Parc national de Plaisance

par Houle, Jean-François

Étangs

En créant le parc national de Plaisance, le 22 mars 2002, le gouvernement du Québec assurait la protection et la mise en valeur d'un échantillon représentatif de la région naturelle des basses-terres de la vallée du Saint-Laurent, mais également d'un territoire reconnu depuis longtemps pour sa grande richesse faunique et floristique. Ce parc situé sur les rives de la rivière Outaouais, dans l'ancienne seigneurie de Louis-Joseph Papineau, est fortement enclavé par les milieux agricoles et urbains. Cet oasis dominé par les milieux humides fait partie des joyaux du patrimoine naturel québécois.


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Le parc national de Plaisance est un archipel composé d'îles et de presqu'îles sis au coeur de la rivière des Outaouais, entre les villes de Thurso et de Papineauville. Plus du quart de sa superficie est composée de milieux humides et la partie terrestre est dominée par quelques belles forêts aux essences très diversifiées, mais surtout par des milieux ouverts, témoins de son ancienne vocation agricole. En effet, bien avant la création du parc, le territoire a connu une occupation humaine importante. La majorité de sa superficie fut défrichée lorsqu'on a colonisé cette région à partir de 1805, sous l'autorité du seigneur Joseph Papineau. Certaines sections à faible potentiel agricole furent épargnées et constituent le couvert forestier d'aujourd'hui.

 

Le barrage de Carillon

Entre les années 1963 et 1967, une autre intervention humaine est venue modifier de façon importante le territoire : la création du barrage de Carillon sur la rivière des Outaouais, à environ 60 km en aval du parc. À Plaisance, les répercussions de ce barrage ont été très sensibles puisqu'il a provoqué une hausse du niveau de la rivière d'environ 1,5 m. C'est alors que les baies riveraines et les forêts marécageuses ont été inondées, ou reculées, et que plusieurs nouveaux habitats humides ont été créés. Par ailleurs, une grande partie des terres situées dans la bande inondable ont été expropriées par Hydro-Québec. Dans la superficie actuelle du parc, cela toucha plus d'une vingtaine de familles. Ainsi, la majorité de ces terres furent laissées en friche et la nature y a repris tranquillement ses droits.

 

Canards Illimités

Bernache du Canada

Au début des années 1970, sur ces nouvelles terres acquises par Hydro-Québec, l'organisme Canards Illimités a fait des interventions en termes d'aménagement de milieux favorables à la sauvagine. Plusieurs étangs ont été creusés artificiellement à partir de dépressions naturelles et quelques digues ont été érigées afin de contenir davantage l'eau de baies nouvellement formées le long de la rivière des Outaouais. Ainsi, on pu agrandir des territoires déjà reconnus comme propices à la nidification. Ces retenues d'eau en milieu marécageux ne furent pas seulement bénéfiques pour la sauvagine, elles ont également favorisé l'implantation d'autres espèces d'oiseaux, de mammifères et de poissons associés aux milieux humides.

C'est ainsi, que l'agriculture, la coupe forestière, le barrage de Carillon et les aménagements de Canards illimités ont largement contribué à l'incroyable biodiversité que l'on retrouve aujourd'hui à Plaisance. Par l'expropriation et les aménagements qui ont suivi la construction du barrage, on a sans le savoir préparer le territoire de Plaisance à sa vocation actuelle de parc national.

 

Le parc Dollard-des-Ormeaux

Suite à la grande période d'expropriation des années 1960, Hydro-Québec a amorcé comme mesure de compensation la mise en place d'une série de campings et d'aires aménagées sur les terres expropriées des municipalités touchées. C'est ainsi qu'en 1968 fut crée à Plaisance le parc Dollard-des-Ormeaux qui comptait un camping aménagé, une piscine et trois aires de pique-nique sur la Petite-Presqu'île. Le reste du territoire fut voué à la chasse à la sauvagine et au trappage du rat musqué. On alloua également, àc ertains endroits, des baux pour la pratique de l'agriculture sur une centaine d'hectares de terres. Puis on créa en 1979 la réserve faunique de Plaisance où le trappage, la pêche, la chasse et le camping demeurèrent les principales activités. Cependant, on se rendait compte de plus en plus de la valeur écologique de ce territoire et de son potentiel écotouristique.

 

La création du parc national de Plaisance en 2002

Suite à la volonté du milieu régional et des différents paliers gouvernementaux préoccupés par la protection du milieu naturel, la table était mise pour le changement de statut de cette réserve faunique. On changea le statut de Plaisance pour en faire une aire protégée le 22 mars 2002. Par ce geste, le gouvernement reconnaissait officiellement la valeur patrimoniale de ce milieu particulier et s'engageait à le protéger pour le bénéfice des générations actuelles et futures. La protection de ce petit archipel luxuriant était d'autant plus importante qu'il était fortement enclavé par les milieux agricoles et urbains qui l'entourent et qui en menaçaient l'intégrité.

 

Des îles et des presqu'îles qui chantent

Ouaouaron

Jusqu'à maintenant, l'observation de plus de 250 espèces d'oiseaux NOTE 1 a été confirmée sur ce petit territoire. Plaisance est reconnu depuis longtemps par les ornithologues amateurs comme l'un des hauts-lieux de l'ornithologie au Québec. Cette réputation découle d'une part de la grande diversité d'habitats qui caractérise les lieux, et d'autre part du fait que le parc soit situé dans un important corridor de migration de la sauvagine. Ainsi, à chaque printemps et à chaque automne, le parc est envahi par des milliers de canards et d'oies, de même que par des rapaces et des passereaux en transit entre leurs aires de reproduction et celles d'hivernage.

Près de la moitié des espèces de mammifères répertoriés au Québec trouvent refuge sur ce territoire, soit plus d'une quarantaine. Le cerf de Virginie, le rat musqué (plus de 1000 huttes de rats musqués sont érigées chaque année dans les eaux du parc), la marmotte commune, le tamia rayé, l'écureuil roux et le raton laveur sont les espèces les plus faciles à rencontrer, ainsi que le castor dont on retrouve à Plaisance la plus grande concentration de colonies au Québec NOTE 2. L'observateur plus chanceux, ou aguerri, pourra aussi voir à l'occasion le coyote, le renard roux, l'ours noir, l'orignal, la loutre ou encore le vison. Toutefois, en ce qui a trait à l'observation de la faune, ce sont les reptiles qui volent la vedette. En effet, le parc est l'hôte de trois espèces de tortues particulièrement prisées par les visiteurs : la tortue peinte, la plus commune, la tortue serpentine et la tortue géographique. Les deux premières étant les plus faciles à observer, surtout durant le mois de juin, pendant la saison de reproduction. Quant à la flore, environ 500 espèces ont été inventoriées jusqu'à maintenant. Mis ensemble, flore et faune, c'est aussi plus de 40 espèces à statut précaire, menacée, vulnérable ou encore susceptible de l'être, qui trouvent refuge dans le parc national de Plaisance.

 

Protection, conservation et... accessibilité

Selon la Loi sur les parcs, la mission des parcs nationaux du Québec est celle-ci :

« [...] l'objectif prioritaire [d'un parc national] est d'assurer la conservation et la protection permanente de territoires représentatifs des régions naturelles du Québec ou de sites naturels à caractère exceptionnel, notamment en raison de leur diversité biologique, tout en les rendant accessibles au public pour des fins d'éducation et de récréation extensive. » NOTE 3

Dans le contexte d'une forte pression humaine en périphérie du parc national de Plaisance, les notions de conservation et d'accessibilité peuvent sembler paradoxales. En effet, il faut accéder au moins une fois à ce petit territoire de 28,1 km2 pour comprendre tout le sens que la mission de conservation prend à cet endroit. Afin de rendre ces deux missions conciliables, plusieurs moyens sont mis en place, dont les trois principaux sont les suivants : le zonage, la réglementation et les aménagements. Le parc national de Plaisance possède trois zones de service où sont concentrées les activités ayant des impacts humains importants, incluant les campings, le réseau routier et les centres de services. Certains secteurs non accessibles au public possèdent quant à eux le statut de zones de préservation. On protège ainsi toutes les îles du parc, quelques anciennes forêts de grande valeur et des secteurs à fort potentiel archéologique. Quant au reste du territoire, il est composé de ce qu'on appelle la zone d'ambiance. On retrouve dans celles-ci la majorité des aménagements reliésà la pratique d'activités dite extensives, tels la randonnée pédestre ou le vélo. On y retrouve également plusieurs aires de repos, d'observation et de pique-nique.

Comme autre mesure de protection, le gouvernement a mis en place une réglementation particulière. Ainsi, les visiteurs sont priés de toujours demeurer dans les aires aménagés pour eux. De plus, la pratique de certaines activités ne sont pas autorisées, par exemple la chasse, le piégeage et la circulation en motoneige ou en véhicule tout-terrain (vtt). En parallèle, l'équipe de conservation du parc mène chaque année des projets de recherche et d'acquisition de connaissance afin de mieux connaître le territoire du parc et, ainsi, mieux guider les gestionnaires dans les actions à mener pour le protéger.

 

Un patrimoine humain à retracer et à protéger

Fouilles archéologiques

En 1987, un inventaire de sites archéologiques a été réalisé sur le territoire de la Municipalité régionale de comté (MRC) de Papineau. Il a notamment permis de valider quatre sites préhistoriques sur le territoire du parc national de Plaisance. Les artéfacts alors mis à jour étaient associés à la période Sylvicole (2500 à 500 ans avant aujourd'hui). Ces découvertes ont menée à une cartographie des sites sensibles dont les autorités du parc doivent tenir compte dans les aménagements futurs. Ce n'est qu'en 2007, lors d'un projet de construction d'une piste cyclable, que des fouilles archéologiques ont apportées de nouvelles données sur l'occupation humaine préhistorique.

Ces recherches ont confirmés non seulement la présence autochtone sur le territoire durant la période sylvicole, mais également sur une période allant jusqu'au Paléo-indien. En effet, on constate la présence d'activités de taille de quartz et d'activités domestiques qui se seraient déroulées sur le territoire il y a plus de 7 500 ans. Une autre trouvaille intéressante est venue montrer l'importance de l'occupation de ce territoire à l'époque des premiers contacts avec les Français, soit la découverte d'un cimetière amérindien qui aurait été mis en place vers le début du XVIIe siècle. En 2009, l'archéologue Marcel Laliberté conclu dans son rapport que :« Cette tranche d'histoire est précisément, à notre avis, ce qui distingue le complexe archéologique du Parc national de Plaisance des sites ou complexes archéologiques les plus réputés de la vallée de l'Outaouais, tels les Iles Morrisson et aux-Allumettes, le Parc du Lac Leamy et le Rocher-à-l'Oiseau, et qui pourrait éventuellement faire du Parc National de Plaisance l'une des plus importantes Réserve de sites archéologiques du Québec. »

C'est pourquoi d'autres recherches archéologiques seront menées au cours des prochaines années, dans l'espoir de mieux connaître l'histoire du territoire. A moyen ou à long terme, certains sites archéologiques du parc pourraient être mis en valeur pour le bénéfice des visiteurs.

 

Partez à la découverte du parc!

Garde-parc naturaliste

Dépaysement ! C'est à quoi peut s'attendre le visiteur qui se présente au parc national de Plaisance pour la première fois. Le territoire porte à cet effet le sobriquet de bayous duN ord ! Le visiteur attentif sera étonné de constater la facilité et le succès des observations fauniques que l'on peut y faire. Au niveau de la flore et du paysage, quelques merveilles se dévoilent aux visiteurs attentifs, puisque le parc change de décor au gré des saisons, des mois, et même des semaines ! Ce sont tour à tour les champs en friches où apparaissent les milliers de fleurs sauvages au mois de juillet, ou le passage de l'eau libre à de magnifiques jardins flottants qui naissent et meurent dans les baies du parc le temps d'une saison.

Pour en connaître plus sur les fouilles archéologiques, la faune et la flore particulière du parc national de Plaisance et l'histoire de la région, des gardes-parc naturalistes proposent des activités animées aux visiteurs. Ce sont autant d'occasions d'en apprendre davantage sur les premiers habitants, les marais, les tortues, les oiseaux et les mammifères qui caractérisent ce milieu exceptionnellement riche ! On met également à la disposition des randonneurs plus de 25 km de pistes cyclables et 8 km de sentiers exclusivement pédestres. De plus, des canots, kayaks et chaloupes sont disponibles en location. On peut séjourner à Plaisance en camping, avec ou sans service, ainsi qu'en formules « prêt-à-camper », ou encore en chalet ou en yourte. La fréquentation du parc s'établissait à 100 000 jours/personnes en 2008, soit un achalandag equi n'affecte pas le calme et l'ambiance reposante du parc et qui exerce peu de pression sur sa faune et sa flore.

 

Jean-François Houle
Responsable du service de la conservation et de la faune
Parc national de Plaisance

 

 

NOTES

1. C'est près de 80 % de toutes les espèces répertoriées au Québec.

2. Sur les terres du Québec non exploitées pour le piégeage (ex. : aires protégées).

3. Cité dans Société des établissements de plein air du Québec, « Mission », Parcs Québec [en ligne], http://www.sepaq.com/pq/mission.dot.

 

BIBLIOGRAPHIE

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Laliberté, Marcel, Inventaire archéologique du tracé de la Route verte dans les limites du parc national de Plaisance, CLD Papineau et SEPAQ, 2007, 29 p.

Laliberté, Marcel, Évaluation complémentaire du site BjFs-10 : parc national de Plaisance, Québec, SEPAQ et Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2007, 31 p. et annexes.

Laliberté, Marcel, Les recherches archéologiques de 2008 sur le site BjFs-10 : parc national de Plaisance, Québec, SEPAQ et Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2009, 31 p. et annexes.

Lavigne, Hubert, Parc Dollard-des-Ormeaux, Montréal, Hydro-Québec, 1963, 118 p.

Lepage, Michel, Aménagement des marécages de la rivière des Outaouais entre Thurso et Papineauville, Québec, Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, Service de la faune, 1973, 62 p.

Pomerleau, Raymonde, Parc de Plaisance : le plan directeur provisoire, Québec, Ministère de l'Environnement et de la Faune, Direction du plein air et des parcs, Service de la planification du réseau des parcs, 1996, 236 p.

Société des établissements de plein air du Québec, Le parc de Plaisance : une synthèse des connaissances, Québec, SEPAQ, 2002, 129 p.

 

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