printemps, l’endroit réunit de nombreux ornithologues de différentes régions qui observent ces maîtres du ciel qui longent les Murailles en quête de courants d’air chaud ascendants leur permettant de planer encore plus haut en économisant leur énergie. comme la buse à queue rousse, l’épervier brun, la buse pattue, la petite buse, l’aigle royal, le pygargue à tête blanche et d’autres espèces qui sont chaque année au rendez-vous. Plusieurs espèces de poissons sont aussi présentes dans l’estuaire, les lacs et les étangs du parc. Au niveau de la rivière du Sud-Ouest, l’anguille d’Amérique et le saumon de l’Atlantique font l’objet de suivis par le ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec. Finalement, 16 espèces de reptiles et d’amphibiens ont été inventoriées (NOTE 6).


Mieux connaître pour mieux protéger

Plusieurs espèces de plantes et d’animaux font l’objet de suivis et/ou de projets de recherche au parc national du Bic. C’est le cas, entre autres, du phoque commun et du phoque gris, de l’anguille d’Amérique, du porc-épic d’Amérique, du faucon pèlerin et d’espèces floristiques rares ou à statut précaire, de plantes de marais et de bien d’autres. À cela s’ajoute les projets visant l’intégrité écologique du territoire, comme le suivi des espèces rares et le suivi d’espèces exotiques envahissantes, ou encore l’état de préservation des sentiers et des emplacements de camping afin d’en éviter l’altération.

L’information et la sensibilisation du public par le personnel du parc favorise l’atteinte d’un des objectifs des parcs nationaux du Québec, qui consiste à assurer par la contribution de chacun la protection des territoires représentatifs des régions naturelles du Québec, ou à caractère exceptionnel, pour le bénéfice des générations actuelles et futures.


Les activités

Kayak au parc du BIc

Le parc est accessible toute l’année pour la pratique d’activités de plein air et de découverte tels la randonnée pédestre ou à vélo, l’excursion en kayak de mer, l’hébergement de type camping, en tente Huttopia et en yourte. La transmission de connaissances et la sensibilisation des visiteurs à la fragilité des écosystèmes font partie intégrante des préoccupations des employés du parc. En période estivale, une vaste programmation d’activités de découverte est offerte aux visiteurs. Ces activités qui ont pour thème principal « Un paysage dessiné par la mer » traitent, entre autres, de l’occupation humaine, de l’estuaire du Saint-Laurent, des phoques, de la faune ailée, des contes et légendes typiques de la région et du phénomène de la marée. De plus, des chercheurs présentent leurs travaux de recherche dans le cadre de conférences de vulgarisation destinées au public. Le centre de découverte et de services, ainsi que différents panneaux d’interprétation, permettent aux visiteurs d’acquérir des connaissances sur les particularités du parc. 

Yourte en hiver

En saison hivernale, le parc offre aussi la possibilité de pratiquer le ski nordique, la raquette et la randonnée pédestre sur neige. La programmation « Les Joues rouges », qui consiste en divers ateliers et sorties, telles que l’initiation à la photographie hivernale, à la survie ou à l’orientation en forêt, ou encore la randonnée clair de lune et guimauves, et d’autres, s’ajoutent aux expériences proposées aux visiteurs. L’hébergement en yourte, en igloo, en refuge ou en camping d’hiver est également offert. Une visite du parc national du Bic se veut une expérience où tous les sens sont mis à contribution. La relation terre mer y est omniprésente et sait charmer et passionner les visiteurs.

Si vous y séjournez, donnez-vous le temps de sillonner montagnes et collines et de parcourir les innombrables anses et baies. Fermez-vous les yeux pour sentir la caresse du vent marin, mais n’oubliez pas de les rouvrir pour saisir toute la majesté d’un interminable coucher de soleil. Faites une pause afin d’étudier l’infiniment petit, puis de contempler l’infiniment grand. Écoutez et questionnez les gens qui y travaillent, ils vous feront découvrir des richesses inestimables.



Marlène Dionne
Responsable du service de la conservation et de l’éducation
Parc national du Bic 



 


NOTES

1. Les roches sédimentaires présentes au parc proviennent de sédiments qui se sont déposés dans le fond d’une grande dépression de la croûte terrestre. Cet affaissement, inondé par une ancienne mer, a accumulé des sédiments – grès, schistes, calcaires, conglomérats – pendant des millions d’années. Ces derniers se sont compactés et ont durci, puis ils ont été portés en hauteur lors de la fermeture de cette ancienne mer. De cette compression venant du sud-est ont résulté des plissements de grande amplitude. Outre les plis, on retrouve parmi les phénomènes associés à la compression du socle rocheux différents types de failles.

2. Fragments de roche de taille relativement importante, les blocs erratiques ont été déplacés par un glacier, parfois sur de grandes distances, avant d’être abandonnés sur place lors de la fonte de ce dernier.

3. Les plus importants datent respectivement de 4000, 3500 et 2500 ans AA. Un campement estival datant de 2500 ans localisé dans l’anse du cap à l’Orignal, ainsi que d’autres vestiges d’occupations préhistoriques disséminés dans la baie, ont fait l’objet de fouilles approfondies. Ces dernières ont révélé que la région a été fréquentée par des groupes culturels très différents.

4. Dans le parc, les lieux de campement associés à la période sylvicole sont perchés sur d’anciennes plages et datent approximativement de 1700 et de 1300 AA. Également situé au cap à l’Orignal, le campement de 1300 AA laisse présumer, en raison de la particularité de ses outils, que, pour la première fois dans le parc, ces gens étaient résidents de la Côte-Sud.

5. Telles que Adlumia fungosa, Amerorchis rotundifolia, Antennaria howellii ssp. Gaspensis, Botrychium pallidium, dont certaines sont cordillériennes – Erigeron compositus, Woodsia oregana ssp. Cathcartiana, Arabis holboellii var. secunda, Draba aurea, Corydalis aurea ssp. Aurea, Arabis Xdivarecarpa. Selon Bouchard et al. (1983), le terme « rare » caractérise des taxons dont les populations sont faibles ou localisées, qui ne semblent pas en régression et sur lesquelles ne pèsent pas de risques immédiats, mais qui, de par leur aire ou leur structure de population, seraient mises très rapidement en danger si une pression néfaste intervenait.

6. Il s’agit de la grenouille des bois, de la salamandre à deux lignes, de la salamandre rayée, de la salamandre maculée, de la grenouille léopard, de la salamandre à points bleus, du crapaud d’Amérique, de la grenouille des marais, de la grenouille du Nord, de la grenouille verte, de la couleuvre rayée, de la couleuvre à collier, de la couleuvre à ventre rouge et de la rainette crucifère.

 

BIBLIOGRAPHIE

Belzile, Louis, Plan d’interprétation : parc de conservation du Bic, vol. 2 : 1994-1999, Québec, Ministère de l’Environnement et de la Faune, 1995, 211 p.

Forest, J., et M. Dionne, Synthèse des connaissances : parc national du Bic, Parc national du Bic, Sépaq, 200X.

Fortin, D., et L. Belzile, Le parc du Bic, Saint-Laurent (Qc), Éditions du Trécarré, 1996, 89 p.

Groupe Imaginature, Plan de gestion des ressources du Bic, rapport réalisé pour le Ministère de l’Environnement et de la Faune, 1999, 230 p.

Pomerleau, Raymonde, Parc du Bic : le plan directeur, Québec, Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Direction de l’aménagement, janvier 1987, 210 p.

 

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